Réduction de la consommation de viande en France, une transformation en cours et mieux acceptée

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Élevage de cochons à Brionne, Haute-Normandie © Yann Arthus-Bertrand

Deux actualités de ce mois de mars remettent en avant la réduction de la consommation de viande et le végétarisme en France. D’une part, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) vient de publier, pour la première fois, une évaluation des effets sanitaires des régimes végétariens ainsi que des repères alimentaires destinés aux personnes végétariennes. D’autre part, le Réseau Action Climat (RAC) a dévoilé la 3e édition du baromètre sur la consommation de viande des Françaises et des Français. Il ressort de cette enquête d’opinion effectuée par Harris Interactive que plus de la moitié des sondés (53 %) déclarent manger moins de viande pour protéger leur santé et l’environnement et pour faire des économies. Toujours est-il qu’en l’espace de quelques années, la question de la consommation de viande a pris davantage de place dans les discussions, les débats, les controverses et les identités. Les avis de l’Anses traduisent la prise en compte d’un changement sur la prépondérance occupée par les produits carnés dans les régimes alimentaires. Mais, ce qui semble une transition l’est-il vraiment ? Celle-ci est-elle partagée par tous ? Surtout que sur ce sujet, autant personnel que collectif, plusieurs approches, existent. Ce qui permet à tout le monde de trouver celle qui lui convient.

Réduire ou supprimer les produits d’origine animale n’est pas nocif pour la santé à condition de veiller à prévenir certaines carences

Il y a les personnes qui réduisent la fréquence et la quantité de produits carnés, parfois aussi appelé flexitariens. Puis, il y a les personnes qui se définissent, à des degrés divers, par le refus d’une partie ou de l’ensemble des produits animaux qu’on résume souvent à l’appellation de végétariens.

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L’Anses a souhaité proposer « une expertise spécifiquement destinée aux adultes suivant un régime végétarien. » Selon elle, « le terme « végétarien » désigne des régimes alimentaires excluant la consommation de toute chair animale (viandes, poissons, mollusques, crustacés, etc.). Il englobe les lacto-ovovégétariens, qui consomment des œufs et des produits laitiers, et les végétaliens qui excluent tous les aliments d’origine animale. »

L’Anses explique qu’elle a procédé à son évaluation des régimes végétariens : effets sur la santé et à la publication des repères alimentaires destinés à ces derniers « pour tenir compte de l’évolution des habitudes alimentaires ». Les 131 articles scientifiques, majoritairement anglo-saxons, tous publiés avant mai 2019, passés en revue témoignent d’un certain manque de connaissances sur le sujet. Ils mettent en lumière les bienfaits d’un régime végétarien dans la prévention de certaines maladies non-transmissibles comme le diabète, mais pour d’autres pathologies, des études sont encore en attente. Ainsi, à date, les articles examinés par l’Anses ne permettent pas de tirer des conclusions nettes sur les bienfaits ou les méfaits de ces régimes. Les experts du groupe de travaillent estiment : « l’analyse de l’ensemble des articles a mis en évidence, avec un poids des preuves modéré, qu’un régime végétarien, comparé à un régime incluant de la chair animale était associé à un risque plus faible de diabète. Pour les autres associations, le poids des preuves était faible ou non estimable, il est donc probable que de nouvelles études puissent entraîner une modification des conclusions concernées. » En revanche, « un risque sanitaire plus élevé chez les végétariens était observé pour la santé ostéo-articulaire et l’hypospadias,[NDLR malformation de la verge] avec un poids des preuves faible. Un risque plus faible chez les végétariens était observé pour les cardiopathies ischémiques, les troubles ovulatoires, certains cancers (prostate, estomac, hématologiques, toutes localisations) et certaines maladies ophtalmologiques et gastro-intestinales, avec un poids des preuves faible. » Enfin, le rapport met en avant une exposition à certains contaminants présents dans les végétaux, un problème de santé publique qui concerne l’ensemble de la population.

Des recommandations pour une meilleure prise en compte des régimes moins carnés

Les chercheurs de l’Anses notent que les végétariens ont plus des carences en fer, iode, vitamines B12 et D que les non végétariens. Ils soulignent que l’on « observe également pour les végétaliens un statut nutritionnel moins favorable en vitamine B2. » Fort de leurs constats, ils ont établi des préconisations sur les aliments à consommer au quotidien.  Les recommandations indiquées se destinent aux adultes, exception faites des femmes enceintes ou des mères allaitantes ainsi que des personnes ayant une activité physique intense et des personnes âgées.

Principaux repères alimentaires pour les végétariens adultes
Un repère alimentaire correspond à la quantité d’un aliment ou d’un groupe d’aliments, en grammes ou millilitres, qu’il convient de consommer chaque jour.

  • Fruits et légumes : 700 g/j
  • Légumes secs 75 g/j (lacto-ovovégétariens) ou 120 g/j (végétaliens)
  • Féculents et pains : 170 g/j dont au moins 120 g/j complets ou source de fibres (lacto-ovovégétariens) – /250 g/j dont au moins 120 g/j complets ou source de fibres (végétaliens)
  • Oléagineux : 65 g/j (lacto-ovovégétariens) ou 50 g/j (végétaliens)
  • Analogues de produits laitiers frais : 350 g/j (lacto-ovovégétariens) ou 270 g/j (végétaliens)
  • Levure de bière : 10 g/j (lacto-ovovégétariens) ou 15 g/j (végétaliens)
  • Lait 450 ml/j, œufs 30 g/j, fromage 50 g/j (lacto-ovovégétariens)

L’association végétarienne de France salue l’évolution ; soulignant que « ce document apporte enfin une base de travail fiable aux professionnels de la restauration collective qui, depuis la loi Egalim en 2021, doivent assurer une alimentation végétarienne saine dans les cantines sans référentiel officiel. »

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Ces éléments aident à faire bouger les lignes sur la place occupée par les viandes dans nos repas en donnant des indications de santé et de nutrition. L’élevage et la consommation de viande sont une des principales causes de la déforestation et des émissions de gaz à effet de serre.

Quelle place pour la viande et les alternatives aux protéines animales selon les Français

Le dernier baromètre sur la viande du Réseau Action Climat publié début mars montre une tendance à la baisse de la place de la viande. Si, en effet, on se fie aux 1102 répondants interrogés début février 2025, une personne sur 2 déclare avoir réduit la viande. Leurs motivations sont diverses. Manger moins de viande ne serait donc plus un impératif financier, mais une conviction. Le Réseau Action Climat constate que le « critère financier semble un peu diminuer cette année par rapport à 2023 : le terme « cher » est moins fréquemment mentionné que l’an dernier. » Néanmoins, le budget ou la cherté du produit reste pour 52 % des sondés le premier critère de réduction de la viande, suivi par les raisons de santé (38 %), la préservation de l’environnement (35 %) et les questions éthiques liées au bien-être animal (33 %).

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Dans les faits (pour rappel, les sondages se basent sur du déclaratif, ce qui est une de leurs limites), même si une tendance à la réduction de la viande semble se confirmer lentement, elle reste à nuancer. D’une part, la consommation de viande avait beaucoup augmenté pendant les Trente Glorieuses avec l’essor de l’agriculture industrielle intensive, et d’autre part, une réduction qui n’est pas forcément partagée par tous comme en témoigne le récent article du Monde titré La revanche des viandards (réservé aux abonnés). Selon des données compilées par France Info, la consommation de viande par habitant a légèrement diminué en 2 décennies, mais reste encore au-dessus des 80 kg par habitant chaque année en France. De même le bœuf, dont le prix au kilogramme, a pratiquement doublé en 25 ans, est moins consommé au profit des viandes blanches.

Prix moyens mensuels de vente au détail en métropole - Boeuf : filet (1 kg) | Insee
Capture d’écran – Prix moyens mensuels de vente au détail en métropole – Boeuf : filet (1 kg) | Insee

Finalement, plutôt que la lente évolution des habitudes alimentaires, c’est pour le moment, l’acceptabilité sociale de manger moins de viande, de meilleure qualité par exemple, voire de refuser d’en consommer qui progresse. De plus, les alternatives sont maintenant bien identifiées, voire si ce n’est encouragées, du moins disponibles dans la restauration ou dans les commerces. Il y a des attentes de la part des entreprises, des collectivités et de l’État sur ces sujets. Le sondage du RAC se montre donc intéressant quand il met en avant que « dans une perspective de diminution de leur consommation de viande, les Français identifient plusieurs aliments permettant de compenser l’apport des nutriments de la viande, et privilégieraient les légumes secs et les légumineuses (78 %), les céréales et les graines (73 %) et les aliments peu transformés (60 %) qui en sont issus. La consommation d’algues semble recevoir un accueil plus mitigé (38 %) tandis que les préparations très transformées (34%) et les insectes (22%) représentent des solutions encore peu envisagées pour le moment. » Ce faisant, le Baromètre sur la consommation de viande des Français en 2025 du Réseau Action Climat aide à explorer des pistes et montre que la population française est prête à évoluer sur ces sujets.

Julien Leprovost

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Pour aller plus loin

Régimes végétariens : effets sur la santé et repères alimentaires | Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

Lire l’avis relatif à l’établissement de repères alimentaires destinés aux personnes suivant un régime d’exclusion de tout ou partie des aliments d’origine animale (PDF)

Lire le rapport relatif à la revue systématique de la littérature sur les liens épidémiologiques entre les régimes végétariens et la santé (PDF)

Baromètre sur la consommation de viande des Français en 2025 : quelles nouvelles tendances ? – Réseau Action Climat

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