En Inde, le coût économique croissant de la pollution de l’air

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Un épais smog recouvre le boulevard Kartavya, à New Delhi, le 18 novembre 2024 © AFP/Archives Sajjad HUSSAIN

New Delhi (AFP) – La gorge qui gratte, les yeux qui piquent et l’économie qui tousse. Le nuage de pollution qui recouvre la capitale indienne New Delhi ne met pas seulement en péril la santé de ses 30 millions d’habitants, il affecte aussi de plus en plus leurs activités.

Sur le podium de tous les classements des villes les plus polluées de la planète, la mégapole baigne toute l’année dans le brouillard des émanations de ses usines et d’une circulation automobile débridée.

Chaque hiver, les fumées des brûlis agricoles des régions alentours rendent ce nuage aux allures apocalyptiques encore plus irrespirable, avec des concentrations en microparticules nocives largement supérieures aux normes de santé internationales.

Et chaque hiver, les autorités locales, incapables de s’attaquer aux racines du mal, parent au plus pressé: écoles fermées, chantiers suspendus, circulation alternée ou télétravail recommandé…

Alors à chacun des « pics » toxiques de la saison, New Delhi tourne largement au ralenti.

A commencer par le secteur des travaux publics, en première ligne. « Arrêter le travail pendant des semaines chaque hiver fait déraper nos calendriers et nos budgets », déplore Sanjeev Bansal, de l’Association des constructeurs indiens.

« Les coûts augmentent à chaque épisode » de pollution, confirme Bhargav Krishna, du collectif de recherches Sustainable Futures Collaborative.

« Smog = danger »

« Des jours de travail supprimés au développement des maladies chroniques, en passant par les morts prématurées et leur impact sur les familles, le coût sanitaire est élevé », énumère-t-il.

La facture de la pollution atmosphérique est difficile à évaluer. En 2019, la firme de consultants Dalberg l’a calculée pour toute l’Inde à 95 milliards de dollars (91 mds d’euros) en « perte de productivité, absences au travail et morts prématurées ».

Soit près de 3% de son budget annuel, et plus de deux fois le montant annuel de ses dépenses de santé.

Dans le détail, la mauvaise qualité de l’air a coûté en 2019 au géant d’Asie du Sud 6 milliards de dollars en absentéisme, 24 milliards en termes de productivité, 22 autres milliards en baisse de la consommation et encore 44 milliards pour les morts qu’elle a causées, selon Dalberg.

La firme estime que la pollution était responsable en 2019 de 18% de la mortalité totale recensée dans le pays, devenu en 2023 le plus peuplé de la planète.

Une évaluation confirmée par une autre étude publiée dans la revue médicale Lancet, qui a attribué à la mauvaise qualité de l’air la mort de 1,67 million d’Indiens la même année.

Les chiffres publiés par Dalberg sont encore plus inquiétants pour la seule New Delhi. La pollution atmosphérique a fait perdre à la capitale 6% de son produit intérieur brut (PIB) en 2019.

« Le smog est un danger pour la santé comme pour la richesse », alerte Anand Goyle, de l’Association nationale des restaurateurs d’Inde. « Les gens qui s’inquiètent de leur santé ne sortent pas et nous en souffrons directement ».

 « Mauvaise image »

La « saison » de la pollution débute dans tout le nord de l’Inde à la faveur de la baisse des températures. Précisément quand les touristes commencent à y revenir, après les étés rendus de plus en plus torrides par le réchauffement climatique.

Selon les statistiques, la qualité de l’air dans la capitale est considérée depuis quelques années comme « mauvaise » les trois quarts de l’année.

Le « smog » de New Delhi, désormais régulièrement à la « une » de l’actualité mondiale, « donne une très mauvaise image de l’Inde », déplore Rajiv Mehra, de l’Association indienne des voyagistes.

Les mesures prises par les autorités, tant nationales que locales, pour tenter de prévenir les épisodes de pollution atmosphérique extrême se sont jusque-là largement soldés par des échecs. Faute de moyens et de réelle volonté politique.

Cette incapacité a elle aussi un coût pour l’économie, mesuré par la Banque mondiale.

Les « effets microéconomiques » de la pollution de l’air causent aussi des « effets macroéconomiques que l’observe année après année sur le PIB », note-t-elle dans un rapport publié en 2023.

L’institution estime ainsi que cet indicateur aurait été supérieur de 4,51% à la fin 2023 si l’Inde avait été capable de réduire de moitié le niveau de pollution les vingt-cinq années précédentes.

Et les prévisions pour les années à venir ne sont pas très optimistes. Dans un pays qui a commencé à vieillir, anticipe l’étude de Dalberg, « l’impact de la pollution de l’air va augmenter, notamment en termes de mortalité ».

© AFP

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