Combien coûtent à la France les émissions de gaz à effet de serre ? Dans une étude publiée ce mois-ci, intitulée « L’épargne nette ajustée des effets liés au climat est négative en France », l’Institut national de la statistique et études économiques (INSEE) propose deux nouveaux indicateurs pour étudier la question. Le Produit intérieur net ajusté (PINA) et l’Epargne nette ajustée (ENA). Tous deux complètent le Produit Intérieur Brut (PIB) et essayent de corriger les lacunes du PIB dans la prise en compte de l’impact écologique des activités économiques. À l’heure de la COP 29 sur le climat, ce rapport, salué comme « original et pionnier » par le directeur général de l’INSEE Jean-Luc Tavernier, pourrait donner des outils supplémentaires à l’action publique pour agir en faveur de l’environnement.
Les coûts multiples des gaz à effet de serre pour l’économie française
Les deux indicateurs mis au point par l’INSEE, le PINA et l’ENA, visent à « monétiser les externalités environnementales », a expliqué à la presse Jean-Luc Tavernier. En effet, si le PIB est l’indicateur phare de la santé de l’économie nationale, il ne prend toutefois pas en compte la manière dont « les activités économiques courantes » qu’il mesure « affectent la qualité du patrimoine transmis aux générations suivantes », expliquent les chercheurs sur le blog de l’INSEE.
L’empreinte carbone coûte 94 milliards d’euros au PIB français
Le PINA et l’ENA ont donc pour particularité de prendre en compte deux coûts implicites des gaz à effet de serre (GES) : les dommages futurs et les coûts de décarbonation. Ces nouveaux indicateurs sont encore « expérimentaux » et n’ont pas vocation à remplacer le PIB, précise l’INSEE sur son blog. Cependant, ils donnent déjà une vision de ce que serait une économie qui tiendrait compte d’un éventuel coût de la pollution par les gaz à effet de serre et leurs impacts.
Ainsi, le Produit intérieur net ajusté (PINA) aux coûts climatiques est estimé à 2200 milliards d’euros, alors que le PIB de la France en 2023 est de 2294 milliards d’euros. Ce qui équivaut à une baisse de 4,1 % du PIB, elle pourrait même atteindre 5,5 % en intégrant les coûts de santé et de morbidité dus aux émissions de gaz à effet de serre.
L’épargne française devient négative en prenant en compte les coûts liés au climat
Le constat est encore plus alarmiste pour l’épargne nette des Français qui s’élève actuellement à 68 milliards d’euros en 2023. L’Epargne nette ajustée (ENA) élaborée par l’INSEE donne un autre chiffre en intégrant le coût des émissions de gaz à effet de serre qui est estimé à 201 milliards d’euros. L’ENA devient alors négative, à – 133 milliards d’euros. Ce qui indique et traduit un manque de soutenabilité de l’épargne française. « On laisse moins aux générations futures que ce dont on a hérité », résume Nicolas Carnot, Directeur des études et synthèses économiques de l’INSEE.
Une nouvelle approche de l’économie pour tenir compte du climat
Afin d’obtenir ces chiffres, différents de ceux de l’orthodoxie économique, et intégrer le facteur écologique, les économistes de l’INSEE ont fait évoluer leur méthodologie. Selon Nicolas Carnot, l’objectif du PINA et de l’INA est de « montrer comment les indicateurs phares », comme le PIB ou l’épargne nette, « peuvent être modifiés pour tenir compte d’autres aspects des politiques publiques ». Pour y parvenir, les économistes ont pris en compte dans leur calcul le coût des émissions de gaz à effet de serre de la France. Ces dernières se mesurent en tonne équivalent CO2. Le CO2 se voit attribuer une valeur. « En moyenne, quand on dépense 50€, on émet l’équivalent de 10kg de CO2 », résume Nicolas Carnot.
Les deux indicateurs reposent sur une valorisation soumise à des évolutions, et les résultats proposés sont marqués d’une « forte incertitude », rappelle l’INSEE dans le rapport. Ainsi, le « coût social du carbone », c’est-à-dire le « coût des dommages implicites » lié aux GES, selon Nicolas Carnot, est estimé à 172€/tonne en 2023. La valeur d’action pour le climat (VAC), soit la « valeur que la collectivité accorde à l’évitement d’une tonne de carbone supplémentaire », est, elle, chiffrée à 154€/tonne en 2023.
L’action pour le climat bénéficierait au PIB
Le PINA et l’ENA démontrent que réduire les émissions de gaz à effet de serre est aussi une nécessité économique. Par ce biais, l’INSEE préconise des actions concrètes des pouvoirs publics pour diminuer les émissions de GES.
En effet, l’inaction climatique a coûté 21 milliards d’euros à la France entre 2018 et 2023, une estimation qui correspond à l’écart entre les émissions de GES et les engagements non respectés. L’INSEE note malgré tout une diminution des émissions du pays de 31% et une baisse de l’empreinte carbone (qui prend en compte les importations) totale de la France de 13 % entre 1990 et 2023 dans un rapport dédié. Cette réduction n’est néanmoins pas suffisante pour garantir la soutenabilité de l’épargne.
Ainsi, en s’appuyant sur la valeur de l’action climat (VAC), l’INSEE chiffre le coût de la décarbonation future à 929 milliards d’euros jusqu’au zéro émissions nettes (ZEN). Selon Nicolas Carnot, des coûts qu’il faudra « cumuler jusqu’à 2050 », date à laquelle la France ambitionne d’atteindre la neutralité carbone.
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Pour aller plus loin :
Etude – Peut-on prendre en compte le climat dans les comptes nationaux ? − Comptes nationaux | Insee
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