Espèce commune d’Europe, le hérisson est pourtant menacé par l’urbanisation, la disparition des insectes, les pesticides et les changements de paysage. Il pourrait disparaître de notre quotidien bien plus vite qu’on ne le croit. C’est pourquoi nous republions ici quelques conseils tirés du chapitre À l’action pour le hérisson de l’ouvrage Le hérisson d’Europe de Philippe Jourde (Éditons Delachaux et Niestle) afin d’aider à la préservation de ce sympathique mammifère.
Le gîte et le couvert
Pour attirer les faveurs des hérissons, il est possible de mettre en place un ou des gîtes qui pourront servir de nids aux animaux de passage, hibernants ou, avec un peu de chance, reproducteurs. Il existe divers modèles de gîtes artificiels dans le commerce, parfois très luxueux. L’expérience montre que les gîtes les plus simples sont parfois les meilleurs. Ainsi, une simple planche posée en biais contre un mur, à l’abri d’un buisson, peut former un gîte qui, une fois rempli et éventuellement recouvert de feuilles sèches, peut être fréquemment utilisé. L’isolation sera meilleure si une autre planche, posée sur des tasseaux, isole le gîte du sol. Idéalement, l’ouverture ne doit pas excéder de beaucoup la taille d’une main ouverte. L’idée n’est pas nouvelle puisque le naturaliste Lenz installait déjà des petites caisses pour les hérissons dans son jardin au début du XIXe siècle, « pouvant fournir aux hérissons une bonne retraite pour l’hiver ». Une petite cabane en bois peut être construite et recouverte de résidus de tonte, d’un tas de feuilles mortes ou de bûches. Il est possible de diviser partiellement la boîte par une cloison pour améliorer les performances isolantes du gîte, notamment pour qu’il puisse servir de site d’hibernation. Il est aussi possible, si ce type de gîte est recouvert, d’installer une petite bâche plastique en guise de protection contre la pluie. Ce type d’aménagement peut être disposé dans un recoin du jardin laissé sauvage, voire sous un abri de jardin, sous un buisson, dans une haie ou dans un tas de bois. La présence de hérissons dans les gîtes ne doit pas être vérifiée en période d’hibernation ou de reproduction pour éviter de compromettre la survie des animaux. En période d’activité, il est toujours possible de faire le test de la branchette. Il suffit de disposer le soir une tige sèche de plante en travers de l’entrée du gîte. Si le matin suivant la branchette a été déplacée, c’est que votre gîte est occupé. Outre le gîte, la présence d’eau et de nourriture peut rendre votre jardin plus attractif. Rien ne vaut le tas de compost sur lequel on dispose les déchets verts et les restes alimentaires.
Nourrir les hérissons ?
Faut-il nourrir les hérissons et quelles peuvent être les conséquences de ce nourrissage ? Pour répondre à ces questions, Morris et ses étudiants (1985, 2006) ont mené des études spécifiques dans la région de Londres. Les résultats sont assez surprenants. Les hérissons ne s’installent pas nécessairement à proximité des sources de nourriture, 2 animaux sur 5 installent même leur nid à près de 500 m des gamelles qu’ils visitent. La majorité des hérissons ne rejoignent pas directement le site d’alimentation et beaucoup n’y vont que de façon irrégulière, au gré de leurs maraudes. En 17 nuits d’étude, jusqu’à 11 hérissons différents ont visité la même gamelle, parfois 3 à 4 la même nuit. Ils consomment en moyenne 7 g de nourriture par minute passée à la gamelle. La prise maximale observée en une séance est de 94 g, soit plus de 10 % du poids total de l’animal. En moyenne, la consommation est de 47 g. En une soirée et plusieurs visites à la gamelle, un individu a tout de même réussi la gageure de dévorer 157 g de nourriture !
En règle générale cependant, les hérissons ne se contentent pas de la nourriture artificielle et continuent à chasser leurs proies naturelles. La suppression du nourrissage est apparemment sans conséquence. Au lieu de s’arrêter au poste de nourrissage, les animaux ont simplement continué leur route. En conclusion, les hérissons étudiés apprécient la nourriture fournie mais ne s’en contentent jamais. Elle peut représenter une part importante de leur régime mais les hérissons ont toujours consacré du temps à rechercher des proies naturelles. En conséquence, lors de l’arrêt du nourrissage, les animaux ont continué à chercher leur nourriture et ne se sont pas laissés mourir à côté de leur gamelle vide… Le nourrissage des hérissons n’apporte qu’un certain confort aux adultes. Il peut en revanche être décisif à l’automne ou en début d’hiver pour les jeunes animaux, dont les réserves de graisse ne sont pas suffisantes pour garantir leur survie durant la phase hivernale. Dans ce cas, quelques gamelles disposées au bon moment peuvent éventuellement faire la différence entre la vie et la mort. Une gamelle d’eau fera de votre jardin une véritable oasis pour les hérissons et les oiseaux qui s’y rendront, parfois de fort loin en période de sécheresse.
Que donner à manger aux hérissons ?
Beaucoup de gens offrent à manger du pain trempé dans du lait aux hérissons. Les animaux adorent cela mais ce régime est susceptible de provoquer des diarrhées. Dans les pays anglo-saxons, il existe depuis plusieurs années des produits alimentaires destinés spécifiquement aux hérissons. Il est possible de trouver dans le commerce des « Igelfutter » ou des « Spike’s dinner ». Certains de ces produits arrivent sur le marché français. Ces aliments sont parfois coûteux. La nourriture pour chiens ou chats l’est généralement moins et est tout aussi appréciée.
Philippe Jourde est naturaliste au service Étude du patrimoine naturel de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Il observe, inventorie et étudie la faune sauvage, et notamment le hérisson, depuis plus de vingt ans.
Ecrire un commentaire