C’est un temps non daté et un lieu inconnu, si proche et si lointain, où le désert domine. Sa rudesse marque les vies. Les êtres humains organisés en tribus qui le peuplent doivent lutter pour leur survie à la recherche d’une seule ressource précieuse et presque mythique : le bois des arbres. Dans cet avenir incertain, la catastrophe écologique est déjà survenue. Il ne reste presque plus rien, si ce n’est des bribes de légendes, de la vie animale ou végétale. Le sable omniprésent a tout englouti. Y compris la civilisation dont il ne subsiste que la ville où les tribus commercent le bois contre de l’eau gélifiée, de la nourriture et du matériel. Sinon, résonnent dans les histoires le soir au camp de la tribu, de lointains récits du passé et de ses vestiges. Voilà le décor impitoyable que propose Marie Pavlenko pour son roman initiatique Et le désert disparaitra.
La protagoniste principale Samaa n’a d’autres horizons que les étendues de sable à perte de vue, l’attente du retour des chasseurs qui rapportent de leurs périlleuses expéditions du bois, de l’eau, de l’oxygène et de la nourriture. Samaa, bien que fille, rêve de devenir chasseuse. Mais ce rôle prestigieux et risqué est réservé aux hommes. Elle possède pourtant toutes les qualités requises, mais l’adolescente doit se contenter d’exécuter les tâches dévolues aux filles de la tribu dont aller nourrir l’Ancienne. Cette dernière remet en cause le fait de rechercher et couper les arbres. La jeune fille ne voit pas les choses ainsi : « Et voilà, je pense à l’Ancienne ! Si j’étais chasseuse, j’abattrais cet arbre et le lui apporterais ; je lui prouverais qu’elle a tort. Les arbres n’ont qu’une utilité, celle d’être vendus pour nous faire vivre. » Samaa va cependant faire plusieurs rencontres qui changeront sa manière de voir et de comprendre le monde. Ces certitudes vont progressivement vaciller. Et si on s’était trompé à propos des arbres ?
L’univers de ce court roman (à peine plus de 200 pages) de Marie Pavlenko bouscules nos repères et fascine tant il retranscrit bien l’âpreté d’une existence dans un milieu hostile. La pénurie de ressources domine. Surtout, l’ouvrage montre que la connaissance peut se perdre rapidement et qu’une société peut se fourvoyer. Il reste toutefois possible de bouger les lignes, de remettre en cause ce qui ne va pas. On peut voir dans ce texte qui ne s’encombre pas de moult détails sur l’univers, une filiation avec les écrits d’anticipation de René Barjavel. Les amateurs de science-fiction un peu tatillons regretteront peut-être de ne pas en savoir plus sur ce futur, notamment la Ville, son fonctionnement et comment une société dénuée de ressources, parvient quand même à entretenir certaines technologies. Voyons-y plutôt un choix de l’auteure pour se focaliser sur son récit, sans trop l’ancrer dans le réel et donner ainsi à son message une plus grande portée. Car ce livre aspire à être une sorte de mythe pour les générations qui vivront les grandes évolutions écologiques à venir. Et, leur devenir reste ouvert. C’est ce que veut sans doute montrer Marie Pavlenko avec cette fable, presque un conte, aux tonalités écologiques. Elle se révèle une bonne lecture pour les adolescents, les jeunes adultes et les lecteurs qui désirent explorer un monde désertique. Si cela vous a plu et que vous voulez parcourir des univers ensablés, nous vous recommandons aussi Dune de Frank Herbert et Mad Max (pour public adulte) ou le très brillant livre L’effondrement de la civilisation occidentale par Naomi Oreskes et Erik Conway pour les amateurs d’Histoire et de hard-science (courant de la SF où les hypothèses scientifiques très développées sont au centre de l’intrigue).
Et le désert disparaitra, Marie Pavlenko, Editeur Flamarion, 240 pages, 14 euros
Julien Leprovost
Un commentaire
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Riquiqui
Merci pour cette recommandation préciseuse. J’ai apprécié ce livre qui est facile à lire pour un étranger. Cela me donne aussi un sentiment subtile pour un arbre.