La grande expédition Tara, quand l’art se fait scientifique pour défendre les océans

Exposition Tara Océan

La Grande expédition, CENTQUATRE-PARIS, Le ballet du plancton, Christian Sardet et les Macronautes, Vidéo (5 min), 2020 © Quentin Chevrier

La nouvelle exposition de la Fondation Tara Océan, « La grande expédition : Tara, l’art et la science pour révéler le vivant » a ouvert ses portes samedi 16 novembre au Centquatre-Paris. Le but ? Conjuguer les perspectives pour appeler à la protection des océans.

Depuis plus de 20 ans, la goélette Tara a parcouru 590 000 km pour étudier les océans, menacés par la pollution et le réchauffement climatique. De nombreux artistes et scientifiques y ont embarqué à diverses étapes de ses 13 expéditions.

L’exposition se vit comme une immersion et propose des œuvres très diverses : photographies, peintures, textes, films, dessins, musiques… Issus de différentes nationalités, les auteurs et autrices s’inspirent des travaux scientifiques pour aborder des thématiques qui leur sont personnelles. Avec toutefois un point commun : l’appel à protéger les océans.

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L’océan sous toutes ses facettes

L’exposition se veut ordonnée autour six espaces précis liés à l’Océan : le vivant, les pollutions, le sensible, les paysages, les carnets de voyage et la Halle Aubervilliers, en plein air. Bien qu’il n’y ait jamais d’ordre de visite au Centquatre-Paris, le directeur du grand espace culturel du 19ème arrondissement José Manuel Gonçalvès conseille de commencer l’exposition par la salle Paysages.

Salle Paysages, Exposition Tara Océan
La Grande expédition, CENTQUATRE-PARIS, Un monde sculptural et translucide, Cécile Fouillade –
Siqou, Sculptures en porcelaine, 2024 © Quentin Chevrier

L’art pour apporter une nouvelle perspective sur la science

Représenter les paysages depuis la goélette Tara est une manière « d’étirer le temps, comme une résistance à la société », explique Emmanuel Régent. Embarqué sur la goélette alors qu’elle sillonnait la Méditerranée, l’artiste a représenté ce qu’il voyait à son bord. Des paysages aussi divers que les vagues, le bateau, mais aussi les immeubles en ruine de Beyrouth aperçus depuis la mer, près du « quartier des hôtels, à côté de la Marina ». Contrairement à la première impression, ses œuvres ne sont pas des photographies mais bien des peintures, réalisées minutieusement à l’encre de Chine. « Je m’inspire des nouvelles technologies dans une démarche classique du dessin », explique Emmanuel Régent. « C’est une manière de dessiner par le vide, par le blanc, plutôt que par le noir. » Il cultive volontairement une « ambiguïté avec la photo » pour dénoncer la culture de la productivité. Transformé en « une sorte d’imprimante », Emmanuel Régent peint en des « centaines d’heures » ce qu’un appareil photo capturerait en quelques secondes.

Pour Antoine Bertin, tout l’intérêt de l’art est de « ré-extraire le magique et le mystique de la science ». L’artiste résume son œuvre à une « flaque dans une exposition ». En réalité, cette « flaque » ne passe pas inaperçue. Illuminée de couleurs froides, évoquant « le soleil qui se réfléchit dans les premiers millimètres de l’océan », elle diffuse une musique lointaine ainsi que des crépitements. Ceux-ci sont caractéristiques des métabolites, composés chimiques grâce auxquels les microalgues communiquent sous l’eau. Cette communication est synthétisée en 25 minutes d’audio, une minute par jour d’observation. Une manière, pour Antoine Bertin, de montrer la magie dans la science, une thématique oubliée de la culture occidentale. Cela pourrait permettre de « combler l’écart entre données scientifiques et action climatique », en présentant une science plus accessible à tous.

La "flaque" d'Antoine Bertin est à observer dans l'espace dédié au Sensible de l'exposition (mise en image de l'artiste)
La « flaque » d’Antoine Bertin est à observer dans l’espace dédié au Sensible de l’exposition (mise en image de l’artiste)
© studio antoine bertin

A écouter: « Metabolites » par Antoine Bertin

Un appel à l’action pour les océans

Le but de l’exposition est d’inciter le visiteur à protéger les océans, en représentant le vivant… mais aussi de ce qui le détruit. Ainsi, l’artiste Manon Lanjouère a décidé de représenter les microplastiques. Ses œuvres, dessins recouverts de peinture fluorescente, paraissent à la fois scientifiques et esthétiques. Ils ont vocation à représenter la pollution qui envahit et menace les océans.

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Au plafond, une sculpture suspendue, transparente et lumineuse, est faite de « 250 bouteilles de plastique, assemblées à la main », qui pourraient être « des bouteilles qu’on ramasserait sur une plage ». Les centaines de trous qui la transpercent représentent les infimes quantités de plastique perdues à jamais dans l’océan. « La participation du spectateur est la clé du projet », explique Manon Lanjouère pour justifier la dimension symbolique de son œuvre. Pour elle, l’implication du spectateur dans la lecture est « une première manière de s’interroger sur comment en sortir. »

Exposition « La grande expédition : Tara, l’art et la science pour révéler le vivant », à voir au Cenquatre-Paris jusqu’au 2 mars 2025, tarifs de 4 à 8€. Informations pratiques à retrouver sur le site.

Audrey Bonn

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À la découverte des écosystèmes côtiers | Tara Europa

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