Les femmes plus soucieuses de l’environnement ? Oui, parce qu’elles ont appris à l’être

siecle des femmes

Femme pêchant au filet sur un bras du delta, au sud de Padma Pukur, Division de Khulna, Bangladesh © Yann Arthus-Bertrand

Les travaux de recherche menés jusqu’à présent montrent que les femmes sont plus préoccupées par l’environnement et qu’elles adoptent davantage des comportements pro-environnementaux que les hommes. Mais, quand on regarde les comportements dans le détail, on constate que cette différence est valable surtout pour les comportements liés au foyer (recyclage des déchets, achats de produits verts, économies d’énergie, etc.) alors que, s’agissant de l’activisme environnemental, les femmes et les hommes s’engagent tout autant.

Comment expliquer cette différence ? Une première piste serait de penser que les femmes sont naturellement plus connectées à la nature que les hommes. Comme si cela était inné pour elles. Pourtant, une étude menée en Italie en 2019 montre qu’il n’y a pas de différence significative entre hommes et femmes termes de rapport à la nature.

Question d’éducation

L’explication se trouverait dans la théorie de la socialisation qui fait plutôt consensus. Elle met ainsi en évidence que les femmes sont plus préoccupées par l’environnement du fait de la construction sociale genrée de nos sociétés occidentales.

D’un côté les filles sont éduquées avec une valorisation de l’empathie, du « prendre soin » (le care) et de la coopération, tandis que chez les garçons, la société tend à valoriser plutôt les comportements de compétition et centrés sur l’individu. Comme résultante la plus visible, nous pouvons observer la large proportion (76 %) de femmes qui s’oriente dans les métiers du soin par rapport aux hommes. Cette part a même augmenté entre les années 1980 et 2000.

Ce care s’exprime ainsi au sein du foyer. En effet, les femmes adoptent plus de comportements pro-environnementaux lorsqu’il s’agit de recycler les déchets, d’acheter des produits verts ou d’économiser l’énergie et l’eau.

Des chercheurs ont en revanche mis en évidence qu’il n’y a pas de différences entre hommes et femmes pour l’activisme social parce que, comme l’explique une autre étude, les femmes doivent arbitrer entre l’activisme et leurs autres loisirs dans un contexte où elles subissent déjà une asymétrie de la répartition des tâches domestiques. Elles s’impliquent donc moins qu’elles le voudraient dans l’activisme et ne se distinguent pas des hommes pour ces comportements.

Conformisme social

Nous avons voulu vérifier si l’engagement plus fort des femmes dans les comportements pro-environnementaux venait bien d’attentes sociales qu’elles auraient intégrées. Auquel cas, il suffirait de rappeler ces attentes sociales dans un message persuasif pour qu’elles s’engagent plus que les hommes dans l’activisme environnemental (ces derniers ne devraient pas être particulièrement sensibles à ce message puisque, a priori, ils ne se sont pas vus assigner ce rôle de « prendre soin » dans leur construction sociale).

C’est donc ce que nous avons fait dans une étude menée à l’issue de ma thèse. En partenariat avec l’ONG Surfrider Foundation, nous avons monté un protocole comprenant quatre conditions avec quatre messages différents : un message neutre, un message comprenant une norme injonctive indiquant que les sympathisants de l’ONG comptaient sur le répondant pour s’engager. Puis, deux messages qui concernent les normes descriptives : l’un indiquant que les autres sympathisants s’engagent eux-mêmes et l’autre que la majorité des sympathisants pensent du bien de l’association.

Ensuite, nous avons demandé aux répondants s’ils étaient prêts à s’engager dans différents comportements, regroupés en trois catégories : le don de temps (bénévolat régulier ou ponctuel), le don d’argent (régulier ou ponctuel), et le soutien public à travers la signature de pétition ou le relais en ligne de campagnes.

Pour les comportements de don de temps et de soutien public, nous avons observé que les femmes s’engagent plus que les hommes avec le message injonctif, celui donc qui rappelle les attentes sociales. Pour les trois autres types de messages, il n’y avait pas de différence entre hommes et femmes. Cela prouve donc que les femmes adoptent plus des comportements pro-environnementaux par conformisme social aux attentes qu’elles supposent que l’on a d’elles.

Ce résultat ne se vérifie toutefois pas pour le don d’argent pour lequel, peu importe le message, les hommes s’engagent plus que les femmes.

Construction genrée

Qu’apportent ces résultats ? D’abord ils mettent à jour un mécanisme conséquent à une socialisation genrée. Si les hommes étaient éduqués dans l’idée que c’est aussi leur rôle de prendre soin, ils seraient sûrement aussi sensibles que les femmes à ces questions, s’engageraient plus au sein du foyer dans des comportements « verts » et la planète se porterait sûrement mieux. Cela constitue donc un axe pour les politiques publiques d’éducation, mais aussi pour le travail des associations qui œuvrent à la protection de l’environnement.

De même, l’asymétrie continuelle de la répartition des tâches ménagères au sein des foyers conduit les femmes à ne pas s’engager autant qu’elles le souhaiteraient dans l’activisme environnemental. Cela représente une raison supplémentaire pour œuvrer vers un meilleur équilibre de ces tâches.

Ensuite, il est important que les femmes aient conscience de ce mécanisme lorsqu’elles sont face à des communications persuasives. En particulier quand elles se trouvent face à des campagnes de greenwashing qui pourraient les faire culpabiliser et orienter leurs achats ou leurs comportements en général vers des pseudo produits verts.

Enfin, pour les associations, il y a deux façons d’aborder ce mécanisme. Soit on pense qu’il faut pousser les femmes à plus faire porter leurs voix sur ce type de sujet et ce type de message peut y contribuer, soit on choisit d’aborder la communication de manière responsable et de ne pas avoir recours à ce genre de messages qui s’appuient sur un biais cognitif et génèrent de la culpabilité.

D’ailleurs, cela serait finalement sûrement préjudiciable aux associations sur le long terme, car l’émotion négative de la culpabilité pourrait être encodée cognitivement avec le comportement et ainsi freiner l’engagement sur le long terme.

Il serait donc préférable pour les associations qui veulent voir plus de femmes s’engager de proposer des actions d’activisme environnemental peu chronophages tout en mettant en avant leur importance pour la protection de l’environnement.

© The Conversation

Magali Trelohan, Enseignante-chercheuse, South Champagne Business School (Y Schools) – UGEI

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