Nocaima (Colombie) (AFP) – Dans un terrarium en Colombie, des dizaines de grenouilles exotiques attendent qu’un acheteur les emmène en toute légalité comme animaux de compagnie dans un autre pays, une initiative considérée comme une « solution pratique » contre le trafic clandestin.
« S’il y a une demande internationale de grenouilles, il est important de fournir des grenouilles légales qui peuvent aussi se reproduire dans leur (nouvelle) destination » à l’étranger, explique à l’AFP Ivan Lozano, fondateur de « Tesoros de Colombia », qui élève 14 espèces différentes de grenouilles colorées.
Selon lui, l’élevage de grenouilles est une « solution pratique et légale » pour la conservation d’espèces pour certaines menacées, à l’image des fermes de papillons au Costa Rica ou les fermes de grenouilles endémiques en Équateur.
Avec 895 espèces différentes, la Colombie abrite 10% des amphibiens du monde. Dans ce paradis de biodiversité qui accueille la COP16 à partir du 21 octobre, le trafic de grenouilles est passible de cinq à douze ans de prison. Alors qu’aux États-Unis et dans la majorité des pays européens, la possession de ces amphibiens est autorisée et « des millions d’animaux vertébrés terrestres sont arrachés vivants à leur environnement en Colombie pour le trafic international d’espèces », poursuit M. Lozano.
Le commerce illicite d’espèces sauvages génère jusqu’à 23 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an, ce qui en fait une des activités les plus lucratives au monde, juste derrière le trafic de drogue, la contrefaçon et le trafic d’êtres humains, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature.
Pour contrecarrer le trafic, « Tesoros de Colombia » utilise le motif unique de taches que possède chaque grenouille sur le dos et le ventre « comme une empreinte digitale pour les différencier individuellement ».
Ainsi « un code unique est attribué à chacune en fonction de ces taches, et avec des photos il est envoyé au CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) du pays de destination afin qu’à leur arrivée, elles soient vérifiées et que chaque propriétaire ait une grenouille unique, avec une traçabilité et une légalité vérifiable », explique M. Lozano.
« Cela évite la possibilité d’inclure d’autres grenouilles non légales dans ces collections internationales, protégeant ainsi l’espèce à l’état sauvage et la souveraineté de la Colombie en même temps ».
Assécher le marché illégal
Des dizaines de têtards conservés nagent dans des récipients en plastique, comme cet « Oophaga histrionica fuego » qui prendra ses couleurs jaune vif, ou cet « Oophaga lehmanni » très venimeux, également en danger critique d’extinction.
« Ils ne cessent de m’étonner », confesse Alejandra Curubo, une zootechnicienne de 35 ans, qui montre comment un tétard est en train de « terminer sa métamorphose » en grenouille.
« Lorsque nous les exportons, nous partons toujours avec l’idée qu’elles iront dans un endroit meilleur », où un collectionneur leur prêtera toute son attention, dit M. Lozano.
Comme dans le terrarium de Michael Heinrichs, dans le Colorado, aux États-Unis, client de « Tesosros de Colombia » depuis 2021 avec l’achat d’une « Oophaga histrionica », la grenouille arlequin « charismatique ».
Il possède une « petite » collection de 40 grenouilles dans une pièce qu’il qualifie de « lieu zen ». « Je peux littéralement passer une heure à observer les grenouilles, c’est un endroit très calme et paisible », explique par téléphone cet amateur de 65 ans.
« Je me concentre sur les grenouilles de haute qualité », précise-t-il, avouant avoir déjà payé jusqu’à 1.000 dollars pour un spécimen rare.
Dans son catalogue, « Tesoros de Colombia » propose sept espèces à l’exportation, sept autres étant en attente d’agrément.
Un collectionneur peut ainsi s’offrir l' »Oophaga histrionica », à la large palette de couleurs, qui mesure moins d’un demi-centimètre et dont le venin peut provoquer des paralysies respiratoires. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), cette espèce est « en danger critique d’extinction » dans son milieu naturel, le Pacifique colombien.
Les prix varient en fonction du marché international, qui tire les prix à la baisse, rendant ainsi moins attractif le trafic illicite.
La « Phyllobates terribilis », connue sous le nom de grenouille dorée, est par exemple passée de 150 dollars à environ 40 dollars aujourd’hui.
« Le marché illégal en provenance de Colombie s’est asséché », affirme M. Heinrichs, le collectionneur américain qui juge aujourd’hui « difficile, voire improbable » de trouver des amphibiens colombiens illégalement importés aux États-Unis.
En janvier pourtant, 130 grenouilles arlequin ont été saisies à l’aéroport international de Bogota, à destination de Sao Paulo, au Brésil, cachées dans des boites de pellicules photos.
© AFP
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