Hong Kong (AFP) – Pendant près d’un demi-siècle, la maisonnette de Kwok Hoi-yin, située à la frontière hongkongaise avec la Chine continentale, était entourée d’une multitude d’étangs et de champs verdoyants, qui contrastaient avec les gratte-ciels de la mégapole de Shenzhen, au nord.
Mais ces dernières années, le village centenaire de Ha Wan Tsuen a rétréci, grignoté par des routes et des ponts car préempté pour un futur projet gouvernemental ambitieux d’urbanisation de la zone frontalière, la « Métropole du Nord », qui sera mis en œuvre malgré les inquiétudes des habitants et de militants écologistes.
L’idylle bucolique de M. Kwok, près des plus grands marais de Hong Kong, a disparu depuis longtemps. De sa fenêtre, on ne voit plus qu’un mur de pierres grises, tandis qu’une armée de moustiques émerge de l’eau stagnante sous sa maison sur pilotis.
En septembre, le gouvernement a donné son feu vert pour créer une technopole qui finira par engloutir Ha Wan Tsuen.
« On espère qu’ils ne détruiront pas notre village – c’est notre vœu le plus cher, mais aussi le plus impossible à réaliser », confie M. Kwok, édile de Ha Wan Tsuen depuis dix ans.
« Il nous est impossible de résister au gouvernement – ce serait comme une mante religieuse qui essaierait d’arrêter un char ».
90% de réticence
Le projet de « Métropole du Nord », qui vise à renforcer l’intégration économique avec la Chine, devrait permettre de loger près de 2,5 millions de personnes et d’urbaniser 30.000 hectares de terres, selon le gouvernement, ce qui équivaut à un tiers du territoire hongkongais.
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Au cœur de ce projet, verra le jour la technopole de San Tin, un centre pour l’innovation et les technologies, qui doit créer un tiers des 500.000 nouveaux emplois promis par l’ensemble du projet, selon le gouvernement.
Mais les habitants comme M. Kwok on eu peu d’occasions de transmettre leurs préoccupations directement au gouvernement.
Au cours de la dernière audition publique organisée par le Town Planning Board (conseil d’urbanisme) cet été, 90% des 1.600 habitants participant se sont opposés au projet, ce qui n’a pas empêché le même comité de lui donner son feu vert.
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Aucun plan de départ des lieux ni de compensation n’a été mis en place pour le moment à Ha Wan Tsuen et les inquiétudes quant à l’impact environnemental du projet ont été balayé par le gouvernement.
La technopole se développera sur une zone de marais protégée, reconnue par l’UNESCO depuis 1995.
Même le gouvernement de Hong Kong a désigné la zone autour de ces marais, qui correspond à 2.600 hectares d’étangs, de rivières et de marécages, comme une zone tampon et de conservation, afin de limiter le développement et préserver l’écosystème.
Un parc en guise de « compensation »
Pourtant, la technopole se développera sur 240 hectares de ce territoire, a admis le gouvernement.
« Sur les 30 dernières années il n’y a pas eu de projet de développement à Hong Kong susceptible d’endommager les marais à ce point », affirme Wong Suet-mei, une responsable de la conservation à la Société Hongkongaise de conservation des oiseaux.
Le gouvernement juge lui que la plupart des marais qui seront affectés ont déjà changé au point de ne plus être reconnaissables.
Un parc de protection des marais va être mis en place en guise de « compensation », ainsi que d’autres mesures comme maintenir un chemin de vol de 300 mètres pour les oiseaux.
« Sur la base de l’expérience acquise en matière de compensation écologique dans le cadre d’autres projets de développement, nous sommes convaincus que le nombre d’oiseaux se maintiendra au niveau actuel, voire augmentera », a déclaré le Bureau du développement à l’AFP.
Mais Chan Kwok-sun, un pisciculteur dont les étangs sont destinés à être avalés par la technopole doute de ces affirmations: « Personne ne peut élever des poissons quand il n’y a plus d’étangs, aucun oiseau ne viendra s’il n’y a plus de poissons », a déclaré M. Chan à l’AFP.
Pourtant, ce fermier de 74 ans se réjouit de ce plan de développement. Il a pu observer le développement rapide de Shenzhen, passée de « l’obscurité pure, comme à l’époque préhistorique », à une « montagne de gratte-ciels ».
Malgré tout, il restera auprès de ses étangs le plus longtemps possible.
« Je vis une vie sans entraves (…) il est difficile de trouver cela ailleurs », dit-il.
© AFP
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