Exploitation minière en eaux profondes: un retour à la normale de la vie marine peut-être « impossible »

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Cette photo mise à disposition par le Centre national d'océanographie britannique le 24 juillet 2023 montre l'oursin abyssal Plesiodiadema globulosum, l'un des invertébrés les plus abondants dans la région du Pacifique Nord-Est © National Oceanography Centre / Smartex project (NERC)/AFP/Archives Handout

Paris (AFP) – Plus de quarante ans après un test d’exploitation minière en eaux profondes, des chercheurs ont observé de timides signes de vie sur le site, mais un retour à la normale y sera peut-être « impossible », met en garde une étude publiée mercredi dans Nature.

Des scientifiques basés au Royaume-Uni ont cherché à évaluer les conséquences de l’extraction dans la zone de Clarion-Clipperton (CCZ), immense plaine à plus de 4.000 mètres de profondeur, dans les eaux internationales entre Hawaï et le Mexique.

Un test y a été mené en 1979 avec une machine qui a raclé le fond marin, en retirant les nodules, ces galets de métaux comme le cobalt et le manganèse, aujourd’hui très recherchés pour les batteries, les panneaux solaires ou les écrans tactiles.

Les scientifiques ont étudié le site en 2023 et observé que les traces de cette activité étaient toujours bien visibles 44 ans plus tard.

« Le nombre d’animaux a été réduit pour beaucoup d’espèces à l’intérieur des traces mais nous avons aussi observé les premiers signes de rétablissement biologique », a souligné l’auteur principal de l’étude, Daniel Jones, du Centre national d’océanographie (NOC) britannique.

Les scientifiques ont observé des créatures plutôt petites et mobiles à l’intérieur de la zone d’extraction mais les animaux plus gros qui se fixent sur le plancher océanique y étaient toujours « très rares ».

Les effets de l’extraction durent probablement « de nombreuses décennies au moins » et un plein retour de la vie est peut-être « impossible » avec l’extraction des nodules, qui servent d’habitat pour la vie marine.

Cette mise en garde intervient au moment où les pays débattent de la création d’un premier code minier que l’Autorité internationale des fonds marins est censée finaliser cette année. Les défenseurs de l’environnement s’opposent à toute exploitation minière et veulent protéger la biodiversité, largement méconnue, de ces abysses.

Daniel Jones a localisé le site du test de 1979 en parcourant les archives. Selon lui, cette expérimentation cache une histoire rocambolesque: la CIA essayait à l’époque de retrouver un sous-marin nucléaire russe, utilisant l’exploitation minière comme couverture.

Mais l’agence de renseignement américaine a fini par louer son bateau pour une véritable opération d’extraction.

« Nos résultats ne disent pas si l’exploitation minière en eau profonde est socialement acceptable. Mais ils fournissent les données nécessaires pour prendre des décisions politiques mieux informées », a souligné Adrian Glover, du Musée d’histoire naturelle de Londres, co-auteur de l’étude.

© AFP

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L’étude (en anglais) Long-term impact and biological recovery in a deep-sea mining track | Nature

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