Au Maroc, des stations de dessalement mobiles pour étancher la soif des zones reculées

Maroc station désalement mobile

Un ouvrier remplit un réservoir d'eau traitée dans une station de dessalement mobile à Beddouza, dans l'ouest du Maroc, le 23 juillet 2024 © AFP -

Beddouza (AFP) – Les habitants d’un village de pêcheurs marocain sur l’Atlantique ne s’imaginaient pas dépendre un jour de l’océan pour leur eau potable, qui leur est fournie désormais par une station mobile de dessalement, une technologie devenue indispensable à leur survie face à une sécheresse prolongée.

Dans la région de Safi (centre-ouest), une station mobile, composée de deux citernes et deux conteneurs, se dresse depuis juin 2023 sur la plage du Cap Beddouza.

L’eau de mer y est filtrée et des minéraux y sont ajoutés avant qu’elle ne soit distribuée « quotidiennement et gratuitement » à 45.000 personnes dans un rayon allant jusqu’à 180 kilomètres, explique à l’AFP le directeur de l’Agence locale de distribution d’eau et d’électricité, Yassine Maliari.

A Beddouza, le ministère de l’Intérieur a déployé trois des 44 stations de dessalement mobiles « monobloc » que le Maroc a installées depuis avril 2023. Et 219 autres sont en cours de réalisation pour répondre aux besoins urgents d’environ trois millions d’habitants des zones rurales.

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Ces installations mobiles, dont la capacité de production peut varier de 360 mètres cubes à 3.600 m3 d’eau par jour, sont « la meilleure solution possible du fait de leur facilité d’installation et d’extension », estime M. Maliari, qui met aussi en avant un coût plus abordable que les grosses structures: autour de 12 millions de dirhams, soit environ 1,1 million d’euros.

Pour les villes aux besoins gigantesques, de grandes usines de dessalement sont en cours de construction, dont un mégaprojet à Casablanca, qui s’ajoutera aux 12 stations existantes d’une capacité totale de 179,3 millions de m3 par an.

 « Assèchement »

Bien que dans le hameau Sidi Bouchta de Beddouza, des habitants disent trouver l’eau de mer dessalée moins douce que les sources d’autrefois, la sévérité du changement climatique en fait un choix stratégique pour le Maroc, qui compte deux longues façades maritimes.

Jusqu’à récemment, la région dépendait des eaux souterraines « qui se sont taries », raconte à l’AFP Hassan Kheir, pêcheur à la retraite de 74 ans.

Au centre du hameau ce jour-là, plusieurs personnes munies de bidons sont venues s’approvisionner en eau potable dessalée, acheminée par des camions-citerne et placée dans un réservoir en plastique.

« Nous avions déjà entendu parler de l’eau dessalée dans d’autres villes mais nous n’avions jamais pensé y avoir recours », confie Karim, un pêcheur de 27 ans.

Dans le douar (village), la situation semble moins grave que dans d’autres zones plus reculées où des pénuries d’eau ont été recensées cet été du fait de l’assèchement de certains barrages, d’après des médias locaux.

Après six années consécutives de sécheresse, le barrage d’Al Massira, le deuxième plus grand du pays, à environ 220 kilomètres au nord de Safi, est ainsi rempli à 0,4%, contre 75% en 2017, souligne Abdelghani Aït Bahssou, l’un des responsables d’une usine de dessalement de l’Office chérifien des phosphates (OCP) à Safi.

La plupart des barrages connaissent le même sort: leurs réserves ne dépassent pas 28% en moyenne, alors que les périodes de sécheresse devraient s’accroître jusqu’en 2050, sous l’effet d’une baisse de la pluviométrie (-11%) et d’une augmentation des températures (+1,3°C), selon le ministère de l’Agriculture.

 « Course contre la montre »

Le pays mise aussi sur l’eau de mer pour sauver son agriculture: en 2023, 25% de l’eau dessalée a été consacrée à ce secteur, qui consomme plus de 80% des ressources en eau du pays et emploie un tiers de la population active.

Du fait de la sécheresse accrue, « à partir de 2022, cela (édifier ce type de structures) a été une course contre la montre », explique M. Aït Bahssou de l’OCP.

L’OCP a bâti et gère –y compris pour ses propres besoins industriels– plusieurs usines de dessalement dont celle de Safi, où elle compte des installations.

Safi, et ses 400.000 habitants, « a été alimentée progressivement en eau potable dessalée à partir d’août 2023 avant d’atteindre une couverture de 100% depuis février 2024 », précise-t-il.

L’usine va être agrandie pour alimenter Marrakech (1,4 million d’habitants), 150 km à l’est, et ses environs, d’ici 2026.

Dans leur ensemble, les stations de dessalement devraient fournir « plus de 1,7 milliard de mètres cubes par an » et couvrir « plus de la moitié » des besoins du pays en eau potable à l’horizon 2030, a promis le roi Mohammed VI récemment.

© AFP

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