Une enquête réalisée par le quotidien britannique the Guardian révèle que les compagnies pétrolières nord-américaines avaient conscience des dangers pour la santé et l’environnement de la combustion des énergies fossiles depuis au moins 50 ans. Ces révélations se basent sur des documents provenant de compagnies de l’industrie pétrolière aux Etats-Unis et au Canada. Les documents consultés suggèrent une évolution dans leurs prises de position : plus les preuves scientifiques s’accumuleraient à ce sujet, plus les industries chercheraient à alimenter l’incertitude quant aux méfaits de la pollution de l’air, afin d’éviter les restrictions et l’impact économique sur leurs activités.
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Dans les années 1960, différentes compagnies reconnaissaient l’impact de leurs activités. On lit par exemple, dans un rapport attribué à la compagnie Imperial et daté de 1967, « l’industrie pétrolière, directement ou indirectement, est l’un des principaux responsables de plusieurs des principales formes de pollution. »
Entre temps, une étude publiée par Harvard en 1993 a montré que la pollution atmosphérique était à l’origine de décès dus à des maladies cardiaques et des cancers du poumon. Ainsi, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) était de plus en plus sollicitée pour fixer des limites aux rejets de polluants atmosphériques, notamment dans le cas des PM2,5, les particules fines particulièrement dangereuses pour le corps humain une fois qu’elles y pénètrent.
Contournement des preuves scientifiques
Par la suite, selon le Guardian, c’est la crainte de restrictions qui auraient fait évoluer la position des industries. Dans un rapport d’Exxon, en 1998, on peut lire que « les preuves suggèrent qu’il n’y a pas de base substantielle pour conclure qu’il existe une relation de cause à effet entre les PM2,5 présentes dans l’air ambiantes à long terme et l’augmentation de la mortalité. » Selon Carroll Muffett, directeur général du Center for International Environmental Law au Etats-Unis, « l’industrie des combustibles fossiles semait l’incertitude pour maintenir le statu quo ».
L’EPA a toutefois imposé les premières normes relatives aux émissions de PM2,5 en 1997. « Il existe désormais des preuves très cohérentes et solides dans de nombreux pays du lien entre les particules fines et les effets néfastes sur la santé » selon Francesca Dominici, professeur de biostatistique à Harvard. Une étude récente démontre en effet que 350 000 décès par an aux Etats-Unis seraient causés par une exposition longue aux particules fines liées aux combustibles fossiles.
Dans différents documents plus récents, on percevrait une réticence des industriels face aux preuves scientifiques de l’impact sanitaire de ces particules. On peut ainsi lire dans un rapport d’Exxon de 2009 que « les résultats de ces études sont variables et contradictoires. Ils ne permettent pas de conclure que les composants des particules sont les plus responsables des effets sur la santé. »
Plus récemment, une étude menée par Harvard en 2020 a révélé que la pollution atmosphérique impacterait d’autant plus les personnes atteintes de Covid-19, et elle a également été vivement attaquée. « J’ai été surpris qu’il y ait eu une critique aussi féroce » explique Dominici, l’un des contributeurs de l’étude. « C’est vraiment malheureux qu’il soit plus facile de discréditer la science que de produire de la bonne science. »
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