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Geoffrey Couanon, réalisateur de Douce France, parle de son docu dans lequel des jeunes citadins enquêtent et remettent en cause Europacity

Douce France docu europacity jeunes banlieues

Douce France Phoot ! DR

En suivant plusieurs jeunes de banlieue qui s’interrogent sur la pertinence du projet Europacity dans le triangle de Gonesse, Geoffrey Couanon livre avec Douce France un documentaire énergique. Ce film questionne notre rapport à l’agriculture ainsi qu’à la consommation. Geoffrey Couanon revient dans cet entretien sur le sens de son film documentaire qui sortira bientôt dans les salles.

Vous avez travaillé pendant 10 ans auprès de jeunes sur les questions d’agriculture et d’alimentation dans les banlieues. Cette expérience a-t-elle été un moteur pour réaliser Douce France ?

Ce film est à la croisée de plusieurs sujets qui sont à l’image de mon parcours de vie : le cinéma, l’agroécologie et l’éducation populaire.
En tant qu’éducateur, j’ai été amené à rencontrer des jeunes de quartiers dans plusieurs villes dont Paris, Bruxelles et Montpellier.
Ce qui est magique avec eux, c’est leur authenticité, leur franc-parler et leur spontanéité. C’est ce que j’aime car ils parlent à l’enfant intérieur de tout adulte.

Je me suis aussi formé au maraichage, et j’ai été à l’initiative de projets d’agriculture durable.
Depuis 2017, comme cinéaste, je mets en image ces différents sujet.

Quelle démarche a guidé le documentaire ?

Avec Douce France, j’ai voulu faire un film avec les jeunes plutôt que sur les jeunes. Je voulais montrer qu’ils peuvent avoir leur subjectivité et aiguiser un point de vue qui devient le leur. D’ailleurs au départ, la plupart des jeunes du film étaient favorables au projet d’Europacity parce qu’ils ne voyaient que le gigantesque parc de loisirs et les commerces. Puis, on leur a donné des outils pour qu’ils se fassent une idée. Ils ont rapidement compris que derrière ce projet attrayant, l’écologie et l’emploi sur leur territoire étaient menacés.

À qui ce film est-il destiné ?

Je souhaitais à tout prix sortir des milieux convaincus et m’adresser au plus grand nombre, du jeune de quartier au politique en passant par le monde de l’entreprise.

Ce film pose une question universelle : a-t-on son mot à dire sur son territoire face à de tels projets ? Ce questionnement revêt d’autant plus de force que l’on peut tous s’identifier à ces jeunes.
D’ailleurs, à l’âge d’Amina, Sami et Jennyfer, j’ai travaillé sur les chantiers de mon père qui construisait des bâtiments industriels. J’ai pu très tôt découvrir l’enjeu de la destruction des terres agricoles par des centres commerciaux dans lesquels je trainais.
Des spectateurs du film m’ont confié qu’ils s’étaient reconnus dans la réflexion de ces jeunes sur leur territoire.

Pourquoi avoir choisi de réaliser un film sur le combat entre le collectif pour le triangle de Gonesse et Europacity ?

Le film met en lumière la Seine-Saint-Denis. Ce département très peuplé abrite le plus de jeunes, le plus de diversité culturelle et aussi le plus de précarité en France. C’est dans ce contexte qu’a été parachuté Europacity, un projet d’artificialisation des sols qui est obsolète aujourd’hui.

La réalité, c’est qu’il y a des Europacity partout en France, à l’image de plus de 600 projets de constructions de centres commerciaux, de logements ou encore de bureaux.
Aussi, ce projet a été tenu en échec grâce à une mobilisation citoyenne sans précédente. En cela, ce film est un message d’espoir pour les opposants aux autres projets auxquels il fait écho.


Comment contester la légitimité de tels projets ?

Les citoyens engagés dans le combat contre Europacity, ont compris que le but n’était pas de s’opposer mais de proposer un autre imaginaire de bien-être.
Pour penser l’économie, on devrait partir des citoyens, du territoire dans lequel ils vivent. Il faut construire avec les habitants en leur donnant les outils pour réfléchir, à l’exemple de la Convention Citoyenne pour le Climat. Le combat contre l’urbanisation n’est pas gagné, et celui d’Europacity non plus d’ailleurs, puisque rien ne dit qu’un autre projet de même nature vienne le remplacer.


Dans quelle mesure le film Douce France fait-il écho à la crise du coronavirus et « au monde d’après » ?

Le film permet de prendre conscience que le système dans lequel nous vivons doit être le système du passé.
Il permet ainsi de faire la balance entre le réalisme et l’optimisme qu’il faut avoir pour se retrousser les manches, construire le monde de demain avec des solutions comme celles qui y sont présentées. Par exemple, se nourrir en circuit-court dans des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne ou s’approvisionner dans des ressourceries.

Actuellement, on vit avec la pandémie qui a été un électrochoc. C’est une formidable opportunité de construire ensemble autrement grâce au chaos dans lequel on se trouve.
Il faut que l’on puisse mettre ce changement à la disposition de tous les citoyens. Le pouvoir du consommateur et sa prise de conscience sont très importants, mais la consomm’action seule ne changera pas le monde. La prise de conscience doit être politique.

Dans le contexte de la pandémie, comment envisagez-vous la sortie du film ?

Le 2 mai, nous avons organisé une avant-première en ligne suivi d’un débat avec le cinéma Le Méliès. Cette « e-projection » a amené plus de 1500 spectateurs, ce qui représente la plus grosse audience sur la plateforme La 25ème Heure. J’ai eu beaucoup de retours. Il y a un vrai engouement autour du film et des questions qu’ils posent.
Avec notre distributeur, on prépare aujourd’hui la sortie en salle qui ne sera pas une sortie nationale. On ne veut pas que le film soit centralisé et sorte une fois dans toutes les salles, mais plutôt région par région. Nous avons donc besoin de moyens financiers, nous prolongeons la campagne de financement participative pour accompagner la sortie du film dans chaque région d’animations et de débats publics.

Propos recueillis par Jonathan Ouart-Gave

Pour aller plus loin :

– retour sur Europacity

– voir la bande-annonce du film

– lire aussi notre entretien avec Michel vampouille, président de Terre de Liens : « la revalorisation des métiers de base qui nous permettent de vivre est indispensable dans tous les secteurs de la société y compris dans l’agriculture »

– Une projection-débat en ligne de Douce France est prévue jeudi 14 mai, plus d’informations sur la page Facebook du film

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