Combien de jours faut-il vraiment pour prendre une bonne habitude ?

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Une personne nage dans une piscine à Singapour © Yann Arthus-Bertrand

Il suffirait de 21, 28 voire 30 jours pour prendre une nouvelle habitude, selon un mantra de la transformation de soi. Cette croyance populaire est remise en cause par une étude scientifique australienne. « [Nos travaux] remettent en cause l’idée dominante d’une formation rapide des habitudes. Ils révèlent que les habitudes bénéfiques pour la san té requièrent 2 à 5 mois pour se développer, avec une variabilité substantielle selon les individus puisque cela va de 4 à 335 jours », concluent les chercheurs de l’Université d’Australie du Sud dans un article publié dans la revue Healthcare en décembre 2024. Ils se sont intéressés aux changements d’habitudes alimentaires dans le cadre des maladies chroniques, comme le diabète de type-2 ou les maladies cardiovasculaires, dans lesquelles les modes de vie constituent un facteur non-négligeable. Les chercheurs ont passé en revue 20 études scientifiques différentes portant sur le changement de comportement de 2601 personnes pour rédiger leur article Le temps qu’il faut pour former une habitude : une revue systématique et une méta-analyse de la formation des comportements bénéfiques pour la santé et ses déterminants).

21 jours pour prendre une nouvelle habitude, un mythe

Parmi les habitudes étudiées figurent l’exercice physique, le fait de boire de l’eau, manger des fruits et des légumes ou prendre des vitamines, avoir une alimentation saine, se laver les dents avec du fil dentaire, ou, plus surprenant encore, passer au micro-onde l’éponge utilisée afin de la stériliser pour la vaisselle pour prévenir les maladies liées aux intoxications alimentaires.

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Le docteur Ben Singh, auteur principal de l’étude, met en perspective la recherche qu’il a conduite : « adopter de bonnes habitudes pour la santé est essentiel afin de se sentir bien sur le long-terme. Néanmoins acquérir ces habitudes, ou en finir avec de mauvaises, peut se révéler un défi ». Il donne en exemple les résolutions prises en début d’année, qui parfois, reconnaissons-le, ne font pas long feu. « Beaucoup d’entre nous se fixent des objectifs et font des plans des mois à l’avance pour, par exemple, être plus actif, réduire le sucre ou manger plus sainement. Mais, tandis que la croyance populaire affirme qu’il ne faut que 21 jours pour y parvenir, rien ne prouve que cette affirmation soit fondée », poursuit-il. Cela rappelle les difficultés à changer, en dépit de sa seule bonne volonté.

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Comment alors ancrer l’envie ainsi que la capacité de faire autrement dans la durée ? Particulièrement, quand les bénéfices d’un changement ne sont pas rapidement perceptibles.  Les auteurs de l’étude ont ainsi constaté que de nombreux facteurs entraient en ligne de compte dans la prise de nouvelles habitudes. Par exemple, leur fréquence, le timing, le moment de la journée, le regard porté par les autres ou par soi-même, ou encore la préparation requise.

L’importance de la morning routine

Il ressort que les comportements intégrés à la routine du matin et ceux donnant l’impression à la personne de se renforcer ont plus de probabilités de réussir à se maintenir dans la durée. « Si vous ajoutez une nouvelle pratique à votre routine du matin, les données montrent que vous avez plus de chances de l’adopter. Et vous êtes plus à même de conserver une nouvelle habitude si vous y prenez du plaisir », résume Ben Singh. Ce spécialiste de la santé recommande donc d’intégrer les nouveaux comportements qu’on souhaite adopter à son planning de tous les jours, de prévoir de leur consacrer un temps dédié. « Cela peut être aussi simple que de préparer ses affaires de sport la veille au soir pour aller marcher le matin, ou bien de disposer d’un déjeuner sain prêt à emporter dans le réfrigérateur ».

Comprendre comment les habitudes bénéfiques pour la santé se forment est primordial pour prévenir les maladies liées aux modes de vie modernes. Celles-ci sont provoquées en partie par la sédentarité et par une mauvaise alimentation. De tels problèmes de santé ont augmenté à partir de la seconde moitié du XXe siècle. Les résultats de cette étude interrogent aussi notre capacité individuelle à revoir nos comportements au quotidien, tant pour notre santé que pour l’environnement. D’autant plus qu’on sait qu’une alimentation saine (peu de protéines animales, des fruits des légumes si possible locaux et de saison, éviter les produits transformés) profite aussi généralement à l’environnement.

Changer les habitudes au niveau individuel ne doit pas déresponsabiliser les autorités dans leur rôle de régulation au nom de l’intérêt général

Enfin, cette étude soulève une nouvelle fois une ancienne question de société, qui s’articule entre la liberté des choix personnels et l’intérêt commun. Elle vaut pour l’alimentation, comme le tabac et l’alcool, mais aussi pour d’autres sujets liés à l’écologie. Faut-il compter sur la seule (bonne) volonté des individus ou est-il préférable de rendre moins accessible ce qui est néfaste ? S’interroger est pertinent, car l’alimentation reflète aussi les inégalités et les choix personnels sont tributaires tant de ce que le collectif permet que du statut socio-économique d’une personne. Or, manger sainement n’est pas toujours à la portée de tous. La société se doit-elle de restreindre ou d’interdire ce qui est néfastes à l’individu et à l’environnement ? Les problèmes de santé liés aux modes de vie et à l’alimentation ont un coût humain, social et économique très élevé. Ne serait-il en effet pas plus efficace de cesser de vendre ou de taxer davantage les produits néfastes que de demander aux personnes de s’autoréguler ?

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Même si l’étude a été conduite en Australie, un pays éloigné de la France, elle se montre riche de potentiels enseignements. Ses auteurs rappellent que dans leur pays 6 adultes sur 10 ne mangent pas assez de fruits et 14 sur 15 pas suffisamment de légumes. 83 % des ados australiens ne font pas assez d’exercice physique, ce qui est également le cas de 37 % des adultes. Conséquence, sur une population de 25 millions d’habitants, 14 millions sont en surpoids.

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Or, l’Hexagone ne fait guère mieux. En France, le surpoids concerne 1 adulte sur 2. 53 % des femmes et 71 % des hommes de 18-74 ans atteignent les recommandations d’activité physique avec de nombreuses disparités sociodémographiques. Celles-ci se traduisent aussi dans la consommation de fruits et de légumes puisque seul 1 Français sur 3 parvient à respecter la recommandation d’en consommer 5 par jour.

 Julien Leprovost

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Pour aller plus loin

L’étude (en anglaise) Time to Form a Habit: A Systematic Review and Meta-Analysis of Health Behaviour Habit Formation and Its Determinants. Healthcare – Le temps qu’il faut pour former une habitude : une revue systématique et une méta-analyse de la formation des comportements

Myth busted: Healthy habits take longer than 21 days to set in – News and events – University of South Australia

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