Port Hardy (Canada) (AFP) – A perte de vue, le bleu du Pacifique et quelques taches vertes de forêt. Sous l’eau, une biodiversité rare qui lui donne son surnom de « Galapagos du Nord ». Cette région de l’ouest du Canada rêve aujourd’hui de servir de modèle pour d’autres aires marines protégées (AMP).
Après des années de consultation, cet espace grand comme la Grèce au large de l’Ile de Vancouver est protégé depuis l’été dernier et deviendra prochainement la plus vaste AMP du pays, au grand soulagement des populations autochtones.
Ces dernières ont fait partie des discussions dès le début, l’une des clés de la réussite selon les experts et un modèle qui pourrait être reproduit ailleurs.
« Récemment, il y a eu des années où nous avons dû fermer la pêche à notre propre peuple », raconte Danielle Shaw, cheffe de la nation Wuikinuxv, l’une des communautés autochtones de la région.
Une menace vitale pour ces populations très retirées qui « n’ont donc pas pu remplir leurs étagères et leurs congélateurs pour l’hiver », ajoute-t-elle. Or la population compte « vraiment sur le territoire pour se nourrir tout au long de l’année ».
Car sous le décor de rêve, la réalité est plus sombre tant la pollution, la pêche et les changements climatiques ont déjà altéré l’écosystème (chute des populations de poissons notamment les saumons, de plus en plus d’espèces menacées…)
Dans ce contexte, communautés autochtones et gouvernements (fédéral et provincial) mais aussi responsables économiques et industries de la pêche ont réfléchi ensemble au cadre nécessaire pour mettre sur pied une zone vraiment protégée.
Ours, baleines, saumons
« Il s’agit de l’un des écosystèmes les plus riches et les plus productifs au monde et nous devons en être très fiers », souligne Christine Smith-Martin, directrice de l’organisation des Premières nations côtières.
En effet, si l’ensemble des pays de la planète se sont engagés à protéger 30% des mers d’ici 2030 lors de la COP15 à Montréal fin 2022, il n’existe pas de définition universelle de ce qu’est une aire protégée.
La nouvelle aire canadienne, qui se veut un modèle de reconnaissance de l’équilibre délicat entre la préservation des écosystèmes vulnérables et les besoins des communautés autochtones côtières, espère montrer la voie.
Saumons, baleines, ours, loups mais aussi forêts de varech et de cèdres anciens: en tout, la région abrite plus de 64 espèces de poissons, 70 d’oiseaux marins, 30 de mammifères marins et 52 d’invertébrés comme des mollusques, des oursins, des pieuvres…
« L’espoir est qu’à long terme, un écosystème plus fort signifie plus de sources de nourriture pour les humains et une économie plus forte », ajoute Danielle Shaw.
Dans cette zone marine protégée, où le tourisme et la pêche restent possibles mais réglementés, les activités pétrolières, gazières et l’exploitation minière sont interdites tout comme la pêche au chalut ou à la drague, qui endommage les coraux et les fonds marins.
Selon les biologistes, les zones protégées sont essentielles pour aider les espèces à se rétablir mais aussi leur permettre d’améliorer leur diversité génétique, un moyen essentiel de s’adapter au changement climatique.
D’autant plus que d’autres défis attendent cette région du Canada qui continue à voir son trafic maritime s’intensifier, tout comme les expéditions de gaz naturel liquéfié.
« Pas le choix »
« C’est déplorable de voir à quel point le déclin de notre environnement a été brutal », raconte Bo Owadi. Cette jeune membre de la communauté Wuikinuxv est l’une des gardiennes de la zone.
« L’aire marine est un grand pas en avant et donc je suis optimiste », ajoute-t-elle.
Considérés comme les « yeux et les oreilles » de la mer, ces observateurs autochtones sont l’une des pierres angulaires du projet. Engagés par leurs nations, ils travaillent en lien avec la police même s’ils n’ont pas de pouvoir coercitif. Ils participent par ailleurs aux recherches pour étudier ou comptabiliser les populations de poissons ou de crabes.
« Les zones marines protégées sont l’un des outils les plus puissants que nous pouvons utiliser pour protéger la biodiversité dans les océans », explique Kate MacMillan de la Wilderness Society of British Columbia.
Et selon elle, le Canada pourrait devenir un modèle car ce projet est parvenu à mettre autour de la table toutes les parties impliquées et parce que des fonds ont été alloués sur le long terme.
Pour Bo Owadi, qui s’apprête à repartir en mer: « Nous devons nous rassembler et nous battre pour la terre, l’eau et les ressources. Nous n’avons pas le choix ».
© AFP
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