L’éco-anxiété concerne plus d’un étudiant sur deux

Eco-anxiété à l'Université

Barcelone: Université Ramon Llull, province de Barcelone, Catalogne, Espagne (41°23'17.62"N-2° 9'46.57"E).

62 % des étudiants se disent préoccupés par le réchauffement climatique, selon une étude menée par la docteure Noura Yefsah, chercheuse au Laboratoire dynamiques sociales et recomposition des espaces (LADYSS) dans 4 universités parisiennes. Si l’éco-anxiété implique un sentiment d’impuissance et d’inquiétude pour l’avenir, elle peut aussi encourager à s’engager pour l’environnement.

« A quoi ça sert de faire des études si on ne peut pas vivre sur Terre ? »

« A quoi ça sert de faire des études si on ne peut pas vivre sur Terre ? ». C’est une des réponses obtenues par la docteure en psychologie et chercheuse au laboratoire LADYSS Noura Yefsah lors de son étude intitulée La transition écologique face au changement climatique et l’éco-anxiété chez les étudiants.Ils sont 62 % à en souffrir sur les 382 jeunes interrogés. Tous étudient à Paris, soit la géographie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, à Paris 8 Vincennes – Saint-Denis et à Paris Nanterre soit l’économie au sein de l’université Paris Cité.

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L’éco-anxiété, quand la crise climatique affecte la santé mentale

Mais que désigne le terme d’éco-anxiété exactement ? Pour la docteure Yefsah, il s’agit d’un concept en psychologie définissable comme « un état de malaise psychologique ». Ce « sentiment d’appréhension par rapport au changement climatique » ne doit pas être pris pour « un trouble psychologique », qui demande une « prise en charge», insiste-t-elle.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne reconnaît pas encore le terme d’éco-anxiété, bien que le Larousse l’ait intégré en 2023.  Le dictionnaire le définit comme une « forme d’anxiété liée à un sentiment d’impuissance face aux problématiques environnementales contemporaines » telles que le réchauffement climatique et ses conséquences. Cette définition a la particularité de préciser que « cette peur chronique d’une catastrophe écologique irréversible touche surtout les 18-24 ans. »

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Les jeunes premiers concernés

L’éco-anxiété concernerait donc particulièrement les jeunes. La docteure Yefsah explique par les changements liés à la fin de l’adolescence. Mina Sibi, chargée de projets de sensibilisation à la Fondation GoodPlanet, partage cette constatation. Dans le cadre du projet Cap Eco-délégués, elle accompagne des collégiens et lycéens dans quatre académies en France : Aix, Marseille, Poitiers et Amiens. Si Mina Sibi a constaté un intérêt pour les questions environnementales chez tous les jeunes, l’éco-anxiété est une spécificité des plus âgés au lycée, plus « stressés » concernant le réchauffement climatique. Elle évoque des jeunes parfois découragés de mener des actions, car ils n’ont pas l’impression de « provoquer un réel changement » à leur échelle.

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Ce sentiment d’impuissance et d’inquiétude face à l’avenir pourrait aussi être lié aux manières de s’informer. Les collégiens se montrent moins anxieux car ils s’intéressent aux questions environnementales principalement au travers de leurs cours, tandis que les premières sources d’information sur le sujet pour les lycéens sont les réseaux sociaux, constate Mina Sibi. Ils y consultent une actualité environnementale alarmiste, sous forme de « flash info » d’images ou de « reels », explique-t-elle.

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Des facteurs sociaux et de genre

L’âge n’est pas le seul facteur commun aux éco-anxieux. Des études ont montré que « les filles sont plus sensibles » à la question du réchauffement climatique, explique la docteure Yefsah.

Un facteur social est à prendre en compte. Ainsi, les étudiants interrogés par la docteure Yefsah étudient tous à Paris. Les questionnaires qu’elle leur a distribués comprenaient également une question dédiée à leur situation économique : « basse », « moyenne » ou « élevée ». Les étudiants se déclarant appartenir aux milieux les plus favorisés se sont révélés les plus sujets à l’éco-anxiété. Mina Sibi dresse un constat similaire dans le cadre de ses activités au lycée international Georges Duby à Luynes. Les étudiants de cet établissement sélectif, où l’entrée se fait sur dossier, sont aussi particulièrement engagés sur les questions environnementales. Ayant beaucoup d’opportunités de s’investir dans diverses associations, ils ont  « accès à beaucoup d’informations » selon Mina Sibi. Cela leur permet de s’impliquer « dans de nombreux domaines » incluant l’environnement.

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L’éco-anxiété peut aussi donner envie d’agir

Le pessimisme ne gagne pas pour autant la jeunesse. En effet, l’éco-anxiété peut aussi avoir des effets positifs et pousser à l’action. Le sentiment d’impuissance qui y est lié, renforcé par la conscience que certains ne s’intéressent pas du tout à la préservation de l’environnement, peut se traduire par de la « colère », selon Noura Yefsah. Selon elle, la conscience de l’urgence climatique peut motiver les jeunes « travailler » et « réfléchir ensemble pour créer cette transition écologique ».

La chercheuse a constaté l’intérêt des jeunes durant son étude. Ils avaient « beaucoup de questions » et ont été 382 à répondre au questionnaire sur les 400 distribués. Si certains ont expliqué avoir « peur d’avoir des enfants » ou du mal à « se projeter » du fait d’un avenir incertain, leur anxiété est « une projection vers un travail positif », affirme la scientifique. Ils sont « inquiets » mais ont « beaucoup d’énergie pour agir ensemble ». C’est pourquoi, certains des étudiants qui ont répondu à l’enquête « ont décidé de suivre des filières dans l’environnement ou la gestion des crises » pour rendre possible la transition écologique. « Ils veulent participer à trouver des solutions », affirme la docteure Yefsah.

Des solutions à l’éco-anxiété

Pour la psychologue Noura Yefsah, l’éco-anxiété doit être l’objet d’un « accompagnement » psychologique.  Il doit permette aux jeunes de s’adapter académiquement afin « d’éviter des impacts négatifs sur leur travail universitaire ». Parmi les pistes de solutions à mettre en place, elle propose davantage d’éducation et de sensibilisation. Sous la forme, par exemple, d’un « module de formation » sur la transition écologique, le changement climatique ou même l’éco-anxiété. Il est par ailleurs important de « montrer l’importance de l’environnement pour la santé psychologique » des jeunes, avec plus de verdure dans les établissements par exemple. « Je pense qu’il n’y a pas de transition écologique sans transition des comportements. Moi, je souhaite aussi travailler sur l’éducation environnementale », conclut-elle.

Audrey Bonn

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Pour aller plus loin:

Le projet Cap Eco-Délégués de la Fondation GoodPlanet

La plateforme Cap Eco-Délégués

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