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Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO à propos de l’interdiction du piégeage des oiseaux à la glu : « la détermination peut se montrer payante »

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Allain Bougrain-Dubourg (LPO) © Joël SAGET / AFP

Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO, revient dans ce texte sur le succès du long combat des défenseurs des oiseaux et de la biodiversité contre le piégeage à la glu. Après des années de batailles auprès de l’opinion et des tribunaux, la persévérance a fini par payer puisque puisque, mercredi 17 mars 2021, la Cour de justice de l’Union européenne a ouvert la voie à une interdiction en France de cette méthode de chasse controversée.

La première qualité du naturaliste, c’est la patience. Il en aura fallu pour venir à bout du piégeage des oiseaux à la glu qui s’enlisait dans l’indifférence. Après avoir tout tenté durant près de 10 ans, après avoir épuisé les recours devant les juridictions françaises jusqu’au Conseil d’Etat, c’est vers la Cour Européenne de Justice que s’est tournée la LPO. Le jugement rendu le 17 mars prouve que la détermination peut se montrer payante. Il est exemplaire à plus d’un titre. En premier lieu, il balaye l’argument éculé de la tradition. « Le caractère traditionnel d’une méthode de capture d’oiseaux ne suffit pas, en soi, à établir qu’une autre solution satisfaisante ne peut être substituée à cette méthode ». Cette appréciation de la cour va dans le sens des revendications de la LPO qui veut en finir avec les pratiques dites « traditionnelles ».

Dans le sud-ouest, ce sont les « matoles » (pièges en grillages) qui permettent les captures. Dans le Massif Central, les passereaux subissent les « lecques », des pierres plates écrasant les oiseaux qui se risquent à manger les appâts. Dans les Ardennes, la pratique est tout aussi odieuse, les oiseaux sont étranglés avec des collets… La liste n’est pas close !

A ce niveau du constat, il faut rappeler que l’on parle d’un simple loisir. Les oiseaux sont piégés pour le plaisir et non pour permettre à quelques populations de survivre en période de disette. Ces pratiques d’un autre temps sont une insulte à l’élémentaire respect que l’on doit au vivant.

L’appréciation de la Cour Européenne de Justice est également éloquente sur une notion inédite, la maltraitance animale. Sauf erreur de ma part, il me semble que c’est la première fois qu’elle conjugue la souffrance et la biodiversité. « L’union et les états membres doivent, au titre de l’Article L3TFUE, tenir pleinement compte des exigences du bien-être des animaux » rappelle la Cour de Justice. Cette appréciation nous amènera à revisiter des maltraitances inacceptables qui perdurent dans l’insouciance. Est-il, par exemple, acceptable de poursuivre le « déterrage » des blaireaux en les jetant en pâture aux chiens dressés à traquer et en les extirpant du sol avec des pinces en fer avant de les achever à la dague ? Le tout alors même que des jeunes sont encore dépendants dans les terriers ? De même que penser de ces canards et autres appelants enfermés dans des cages ne leur permettant même pas d’ouvrir les ailes ou accrochés par la patte par n’importe quel temps, et durant des heures, pour attirer leurs semblables qui se feront tirer ? Il est temps de revisiter toute ces mauvaises habitudes.

Enfin la Cour Européenne de Justice condamne « Les captures entrainant des prises accessoires (il faut comprendre d’autres espèces que celles désirées et notamment les espèces protégées) (…) même en faible volume et pour une durée limitée ». Il est, par ailleurs, demandé au Conseil d’Etat de constater « Qu’en dépit d’un nettoyage, les oiseaux capturés subissent un dommage irrémédiable, les gluaux étant, par nature, susceptibles d’endommager le plumage de tous les oiseaux capturés ». Face à ce jugement, les piégeurs, soutenus par le président de leur Fédération Nationale, n’ont pas manqué de hurler au scandale. Ils ont même eu l’indécence d’évoquer les autorisations accordées aux minorités de Guyane alors qu’on les refusait aux piégeurs de Paca ! Comme le chant du cygne, ils ne désarment pas et clament qu’ils se battront jusqu’au Conseil d’Etat.

Plus pragmatique, Barbara Pompili a tweeté « La France avait décidé de suspendre la chasse à la glu, considérée comme une pratique non sélective. La décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne conforte cette mesure de protection de la biodiversité ». Il faut rendre hommage à la ministre qui – alors qu’elle était députée – condamnait déjà ce type de piégeage. Elle a incontestablement contribué à faire évoluer la situation.

Reste que d’autres dossiers doivent être traités en urgence. En cette « Année de la biodiversité », qui accueillera en France le Congrès Mondial de l’UIC (Union internationale pour la conservation de la nature), on constate qu’une vingtaine d’espèces figurant sur la liste rouge de l’union, c’est à dire bien souvent à l’agonie, continuent d’être tranquillement chassées sur notre territoire. Il a fallu aller devant la plus haute juridiction française, le Conseil d’Etat, pour faire suspendre le tir du courlis cendré (pourtant protégé partout en Europe) ou la tourterelle des bois, qui a perdu 80 % de ses effectifs.

En s’arque-boutant sur certaines maltraitances de la biodiversité, les chasseurs se tirent une balle dans le pied. Au lieu d’évoluer au rythme d’une société en mouvement, ils continuent de se satisfaire des 6 000 tonnes de plomb déversés dans la nature, de l’idée de poursuivre les chasses en février et de bien d’autres incohérences. Cette culture cynégétique, qui revendique incarner la ruralité, est une triste mascarade dont l’opinion publique n’est plus dupe.

Allain Bougrain Dubourg

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3 commentaires

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    • Maurice Chaumien

    Que l’humain explique ce qu’est la vie, avant de se permettre de la détruire!

    • DESCLAUD Patrice

    Bravo à Allain et la LPO ! Oui, pugnacité, persévérance, détermination et patience finissent par payer ! Que d’énergie pour beaucoup de bon sens face à des lobbies qui n’agisse qu’à court terme mais condamne souvent pour longtemps ! Pensons aussi encore aux nicotinoïdes dans cette chaîne alimentaire des oiseaux …

    • Michèle Barberot Durand

    Bravo Alain pour cette victoire!