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Dans le Pacifique colombien, un catamaran au chevet du royaume des requins

catamarin colombie

Le catamaran Silky à côté de Malpelo, l'île la plus isolée de Colombie dans le Pacifique, le 7 septembre 2024 © AFP Luis ACOSTA

Isla de Malpelo (Colombia) (AFP) – Tel un petit point blanc au pied de l’imposante rocaille, au beau milieu de l’immensité du Pacifique, un catamaran patrouille dans les eaux de Malpelo.

Refuge pour les requins, cette île rocheuse isolée, près de 500 km à l’ouest des côtes colombiennes, abrite de nombreuses espèces marines menacées dans le Pacifique.

Le catamaran, avec à son bord des activistes écologistes, lutte contre les bateaux de pêche illégaux qui braconnent et massacrent les squales à l’intérieur de ce parc naturel marin.

Sa présence à proximité de l’immense rocher inhabité, territoire de la Colombie, a eu pour conséquence une diminution des ravages commis par les pêcheurs illégaux dans cette zone protégée de l’un des pays les plus riches du monde en biodiversité, qui accueille la COP16 à partir du 21 octobre dans la ville de Cali.

Depuis 2018, ces protecteurs des requins affrontent les navires venus d’Asie du Sud-Est et des pays voisins de la Colombie. A bord de leur catamaran « Silky », ils tentent de détecter les bateaux suspects, les forcent à partir en venant naviguer sur leur bord et en appelant la marine colombienne. Ces activistes pas comme les autres plongent également pour couper les filets de pêche et libérer les animaux pris dans les hameçons.

 365 jours

« Nous essayons autant que possible de retirer les engins de pêche, de libérer les espèces piégées, c’est notre principale mission », explique Dario Ortiz, 53 ans, l’un des capitaines du catamaran.

Ancien pêcheur artisanal devenu militant écologiste, M. Ortiz navigue à bord pendant 45 jours, jusqu’au changement d’équipage.

« Je me sens déjà appartenir à ce bout d’océan, confie-t-il à l’AFP en contrebas des falaises de Malpelo. Le voyage vers l’île de l’équipe de l’AFP a nécessité plus de 20 heures de navigation sur un navire de la marine colombienne.

L’initiative est menée par Erika Lopez, une plongeuse expérimentée, révoltée par la chasse aveugle aux requins menée dans ce parc national où la pêche est en théorie interdite, la plus grande zone protégée du Pacifique Est avec plus de 857.000 hectares, et reconnue comme un site du patrimoine mondial de l’Unesco.

Selon la fondation « Biodiversity Conservation Colombia », que Mme Lopez dirige avec le parrainage d’un philanthrope australien, les gardiens du Silky ont sauvé 508 animaux depuis 2018. Ils ont également fait fuir 302 bateaux et récupéré plus de 70.000 mètres de cordes de pêche.

Depuis décembre dernier, les marins du Silky disent n’avoir intercepté aucun bateau de pêche près de Malpelo. Le navire « doit pratiquement contenir cette menace 24 heures sur 24, sept jours sur sept, 365 jours par an », explique Mme Lopez, 51 ans.

« Ce projet est vraiment un succès dans la mesure où les pêcheurs ne reviennent pas dans la zone protégée pour pêcher (…) Moins nous voyons de pêcheurs, plus nous avons de succès dans la zone », se réjouit-elle.

La Colombie ne tient pas de registre des victimes du braconnage des requins. Entre 2012 et 2022, les autorités ont cependant saisi plus de 334 tonnes de poissons capturés illégalement dans leur habitat, selon le ministère de l’Environnement.

Un lieu très convoité

Les eaux de Malpelo, point clé sur leur route migratoire pour se reposer et se nourrir, regorgent de requins-marteaux, de requins-baleines et autres espèces menacées ou vulnérables.

L’île est en fait le point culminant d’une chaîne de montagnes sous-marines, une cordillère volcanique appelée dorsale de Malpelo s’étendant sur près de 300 km et dont les bases se trouvent à une profondeur allant jusqu’à 4.000 mètres.

L’île en elle-même, qui ressemble à un gros caillou, ne fait que 3,5 km de superficie, et abrite des espèces endémiques d’oiseaux, de crabes et de reptiles. On ne peut y accéder que par une échelle de bois suspendue.

Les eaux de Malpelo sont un incontournable pour les amateurs de requins et l’un des plus beaux sites de plongée au monde: c’est ici qu’ont été tournées des images célèbres d’immenses bancs de requins-marteaux. L’endroit est aussi réputé particulièrement dangereux pour les plongeurs, du fait des forts courants sous-marins.

Quelques touristes privilégiés payent une fortune pour venir y plonger depuis leurs bateaux, faute de pouvoir aborder sur l’île.

Son éloignement et sa richesse « en font un lieu très convoité pour la pêche industrielle, tant nationale qu’internationale. Des pêcheurs de l’Equateur, du Costa Rica, du Panama et du Nicaragua recherchent toutes ces espèces que nous avons dans la région », explique Hector Montaño, employé des Parcs nationaux et membre de l’équipage du Silky.

Au large et à l’extérieur de la zone de Malpelo, le navire de la marine colombienne « Siete de Agosto » a arrêté trois pêcheurs équatoriens, capturés à bord de leur petite embarcation avec cinq requins décapités.

« Le Pacifique colombien est très riche et recherché », observe l’amiral Rafael Aranguren. Avec « nos navires, nous pouvons atteindre cette partie du territoire et mener des contrôles pour qu’ils (les pêcheurs illégaux) n’exploitent pas illégalement ces richesses et n’endommagent pas plus un environnement qui doit être préservé dans le temps », commente à l’AFP le commandant de la marine dans le Pacifique.

Selon la marine, près de 30 personnes ont été arrêtées pour pêche illégale en Colombie cette année. Début 2024, le gouvernement a autorisé les pêcheurs artisanaux à consommer de la viande de requin si celui-ci tombe involontairement dans leurs filets. Cette décision a été rejetée par les écologistes, qui y voient une incitation à la consommation et à la chasse aux requins.

Mme Lopez, elle, rêve de disposer d’une flotte océanique de navires dédiés à la conservation et à la science. Le Silky devrait « être pris comme référence pour générer de nouvelles alliances et de nouvelles stratégies de contrôle » de la pêche illégale qui « nous affecte tous et ravage tous les océans du globe ».

© AFP

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