Les canicules estivales obligent les athlètes à revoir leur entraînement pour les grands rendez-vous. Yohann Diniz, 42 ans, champion du monde en 2017, tripe champion d’Europe et recordman du 50 km marche, nous raconte sa prise de conscience des effets du changement climatique sur ses performances et sa préparation aux JO prévus cet été, à Tokyo.
Aux championnats du monde d’athlétisme à Doha (Qatar) fin septembre 2019, vous avez déclaré forfait lors du 50 km marche. Qu’il fasse très chaud au Qatar en septembre, c’est normal, mais le dérèglement climatique annonce des difficultés pour les sportifs même dans les endroits tempérés, comme à Tokyo cet été. Quel souvenir gardez-vous du Qatar ?
Certains athlètes se préparaient déjà à l’époque à ces conditions extrêmes. Mais pour beaucoup d’athlètes, cela a été un choc : près de la moitié des marathoniennes ont abandonné à cause de la chaleur. Moi, j’étais dans une phase d’observation et de réflexion. Je me suis retrouvé sous 40 ° C avec un taux d’humidité très fort. C’était comme marcher dans un hammam. J’avais l’impression de respirer de la vapeur d’eau et je ne transpirais pas. Autrement dit, je m’asphyxiais sans perdre aucune toxine. J’ai arrêté au bout de 16 km car je ne voulais pas y laisser des plumes et hypothéquer mes chances pour les Jeux Olympiques de cet été.
Pour limiter les risques de canicule, l’organisation des JO a déplacé les épreuves de courses et de marche dans la région de Sapporo (sur l’île d’Hokkaïdo, au nord, voir l’étude de chercheurs de l’université de Tokyo et de l’Arizona sur le marathon, jugé « dangereux », voire « très dangereux » à Tokyo. Qu’avez-vous modifié dans vos entraînements pour préparer ces JO ?
Avant le reconfinement, je partais toutes les 6 semaines faire des sessions de 10 jours au Portugal. J’y suis un entraînement normal en extérieur auquel s’ajoute 1 heure à 1 heure 30 quotidienne dans une cabine qui reproduit les conditions que je pourrais trouver cet été. Dans cette « thermo-training room », je marche sur un tapis par 36 ° C avec un taux d’humidité qu’on peut monter jusqu’à 90 %. L’objectif, c’est qu’en m’exposant 7 à 8 fois dans l’année, mon corps ait mémorisé les conditions et s’acclimate plus vite cet été. Mon équipe a également fait des calculs concernant les pertes hydriques et j’ai modifié ma nutrition : pour garder un maximum d’oligo-éléments et de minéraux, je bois des bouillons par exemple. Et puis je suis équipé de casquette, de tour de cou ou de poignets en textile qui peuvent accueillir des poches de glace à changer lors des ravitaillements.
Quels changements avez-vous ressenti physiquement et pensez-vous que les sportifs amateurs doivent aussi adapter leur pratique ?
Au début on se sent chamboulé, puis on vit quelques jours difficiles avant de voir les indicateurs s’inverser vers du mieux. Et à chaque séjour ça va plus vite. Mais sans cette préparation, ce serait impossible. Les marcheurs ou coureurs amateurs que je vois s’entraîner en pleine chaleur l’été ne se doutent pas que c’est dangereux pour eux : ils s’épuisent. Il vaut bien mieux pratiquer le matin tôt ou le soir, et réduire son allure si nécessaire.
Propos recueillis par Sophie Noucher
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