La justice met un coup d’arrêt au chantier de l’A69

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Toulouse (AFP) – Le tribunal administratif de Toulouse a mis un coup d’arrêt jeudi à l’imposant chantier de l’A69 en annulant l’arrêté préfectoral qui l’autorisait, une première pour une infrastructure routière de cette envergure en France, signant un revers pour l’Etat.

« L’arrêté du 1er mars 2023 par lequel les préfets de la Haute-Garonne et du Tarn ont délivré à la société Atosca une autorisation (…) en vue de la réalisation des travaux de la liaison autoroutière entre Verfeil et Castres, dite A69 » est « annulé », selon la décision du tribunal consultée par l’AFP.

L’Etat va faire appel de la suspension du chantier, qu’engendre automatiquement la décision du tribunal, a annoncé le ministère des Transports. Le ministre Philippe Tabarot a qualifié la situation d' »ubuesque: un chantier avancé aux deux tiers est arrêté du jour au lendemain », selon un communiqué.

Pour sa part, le collectif d’opposants à l’A69 La Voie est libre (LVEL) a immédiatement salué « une décision historique qui porte un coup d’arrêt définitif à un projet inutile, destructeur et irresponsable, que nous dénonçons avec force depuis plusieurs années. C’est un grand jour pour le droit environnemental. »

L’arrêt du tribunal « dénonce l’irresponsabilité de l’Etat et du concessionnaire pour avoir engagé les travaux sans attendre. Ce passage en force, dopé au déni institutionnel, vient d’être stoppé net », s’est encore réjoui LVEL.

Pour ses promoteurs, cet axe visait surtout à désenclaver « le bassin de vie » du sud du Tarn, qui « a besoin de se connecter aux équipements de la capitale régionale » Toulouse, comme l’aéroport ou les hôpitaux, selon Yasser Abdoulhoussen, directeur de projet, chargé du pilotage de l’A69 à la préfecture du Tarn.

Cette décision va « priver d’emploi des milliers de personnes, paralyser l’économie du sud du Tarn et, plus largement, tous les grands projets d’infrastructures en France », a aussitôt regretté, dans un communiqué, l’ancien député du Tarn Bernard Carayon, maire de Lavaur, dont la commune longeait le tracé.

Engins rangés

Cette décision signifie l’arrêt immédiat du chantier, car un appel devant la justice administrative n’est pas suspensif.

Avant même la décision, sur le chantier côté castrais de l’autoroute de 53 km qui devait relier Toulouse à Castres fin 2025, les engins étaient rangés à la mi-journée, contrairement à l’habitude, a constaté un journaliste de l’AFP, qui a vu une petite pelleteuse en train d’être hissée sur un camion, à quelques dizaines de mètres du site où des « écureuils » occupent encore un arbre marqué pour être abattu.

Le tribunal a suivi l’avis de la rapporteure publique, qui avait par deux fois demandé au tribunal administratif de Toulouse « l’annulation totale » de l’arrêté préfectoral qui a permis d’entamer le chantier en 2023.

A l’audience du 18 février, cette magistrate, Mona Rousseau, avait réaffirmé que les gains espérés de la future autoroute n’étaient pas suffisants pour établir une « raison impérative d’intérêt public majeur » justifiant les atteintes à l’environnement commises par le projet.

« Dans tout l’historique de la jurisprudence sur les autoroutes en France, aucun projet autoroutier n’a été annulé pour des raisons environnementales », avait déclaré à l’AFP Julien Bétaille, maître de conférences en droit de l’environnement à l’université Toulouse Capitole.

Cette annulation visant pour la première fois une autoroute signifie qu' »un verrou a sauté dans la mentalité du juge administratif », a-t-il dit avant la décision du tribunal administratif.

Une première

De fait, c’est la première fois en France qu’une infrastructure routière d’une telle importance est interrompue par un jugement, et non par une décision politique, comme l’abandon du projet d’A45 Lyon/Saint-Etienne en 2018.

Le cas du contournement du village touristique de Beynac, en Dordogne, retoqué par la justice administrative, concerne un ouvrage de moindre envergure, avec un budget initial plus de dix fois inférieur aux 450 millions d’euros que doit coûter l’A69.

Le bitume n’avait pas encore été coulé mais Atosca, constructeur et futur concessionnaire de l’autoroute, affirmait avoir déjà « concrétisé plus de 300 millions d’euros, soit 65% du budget total du chantier ».

« Cette décision est incompréhensible », a estimé le député du Tarn Jean Terlier, dans un communiqué. « Comment accepter que les juges n’aient pas pris en compte la situation du chantier avec près de 300 millions d’euros de travaux déjà engagés, 45% des terrassements réalisés, 70% des ouvrages d’art construits et plus de 1.000 salariés du concessionnaire qui se retrouveront demain sans emploi ».

© AFP

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3 commentaires

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    • Balendard

    Si le tribunal administratif de Toulouse a des l’ouverture du projet manifestation des accords concernant l’ouverture de ces travaux pour cette liaison autoroutière la diffusion de la justice qui vient de tomber doit être selon les lutin thermique exécuter sans attendre à moins qu’une conversion vers le ferroviaire puisse être trouvé

    • Matthias Heilweck

    Ce qui est ubuesque, c’est que l’exécutif ait pu offrir gracieusement les contournements des communes déjà existants et financés par le contribuable, au concessionnaire Atosca qui prévoit de mettre en place un péage. Comme les routiers contournent les péages dès que possible et même en présence de panneaux d’interdiction aux poids lourds, le résultat serait que les camions traversent à nouveau les communes, alors qu’elles ont contribué au financement de ces contournements.

    • Quidamus

    « La magistrate, Mona Rousseau, avait réaffirmé que les gains espérés de la future autoroute n’étaient pas suffisants pour établir une « raison impérative d’intérêt public majeur » justifiant les atteintes à l’environnement commises par le projet ». Tout est dit, et c’est quelque chose que la préfecture savait dès le départ, ils ont voulu faire le « forcing » malgré la décision du tribunal administratif, l’opposition des écologistes, des « écureuils », des ONG, ils ont perdus. Les projets écocides n’auront bientôt plus aucun passe-droit. Car un arbre centenaire sera toujours plus important qu’un gain d’un quart d’heure sur l’autoroute. C’était un projet inutile, destructeur et irresponsable. Qu’ils s’estiment heureux qu’on ne les obligent pas à rembourser les dégâts causés à la nature et à replanter tous les arbres qu’ils ont enlevé contre l’avis d’une myriades de spécialistes.