Romanesque et tragique, ces deux adjectifs peuvent résumer la vie de Norma Bastidas, mais ils ne suffissent pas à restituer la force de caractère de cette femme. Son existence a pris de nombreux tours et détours, elle a connu la violence domestique et sexuelle dans sa famille au Mexique puis dans les griffes de trafiquants d’êtres humains au Japon. Après s’être installée au Canada, elle est devenue une athlète de haut-niveau, elle a trouvé la force de témoigner. Norma Bastidas combat aujourd’hui les violences infligées aux femmes et raconte notamment son histoire dans Woman, le film d’Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand. À l’occasion de la promotion du film, elle a répondu à nos questions.
[À lire aussi Les maux pour le dire, le portrait de Norma réalisé par Anasatisia Mikova]
Vous avez été confrontée à la violence toute votre vie. Selon vous, pourquoi les femmes sont souvent les premières victimes de la violence autour du monde ?
Je pense que c’est parce que les femmes n’ont pas partout les mêmes droits que les hommes. Car ces derniers estiment avoir plus de valeur qu’elles. Le problème réside aussi dans le fait que ce n’est pas nécessairement inscrit dans la loi. Il s’agit d’une croyance sociale qui perdure aussi longtemps qu’une société considère les femmes comme des citoyens de seconde zone.
Comment les femmes peuvent-elles en finir avec le cycle vicieux de la violence à leur égard ?
Briser le cercle vicieux de la violence commence par soi-même à la maison ou dans sa communauté. Parfois l’endroit où les femmes vivent, leur foyer ou leur pays, s’avère extrêmement dangereux pour elles. C’est très difficile parce qu’Il faut prendre la décision de mettre fin à la violence pour soi, sa famille et ses proches alors qu’en la subissant on pense les protéger.
Avez-vous spécifiquement un message pour les personnes souffrant de la violence ?
Premièrement, quoi qu’il se passe, ce n’est pas de votre faute ! Trouvez un moyen de vous échapper. Ce n’est ni facile ni évident. N’abandonnez pas, même si cela peut prendre du temps pour trouver une voie sûre. Ce n’est jamais de votre faute, à aucun moment vous ne méritez d’être maltraitée. Il n’existe pas de circonstances atténuantes.
Comment alerter les médias et les décideurs politiques sur ces sujets ?
Il faut cesser de les voir comme des questions privées ou domestiques à régler au sein des familles. C’est un vrai sujet de société qui affecte les générations futures et l’économie. En effet, les violences domestiques coûtent de l’argent en empêchant les femmes de contribuer aux activités.
[Lire : Les violences au sein du couple ont coûté 3,6 milliards d’euros en 2012 à la France]
Que faire pour rapidement améliorer le droit des femmes ?
Il faut cesser de protéger les coupables ou de justifier et excuser leurs actes. Aujourd’hui, on se concentre beaucoup sur le comportement des victimes en négligeant donc le comportement des coupables et leurs actions.
Les trafics d’êtres humains font rarement l’actualité dans les médias occidentaux, pensez vous que le problème est sous-estimé ?
Le trafic d’être humains reste pourtant un grand problème au niveau mondial. On croit souvent qu’il s’agit de kidnapping et qu’on vous maintient enchaîné. La réalité est loin de ces images car dans la plupart des cas les trafiquants prennent avantage des situations de vulnérabilité des personnes qu’ils exploitent comme la pauvreté, le manque d’opportunités professionnelles ou les conflits au sein de leur communauté.
Et que faire face à ces trafics ?
Aujourd’hui, je dirais aux gens de s’assurer de ne pas être une partie du problème en étant complices à leur insu de ces trafics. Par exemple, de manière générale comme consommateur ou plus précisément dans leurs discours à propos de la prostitution, on ne peut pas dire que la plupart des femmes choisissent librement ce métier. Dans bien des cas, il s’agit d’exploitation par une tierce personne.
Est-ce qu’aider les gens à renforcer leur estime de soi est important pour lutter contre les discriminations, les violences ainsi que le trafic d’êtres humains ?
Oui, car les victimes ont souvent la sensation qu’elles ne peuvent rien faire du tout. Pourtant, avec de l’estime de soi, les gens peuvent se concentrer sur ce qu’ils peuvent faire de leurs vies. Se dire qu’on peut faire quelque chose pour soi ou pour les autres confère un sentiment merveilleux qui fait la différence entre se sentir une victime ou se sentir quelqu’un.
Avez-vous un dernier mot ?
Je leur adresse le message suivant : peu importe l’endroit où vous trouvez, c’est le début de votre voyage. Peu importe les difficultés actuelles de votre vie, votre aventure démarre ici car vous pouvez toujours décider.
Propos recueillis par Julien Leprovost
La page de Norma Bastidas sur le Huffington Post France
Un commentaire
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Guy J.J.P. Lafond
08MARS2021
Merci pour WOMAN et LEGACY!
Mise en exergue:
“Par exemple, de manière générale comme consommateur ou plus précisément dans leurs discours à propos de la prostitution, on ne peut pas dire que la plupart des femmes choisissent librement ce métier. Dans bien des cas, il s’agit d’exploitation par une tierce personne.” – Norma Batista
Je déteste l’exploitation sexuelle de femme(s) par une tierce personne.
@GuyLafond @FamilleLafond
À nos vélos, à nos espadrilles de course, à nos équipement de plein air!
Le temps file.