Yinchuan (Chine) (AFP) – Dans un laboratoire de Pékin, des raisins de types hybrides sont alignés sur un plateau blanc pour être testés, tels des pions verts et violets que l’on avance pour combattre les enjeux du changement climatique sur l’industrie viticole naissante du pays.
Le secteur est à peine âgé d’un demi-siècle en Chine, mais doit déjà faire face à des conditions climatiques complexes. Dans de nombreuses régions comme le Ningxia, au nord du pays, les températures hivernales sont telles que les vignes doivent être enterrées.
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« En Chine, puisque ce secteur est relativement jeune, nous n’avons pas de conclusions précises à propos du changement climatique », a déclaré à l’AFP Dai Zhanwu, professeur à la Chinese Academy of Science (CAS).
La production mondiale de vin a toutefois chuté de 10% en 2023, principalement en raison de « conditions environnementales extrêmes » comme la sécheresse et les incendies, selon un organisme majeur du secteur.
En Chine, des scientifiques utilisent la génétique et l’intelligence artificielle pour anticiper les défis des cinquante prochaines années liés au changement climatique, qui exacerbe les conditions météorologiques et climatiques extrêmes.
Car la hausse des températures impacte la qualité du raisin, selon un récent article de la revue scientifique Nature, ce qui signifie que « l’adaptabilité des zones viticoles change et qu’il y aura des gagnants et des perdants. »
Mais les producteurs chinois sont déterminés à faire partie des vainqueurs.
« (Les producteurs de vins) nous contactent pour savoir ce qu’il adviendra dans les prochaines décennies et ce qu’ils devraient faire pour se préparer », explique Dai Zhanwu.
Un monde plus chaud
Que ce soit dans le calme stérile des laboratoires du CAS ou dans les champs poussiéreux des régions viticoles comme le Ningxia, on recherche des réponses.
Dans les vignes, les producteurs de vins ont raconté à l’AFP qu’ils observaient déjà les effets d’un monde plus chaud.
Selon Liang Yuwen, chercheur en horticulture à Ningxia, les vendanges sont de plus en plus précoces en raison des conditions climatiques extrêmes.
« Du point de vue du vigneron, l’instabilité du climat est une crainte », souligne-t-il.
Zhang Jing, une viticultrice primée, dit son inquiétude quant à l’effet de la montée de la température sur ses raisins.
« Quand il fait soudainement chaud, les raisins mûrissent trop vite (…) le sucre s’accumule, mais l’acidité est trop faible. Ce déséquilibre constitue un énorme défi », dit-elle.
Face aux bouleversements climatiques, Mme Zhang et d’autres expérimentent de nouvelles pratiques, et envisagent même d’implanter des vignobles dans des régions plus fraîches, comme les montagnes du Yunnan ou bien au Tibet.
Du labo aux champs
En laboratoire, les scientifiques chinois travaillent au développement de nouvelles variétés de raisins hybrides plus vaillantes face au changement climatique.
A Pékin, M.Dai et ses collègues étudient l’ADN du raisin, essayant de comprendre le rôle que jouent certains gènes dans des facteurs tels que la couleur, l’arôme et la résistance à la sécheresse.
Chaque année, le laboratoire peut produire jusqu’à 20.000 nouveaux génotypes par croisement, qui doivent tous être testés et évalués.
Ces scientifiques utilisent des logiciels de reconnaissance d’image par l’intelligence artificielle pour enregistrer en quelques secondes des aspects comme la couleur, la forme et la taille, réduisant ainsi le temps nécessaire à l’identification des candidats à une culture plus poussée.
Les souches prometteuses sont ensuite testées sur le terrain.
« Il s’agit de croiser les bonnes caractéristiques des vignes parentales, de sorte que la résistance au froid et à la sécheresse du plant père soit meilleure, et que la qualité des fruits du plant mère soit meilleure », explique Xie Jun, chercheur en génétique végétale.
Un vin aux « caractéristiques chinoises »
Il existe déjà des cépages hybrides chinois utilisés pour faire du vin, les plus connus étant Beihong et Beimei.
Ces cépages hybrides ont été développés en croisant une vigne sauvage indigène résistante au froid, Vitis amurensis, avec des espèces européennes au goût plus prononcé.
Résultat, les vignes peuvent résister à des températures en dessous de -20 degrés Celsius et n’ont pas besoin d’être enterrées pendant l’hiver.
« Les producteurs sentent désormais que ce cépage permettra de produire du vin avec des caractéristiques chinoises », s’enthousiasme M. Liang.
Longtemps victimes de leur image de piètre qualité, les hybrides sont largement répandus dans l’industrie viticole.
« Face au changement climatique, je pense qu’au cours des dix dernières années, même en Europe, les gens ont changé d’avis », estime Dai Zhanwu.
© AFP
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