Bangalore (Inde) (AFP) – Dès le réveil, R Murali, un agriculteur indien, vérifie d’un simple coup d’oeil sur une application de son téléphone si ses grenadiers ont besoin d’être arrosés, fertilisés ou si des parasites les menacent.
« C’est devenu une routine », un peu comme « prier tous les jours », explique à l’AFP le cultivateur de 51 ans, dans sa ferme de l’Etat de Karnataka, dans le sud de l’Inde.
Une grande partie de la vaste économie agricole de l’Inde, qui demeure très traditionnelle, est affectée par des conditions météorologiques extrêmes dues au changement climatique.
M. Murali fait partie des fermiers de plus en plus nombreux à recourir aux outils d’intelligence artificielle (IA) pour cultiver « plus efficacement ».
« L’application est la première chose que je vérifie au réveil », souligne le cultivateur, dont l’exploitation est équipée de capteurs qui fournissent des mises à jour constantes sur le taux d’humidité du sol, les niveaux de nutriments et les prévisions météorologiques à l’échelle de la ferme.
Selon lui, le système d’IA mis au point par la startup indienne Fasal, qui indique les quantités exactes d’eau, d’engrais et de pesticides nécessaires – et le moment où il faut les utiliser – lui a permis de réduire ses coûts de 20% sans diminuer les rendements.
« Ce que nous avons construit, c’est une technologie qui permet aux cultures de parler à leurs agriculteurs », explique Ananda Verma, fondateur de Fasal, qui fournit ses services à quelque 12.000 fermiers.
« Prendre de meilleures décisions »
C’est en voulant comprendre l’humidité du sol, que M. Verma, 35 ans, a commencé en 2017 à « bricoler » ce système pour la ferme de son père, dans l’objectif d’aider les agriculteurs à « prendre de meilleures décisions ».
Installer les produits proposés par cette société coûte de 55 à 276 euros, un prix relativement élevé dans un pays où le revenu mensuel moyen des agriculteurs est de 112 euros et où plus de 85% des exploitations agricoles ont une superficie inférieure à deux hectares, selon les chiffres du gouvernement.
Le gouvernement affiche sa volonté de soutenir le développement d’une IA locale et peu coûteuse.
La Premier ministre indien Narendra Modi co-présidera le sommet pour l’action sur l’Intelligence artificielle lundi à Paris.
L’agriculture, qui représente environ 15% de l’économie indienne, est un secteur prêt à bénéficier de la technologie de l’IA, les exploitations agricoles ayant besoin d’investissements et de modernisation au plus vite.
Les pénuries d’eau, les inondations et les conditions météorologiques de plus en plus irrégulières, ainsi que l’endettement, ont fait payer un lourd tribut à l’agriculture qui emploie environ deux tiers des 1,4 milliard d’habitants du pays le plus peuplé de la planète.
L’Inde compte déjà plus de 450 startups dans le domaine de l’agritech qui pèsent 23 milliards d’euros, selon un rapport du groupe de réflexion gouvernemental NITI Aayog pour l’année 2023.
Cette étude pointe cependant un manque de culture numérique, qui se traduit souvent par une faible adoption des solutions agritech.
Un lent déploiement
Parmi ces sociétés, Niqo Robotics, a mis au point un système utilisant des caméras d’intelligence artificielle attachées à des machines de pulvérisation de produits chimiques ciblés.
Montés sur des tracteurs, des pulvérisateurs évaluent chaque plante pour leur fournir la quantité idéale de produits chimiques, ce qui permet de réduire les coûts d’intrants et de limiter les dommages environnementaux, selon l’entreprise.
Niqo affirme que ses utilisateurs dans les Etats du Maharashtra (ouest) et de l’Andhra Pradesh (est) ont réduit leurs dépenses en produits chimiques de 90%.
Une autre startup, BeePrecise, a mis au point une surveillance IA mesurant la santé des ruches, notamment le taux d’humidité, la température et même le son des abeilles – pour suivre les activités de la reine des abeilles.
Selon Rishina Kuruvilla, salariée de cette société, cet outil permet aux apiculteurs de récolter un miel « un peu plus biologique et meilleur pour la consommation ».
Si les technologies de l’IA sont en plein essor, les leur déploiement est lent, beaucoup d’agriculteurs n’ayant pas les moyens de les acheter.
L’économiste spécialisé dans le domaine de l’agriculture RS Deshpande, professeur invité à l’Institut pour les changements sociaux et économique de Bangalore, estime que le gouvernement doit prendre en charge les coûts de modernisation.
De nombreux agriculteurs « survivent » uniquement parce qu’ils mangent ce qu’ils cultivent, souligne-t-il, mais « si le gouvernement est prêt, l’Inde est prête ».
© AFP
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