Rejets toxiques à Mourenx: Sanofi, mis en examen pour une partie des faits, conteste les infractions

montreux anofi rejets toxiques

L'usine Sanofi de Mourenx (Pyrénées-Atlantiques), le 1er juillet 2019. © AFP/Archives IROZ GAIZKA

Paris (AFP) – Une victoire d’étape en demi-teinte pour les plaignants: Sanofi a été mis en examen fin 2024 pour plusieurs infractions qu’il conteste dans l’enquête sur les rejets toxiques de son usine à Mourenx (Pyrénées-Atlantiques) mais échappe à ce stade au principal grief, la mise en danger d’autrui.

Le parquet de Paris a confirmé l’information obtenue par l’AFP de source proche du dossier selon laquelle Sanofi a été mise en examen le 28 novembre pour un délit, obstacle à un contrôle administratif environnemental, et pour deux infractions contraventionnelles, exploitation irrégulière d’une installation ainsi que non-déclaration d’accident ou d’incident industriel.

Dans le détail, le groupe se voit ainsi reprocher, selon le parquet, de n’avoir, entre 2012 et 2018, pas respecté les limites d’émission du bromopropane, un composé organique volatil (COV) ou encore d’avoir tardé à informer les inspecteurs de l’environnement de ces rejets de bromopropane.

Sollicité par l’AFP, Sanofi a indiqué « contester » les infractions qui lui valent sa mise en examen et avoir « mis en avant toute une série d’éléments démontrant qu’il n’y a pas eu de dépassement des seuils réglementaires ».

Le groupe a en revanche été placé, à ce stade, sous le statut de témoin assisté pour l’infraction la plus lourde, mise en danger d’autrui. Sanofi a avancé mardi « plusieurs études indépendantes (qui) ont conclu à une absence d’impact sanitaire lié à de possibles émissions pour les salariés et les riverains. »

L’association France Nature Environnement (FNE) avait révélé ces rejets toxiques hors normes en 2018 de bromopropane et de valproate de sodium, principe actif de la Dépakine, un médicament anti-épileptique accusé d’être à l’origine de troubles neuro-développementaux chez les enfants.

« Sanofi ne contrôlait pas ses trois colonnes (de l’usine), mais une seule (…). Les deux autres ont envoyé ces quantités astronomiques de polluants dans l’air », accusait l’association.

L’usine avait été mise à l’arrêt immédiatement après les révélations de FNE, avant de reprendre sa production par étapes, sous contraintes environnementales et contrôles accrus.

En juin 2020, la Fédération nationale des industries chimiques CGT, le Syndicat CGT des industries chimiques Sisteron et Mourenx et l’Union locale CGT de Mourenx, Bassin de Lacq-Orthez et environs avaient déposé une plainte avec constitution de partie civile.

L’information judiciaire au pôle santé publique de Paris avait été ouverte en août 2022.

« Troubles neurocomportementaux »

« On peut démontrer que certains des riverains ont été contaminés par la Dépakine », soutient mardi Me Charles Joseph-Oudin, avocat d’une riveraine partie civile et de l’Association des victimes de la Dépakine (Apesac).

Une quinzaine de riverains sont en train de se constituer partie civile dans ce dossier, selon le conseil.

Me Oudin a déjà déposé plainte en novembre 2023 pour une mère de deux enfants « atteints de troubles neurocomportementaux » qui travaillait, lors de ses grossesses, « en face » de l’usine.

« Je regrette que la mise en danger de la vie d’autrui n’ait pas été retenue car cela a engendré de graves dommages sur les personnes directement exposées ou leur descendance », a réagi auprès de l’AFP Marine Martin, présidente de l’Apesac et figure emblématique des victimes de la Dépakine.

En avril 2024, la justice administrative a contraint Sanofi à réaliser une étude des risques sanitaires autour de Mourenx.

Dans une autre information judiciaire, ouverte en 2016 et portant sur le coeur du scandale de la Dépakine et de ses impacts éventuels sur la santé, le groupe est mis en examen pour tromperie aggravée et blessures involontaires depuis 2020.

En juin 2023, la Cour de cassation avait validé la prescription d’un certain nombre de plaintes, un « fort affaiblissement » du dossier selon une source proche de celui-ci.

Dans les procédures ouvertes à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), « 120 millions d’euros d’argent public ont déjà été engagés en lieu et place de Sanofi » pour près de 2.000 victimes, selon Me Oudin.

« Il n’y a pas de lien entre la procédure judiciaire sur les émissions de bromopropane du site de Mourenx et les autres procédures judiciaires liées à la prescription de valproate de sodium », a souligné Sanofi dans sa réaction.

Selon des estimations des autorités sanitaires françaises, la molécule serait responsable de malformations chez 2.150 à 4.100 enfants et de troubles neurodéveloppementaux chez 16.600 à 30.400 enfants.

© AFP

Ecrire un commentaire