Biocarburants : entre espoirs et désillusions

2478-26-fre-FR-Agrocarburant

Les agrocarburants ont été présentés comme un moyen de réduire la consommation de pétrole et les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, leur bilan écologique est loin d’être aussi positif que prévu. Par ailleurs, leur production requiert des terres agricoles qui pourraient servir à nourrir la planète. Il faudra donc attendre de nouveaux composés, dits de seconde génération, qui présentent un bilan plus positif pour que les agrocarburants deviennent vraiment écologiques.

Les agrocarburants (aussi appelés biocarburants) désignent les carburants d’origine agricole. On en distingue trois grand types : ceux à base d’alcool, qui alimentent les moteurs à essence ; ceux à base d’huile, qui alimentent les moteurs diesel et ceux sous forme de gaz. (1)

Ceux à base d’alcool sont produits à partir de végétaux riches en sucre tels que la canne à sucre et la betterave, ou de plantes riches en amidon, comme le blé. Ce sont le bioéthanol et son dérivé l’ETBE.

Les huiles sont extraites de plantes oléagineuses comme le colza, la palme, le tournesol, ou le soja. Ce sont parfois des huiles végétales pures, dites « huiles brutes » (parfois des huiles de cuisine), ou des produits transformés. Dans ce dernier cas, on parle de diester, de biodiesel ou d’EMHV (esters méthyliques d’huiles végétales). Elles sont fabriquées avec 90 % d’huile et 10 % de méthanol, un dérivé du pétrole.

Les gaz sont produits par fermentation de matière organique. Le biogaz (méthane) est aussi appelé GNV : gaz naturel véhicule.

Production

La production des agrocarburants dépend de l’agriculture et donc varie selon les pays. Au Brésil, ils sont produits à partir de canne à sucre, aux Etats-Unis à partir du maïs, en France à partir de betteraves (70%) et de céréales (30%).

En 2007, le Brésil et les Etats-Unis ont représenté à eux seuls presque 90 % de la production mondiale d’éthanol, qui a atteint 50 milliards de litres environ. (2)

Pour les EMHV, la production mondiale était de 4 millions de tonnes, dont 88 % produits par l’Europe : Allemagne 44 %, France 22 %, Italie 17 %. (3)

Si 40% des carburants routiers consommés au Brésil sont des agrocarburants (voir encadré), ils ne représentent que 1,5 % aux Etats-Unis et 1,2% en Europe. Une directive de la Commission Européenne fixe pour 2010 un objectif de 5,75 % de biocarburants dans les essences et le gazole. Le gouvernement français a affirmé vouloir aller au-delà avec un taux d’incorporation de biocarburants de 7 % pour 2010.

Bilan énergétique

Il faut dépenser de l’énergie pour produire des agrocarburants : pour fabriquer les engrais et les pesticides, pour faire marcher les machines agricoles, pour acheminer les végétaux jusqu’à l’usine où ils sont produits, pour faire fonctionner cette usine, etc. Un paramètre important pour juger de l’utilité des biocarburants est donc celui qu’on appelle l’efficacité énergétique : le rapport entre l’énergie disponible et celle qu’il a fallu utiliser.

Les estimations varient, mais, selon une étude de l’Ademe, l’efficacité énergétique de l’alcool produit à partir de la canne à sucre brésilienne est excellent : il vaut 5,82. L’efficacité énergétique des autres biocarburants est moins bonne : 2,23 pour le diester de colza, 1,35 pour le blé, 1,25 pour la betterave. Pour l’éthanol à base de maïs, il est inférieur à 1, ce qui signifie qu’il faut plus d’énergie pour le produire qu’il ne permet d’en libérer ! (4)

Aux Etats-Unis, d’après le ministère de l’Agriculture et les associations de consommateurs, il faut 1 litres de fuel pour produire 1,2 litre d’éthanol de maïs, ce qui permet de parcourir la même distance qu’avec 1 litre d’essence issue du pétrole…

Effet de serre et déforestation

Le CO2 (dioxyde de carbone) qui est rejeté lors de la combustion d’un agrocarburant avait été absorbé par les plantes qui ont servi à sa production, lors de leur croissance. Le bilan des émissions de gaz à effet de serre des agrocarburants est donc réduit. Il est inférieur à celui des carburants classiques d’au moins 53 % pour les EMVH, et de 30 % environ pour l’éthanol.

Toutefois, il faut prendre en compte le fait que des surfaces importantes de forêt sont détruites pour laisser place à des plantations de palmiers à huile. En Malaisie, entre 1985 et 2000, 87 % de la déforestation serait due à la plantation de palmiers à huile. Les forêts primaires de Sumatra connaissent un destin similaire. Au Brésil, la culture de la canne à sucre entraîne également une déforestation. Cette déforestation est responsable de la libération de quantités importantes de gaz à effet de serre. Elle détruit également l’habitat de nombreuses espèces endémiques.

De lourdes répercussions alimentaires

La croissance actuelle de la production d’agrocarburants se fait en partie au détriment de la production alimentaire. Mais la totalité des surface agricoles de la planète ne suffirait pas pour remplacer tous les dérivés du pétrole.

Selon l’OCDE, les États-Unis, le Canada et l’Europe UE-15 devraient ainsi consacrer entre 30% et 60 % de leur superficies cultivées actuelles respectives pour remplacer 10 % seulement de leur consommation de carburant par des biocarburants ! (5)

Selon l’Inra (Institut national de la recherche agronomique), l’incorporation de 5,75 % de carburants agricoles d’ici 2010 dans les véhicules conduirait à utiliser 18 % à 20 % des terres arables. Et cela ne réduirait que de 3 % des importations de pétrole. Par ailleurs, la croissance de la demande de biocarburants alimente la hausse des prix agricoles. (6)

Les agrocarburants de seconde génération

De nouveaux agrocarburants pourraient présenter un bilan plus positif. Ils sont appelés agrocarburants de seconde génération. Produits à partir de cellulose, une molécule présente dans tous les végétaux, ils peuvent être fabriqués à partir de végétaux non alimentaires, ou bien à partir de parties non alimentaires de plantes. Donc à partir de paille, des arbres ou des algues. Ainsi, leur production n’entre pas en concurrence avec les surfaces agricoles, et elle est peu gourmande en intrants (engrais, eau, énergie).

L’utilisation d’éthanol ligno-cellulosique pourrait ainsi permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 78 % et la consommation d’énergies non renouvelables de 76 %.

Différentes pistes sont étudiées. Le miscanthus, une graminée hybride très riche en ligno-cellulose, aurait un rendement énergétique trois fois supérieur au blé, selon l’Inra, et émettrait, lors de sa combustion, moins de CO2 qu’il n’en emmagasine, une partie étant stockée dans ses rhizomes. (6)

Certaines espèces d’algues microscopiques peuvent synthétiser des huiles qui, une fois extraites, seraient traitées de la même manière que les huiles végétales traditionnelles. Leur rendement à l’hectare serait trente fois supérieur à celui du colza et leur culture absorberait de grandes quantités de CO2.

Une plante tropicale appellée Jatropha curcas, poussant en milieux semi-arides, pourrait également constituer une source intéressante d’EMHV. Une entreprise anglaise met actuellement des milliers d’hectares en culture en Chine, Inde et en Afrique. (7)

Enfin, une voie « biomass to liquid » (BTL) permet de convertir de la biomasse (déchets, plantes non alimentaires) en présence d’un réactif gazeux (eau, dioxygène). Le gaz obtenu est principalement composé de monoxyde de carbone et de dihydrogène, pouvant être transformé soit en essence, soit en gazole. Le carburant obtenu ne contient ni soufre, ni azote et émet moins de particules à la combustion.

Deuxième producteur d’éthanol (via la canne à sucre), le Brésil dispose d’un potentiel de croissance capable de répondre à la demande mondiale. 340 usines ont produit 490 millions de tonnes (mt) en 2007, soit une hausse de 8 % par rapport à 2006. Le gouvernement compte sur une récolte de 730 mt d’ici 2012. Pour les investisseurs, cela implique la construction de 90 nouvelles usines et la plantation de quatre millions d’hectares supplémentaires. En 2012, la canne à sucre devrait couvrir 10,3 millions d’hectares. Ce pari sur l’avenir de l’agrocarburant entraîne une inflation du prix de la terre (+113% dans l’Etat de Sao Paulo par exemple). Les petits agriculteurs se retrouvent donc sans terre. La canne à sucre est en passe de devenir une mono culture, le Brésil devant importer ses aliments.

(1) US Department of Energy EERE – Biomass program

(2) Renewable Fuels Association

(3) Rapport du Sénat

(4) Etude de l’Ademe

(5) OCDE-FAO – Perspectives Agricoles de l’OCDE et de la FAO 2007-2016

(6) Le Miscanthus, Inra

(7) Jatropha – Planète Bleue

7 commentaires

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    • olivier

    faim
    Est-ce que ce sont vraiment les agrocarburants qui sont responsables de la faim dans le monde ? Les cultures d’exportations (cacao, café, etc) sont beaucoup plus importantes à ce propos…

    • Illios

    Tout à fait d’accord…
    Lorsque le lobbing des pétroliers et maintenant de céréaliers cessera (on peut espérer), on pourra voir la filière biocarburant de 2eme et 3eme génération digne de ce nom prendre son essor légitime. On cessera peut-être d’associer biocarburant au problème de faim qui est bien plus complexe.

    Pour que le 2eme génération puisse prendre sa place un jour, il faut bien commencer par un bout, notamment en s’appuyant sur les processus de production qu’on connait. Plus vite cette phase que j’appellerais : phase expérimentale (1er génération) s’achèvera et plus vite on pourra passer en vitesse de croisière sur la base d’une production de 3eme génération.

    Juste un exemple pour illustrer que les pétroliers ne jouent pas le jeu. Total s’est engagé à déployer de pompe E85 (ethanol). Il l’a fait, mais le prix pratiqué à la pompe est dissuasif pratiquement 1 euro alors que la pratique est de l’ordre de 0,80 en moyenne, prix pratiqué par la grande distribution.

    • Laurent DENIAU

    KIT ECOPRA dopage à l’eau dimution de carburant et de pollution
    Je commercialise le KIT ECOPRA afin de diminuer la consommation de 10 à 50°/. et de diminuer l’opacité de 50 à 80°/. sur tous types de véhicules diesel ou essence.

    Ce kit est très performant,montage simple,démontable et réutilisable et fabriqué en France.

    Le procédé est d’utiliser la température des gaz d’échappement pour transformer de l’eau de pluie contenue dans une réserve pour en la transformer en gaz,par dépression celui-ci est envoyé à l’admission en complément du comburant.Résultat:dépollution du moteur.

    • Fabien

    Au sujet du paragraphe « De lourdes répercussions alimentaires »
    Les études référencées dans l’article sont anciennes. Aujourd’hui, il est démontré que le développpement des agro-carburants en Europe a favoriser le développement de leurs coproduits pour l’alimentation animale (tourteaux de colza, drèches, etc…)
    Et grâce aux agro-carburants, la France et l’Europe importent moins de soja pour nourrir les élevages. C’est donc une répercution favorable d’un point de vue alimentaire (aliment de proximité pour nos élevage, moins de déforestation en amérique du sud pour la production du soja, etc…).
    Les propos de Jean Ziggler qui ont lancé la polémique en 2007-2008 (cf le fameux qualificatif de « crime contre l’humanité » au sujet de l’impact des agro-carburants sur le prix des matières premières) ont été retournés par la crise financière. La preuve a été faite que c’est la spéculation et non les agro-carburants qui ont été responsables des émeutes de la fin. A lire à ce sujet le dernier rapport de la FAO sur les perspectives agricoles.

    • jyelka

    impact social
    Dommage que cet article ne traite pas de la question sociale liée aux biocarburants, en particulier celle des coupeurs de cannes à sucre au Brésil. Futurs esclaves énergétiques?

    http://www.youtube.com/watch?v=u0mCVTyS9t4

    • flexogreen

    vos chiffres sont partiaux
    Votre article est contre les agrocarburant par qui êtes vous payé?

    il est amusant de noter que vous donnez les chiffres de rendement global des agro carburant en disant qu’ils ne sont pas si terrible que ca.

    ok; mais a preuve du contraire ils sont tous positifs…

    Par contre vous ne donnez pas les rendements énergétiques pour les carburants fossiles de références que sont le gazoil et l essence.

    Je comble votre lacune…qui est comune à tousles détracteurs des agrocarburants

    gazoil 0.90
    essence 0,85

    et ce sera encore pire avec les difficultes a extraire les petroles de shistes, les petroles du canada qui sont enfait des bitumes melanges a du sable…sans compter le desastre des eaux polluées et des paysages sacagés…par rapport aux agro carburants qui sont fait en europe sur jacheres…

    et oui il faut tout prendre en compte et ne pas tromper les gens.

    • Nobody

    agrocarburants
    flexogreen-> les agrocarburants ne sont pas produits en Europe sur jachère, mais presque partout dans le monde et à la place de la jachère (qui est une importante réserve de territoire pour certaines espèces), quand on ne rachète pas les terres de paysans pauvres pour par la suite les réduire en esclavage dans de grande exploitation a grand renfort d’OGM, de pesticide et d’engrais.