Paris (AFP) – La loi d’orientation agricole a été définitivement adoptée au Parlement jeudi, point final d’un sprint pour livrer avant le Salon de l’agriculture ce texte présenté comme une réponse à la grogne du secteur, mais critiqué à gauche pour des « renoncements » environnementaux.
Largement adopté à l’Assemblée mercredi avec les voix macronistes, de la droite et du Rassemblement national, le texte issu d’un accord en commission mixte paritaire (CMP) a été définitivement validé au Sénat, juste à temps pour l’ouverture de l’événement phare du monde agricole samedi à Paris.
La chambre haute dominée par la droite et le centre l’a approuvé à 236 voix contre 103, offrant un atout dans la main de l’exécutif qui se sait attendu au « Salon », après les manifestations agricoles des années passées.
« La vocation productive de notre pays est enfin réaffirmée », s’est félicitée la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, dans un communiqué.
C’est samedi que le président Emmanuel Macron effectuera sa traditionnelle déambulation dans les allées de la plus grande ferme de France, un an après une inauguration très chahutée.
Avec ce texte, « nous ré-ancrons les deux pieds de la France dans le socle le plus solide et le plus fidèle de toutes les civilisations humaines: l’agriculture. Le cadre est désormais posé pour la reconquête de notre souveraineté alimentaire et la parole de l’État est tenue », a lancé la ministre de l’Agriculture Annie Genevard.
L’écologiste Yannick Jadot fait le constat inverse, dénonçant « une loi du déni de la nature » faisant la part belle à « une forme d’obscurantisme qui nous éloigne des réponses et des transitions nécessaires » et n’aborde pas la question centrale du revenu agricole.
« L’agriculture méritait mieux, il n’y a pas de loi d’orientation tous les quatre matins », avait critiqué la veille Aurélie Trouvé, présidente LFI de la commission des Affaires économiques.
Dans le viseur de la gauche, un article irritant, nettement étendu par le Sénat, qui révise l’échelle des peines en cas d’atteintes à l’environnement.
Il prévoit une dépénalisation des infractions commises de manière non-intentionnelle, sanctionnée d’une simple amende administrative jusqu’à 450 euros ou d’un stage de sensibilisation.
« En aucune manière ce texte n’accorde à nos agriculteurs je ne sais quel permis de détruire des espèces ou espaces protégés », a répondu la ministre.
« Intérêt général majeur »
Une autre mesure inquiète la gauche et les écologistes, celle qui invite le gouvernement à « s’abstenir d’interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne » en l’absence d’alternatives viables. Une traduction du principe « pas d’interdiction sans solution », mantra de la FNSEA.
« Malgré des avancées », la loi « marque une inquiétante régression environnementale », a réagi l’association Agir pour l’Environnement.
[À lire aussi La souveraineté alimentaire, ce choix politique que la France ne fait pas]
« Il est faux d’affirmer que le Sénat a imposé ses vues », insiste le rapporteur à l’Assemblée Pascal Lecamp, défendant par exemple le retour d’un objectif de 21% de surface en bio en 2030.
Quant à la mesure phare, elle prévoit d’ériger l’agriculture au rang « d’intérêt général majeur ». L’objectif est de nourrir la réflexion du juge administratif et de faciliter les projets de structures de retenues d’eau ou de bâtiments d’élevage hors-sol, lorsqu’ils sont en balance avec la préservation de l’environnement.
Mais des élus et des juristes doutent de sa portée, face à une protection de l’environnement à valeur constitutionnelle. En réponse, le Sénat a introduit un principe décrié de « non-régression de la souveraineté alimentaire », sorte de miroir de la non-régression environnementale déjà consacrée, qui promet une querelle juridique.
Consciente de la bataille, la FNSEA a qualifié ces dispositions de « premiers pas » et réaffirmé « le besoin de changement de logiciel attendu pour traduire dans les textes à venir la reconnaissance de l’agriculture comme étant d’intérêt général majeur ».
La loi accorde aussi une présomption d’urgence en cas de contentieux sur la construction d’une réserve d’eau. Et les parlementaires ont fait un pas vers un « droit à l’erreur » des agriculteurs, en approuvant que « la bonne foi » est « présumée » lors d’un contrôle.
Le projet de loi prévoit aussi une simplification de la législation sur les haies et la création d’un guichet unique départemental – « France services agriculture » – pour faciliter les installations d’agriculteurs ou les cessions d’exploitation.
© AFP
Ecrire un commentaire