Finalement adopté le jeudi 6 février, le budget de la France pour l’année 2025 prévoit de nombreuses coupes dans les finances publiques. Parmi elles, les crédits dédiés à la transition écologique. Si ces économies visent à réduire la dette française, elles risquent au contraire de l’aggraver sur le long terme à la fois sur le plan économique et environnemental, alertent des associations.
Financements insuffisants
La transition écologique est avant tout un sujet économique. Il ne s’agit pas seulement d’une « question de mesures », mais surtout d’« à quel point on les finance », souligne Emeline Notari, responsable politiques climat au Réseau Action Climat (RAC). Or, le montant des « crédits alloués à la transition écologique » a baissé de « 4 à 5 milliards d’euros ».
Selon un rapport de France Stratégie datant de mai 2023, ils devraient s’évaluer à environ « 60 milliards d’euros jusqu’à 2030 », un budget partagé à parts égales par les secteurs public et privé. Selon l’experte, « dans les 30 milliards qui incombent au public, on estime un besoin entre 10 et 12 milliards d’euros supplémentaires par an, dans le cadre du pur budget de l’État ».
L’environnement, dommage collatéral de l’instabilité gouvernementale
Ces dernières années, l’affirmation de la transition écologique comme une priorité avait pourtant mené à des avancées significatives. Sous le gouvernement d’Elisabeth Borne, le cabinet dédié à la planification écologique avait établi des « lignes rouges » pour atteindre des objectifs climatiques comme la neutralité carbone. Pour Emeline Notari, « un vrai travail de fond avait été fait pour savoir comment baisser nos émissions de gaz à effet de serre ». L’année 2024 avait semblé poursuivre cette ambition avec une hausse des crédits alloués à la transition écologique. « On s’en était félicités, parce que pour une fois, on était sur une lignée qui était cohérente. On s’attendait à de nouveaux financements cette année pour respecter les perspectives budgétaires qui avaient été fixées », se souvient-elle.
« On s’attendait à de nouveaux financements cette année »
Mais c’était sans compter l’instabilité politique qui a marqué l’élaboration du budget 2025. Comme tous les acteurs de la société civile, le RAC « a été auditionné lors de l’élaboration du premier budget. Mais puisque l’adoption du budget a finalement été faite en urgence, il y a eu beaucoup moins de consultations », déplore Emeline Notari, qui souligne la difficulté de se faire entendre lorsque « les interlocuteurs changent régulièrement ».
Le coût de l’inaction climatique
Si ces coupes dans les financements dédiés à la transition écologique ont un évident coût environnemental, ils sont tout aussi dommageables économiquement.
« D’un strict point de vue du bon usage des finances publiques, cela n’a aucun sens de couper les investissements climatiques », explique Emeline Notari. « On retarde ainsi des investissements qui vont être nécessaires au nom de l’endettement public pour pouvoir repasser sous la barre des déficits, mais seulement en surface. Cela n’a aucun bénéfice sur le fond. » Pour l’experte, il faudrait se demander si de telles coupes sont pertinentes pour les finances françaises, bien que les avis soient déjà assez consensuels aujourd’hui. « La réponse est non », assène-t-elle. « Ce n’est pas moi qui le dis, ou les ONG, mais tous les économistes.»
« D’un strict point de vue du bon usage des finances publiques, cela n’a aucun sens de couper les investissements climatiques »
En profondeur, les enjeux climatiques demeurent. Leurs coûts seront de plus en plus importants dans les années à venir, particulièrement s’ils ne sont pas adressés comme en témoigne le bilan des inondations de début d’année en Ille-et-Vilaine.
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Une dette écologique croissante
Plus les pouvoirs publics ignorent les coûts liés au changement climatique et plus ils impliqueront une dette écologique et économique importante pour les générations futures. Emeline Notari déplore le manque de médiatisation de cet aspect « logique » du financement de la transition écologique, incomparable aux coupes dans les autres secteurs.
« Couper des subventions aujourd’hui qui seront nécessaires demain au nom de la maîtrise de l’endettement public n’a aucun sens, ni budgétaire, ni environnemental. »
« On a beaucoup médiatisé le fait que la transition écologique avait payé les frais du déficit », explique-elle. « Dans le discours ambiant, on a cette question de la répartition de l’effort. Pourtant, il faut aussi pouvoir se projeter. On sait qu’il faut programmer les investissements climatiques sur 30 ans pour pouvoir être efficaces et atteindre la neutralité carbone. Couper des subventions aujourd’hui qui seront nécessaires demain au nom de la maîtrise de l’endettement public n’a aucun sens, ni budgétaire, ni environnemental. »
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Au constat financier s’ajoutent d’autres régressions sur le plan environnemental. Par exemple, la proposition « ubuesque » de la suppression de l’Agence Bio pourtant rentable, suspendue en Conseil Mixte Paritaire (CMP). La Loi Duplomb, adoptée en première lecture au Sénat, implique entre autres la ré-autorisation des néonicotinoïdes à titre exceptionnel.
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Pour aller plus loin:
Réseau Action Climat | Accueil
Budget 2025 : Dissolution des financements de la transition écologique – Réseau Action Climat
Les incidences économiques de l’action pour le climat | France stratégie
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