« Dans un avenir proche, un point lumineux sur 15 dans le ciel sera un satellite et non pas une étoile », affirme Samantha Lawler, professeur assistant d’astronomie à l’université de Regina au Canada dans un article publié dans la version anglaise du site The Conversation publié fin novembre.
À l’heure actuelle, un peu plus de 5000 satellites en service orbitent autour de la Terre. Mais, leur nombre devrait fortement augmenter dans les années à venir, ce qui risque de perturber les observations astronomiques. La scientifique Samantha Lawler plaide pour la préservation du ciel nocturne. Pour affirmer qu’un objet sur 15 observable dans le ciel sera, dans le futur, un satellite, elle émet l’hypothèse que 65 000 objets artificiels seront mis sur orbite dans les prochaines années. Elle met en cause le développement des constellations de satellites destinés notamment à rendre possible partout dans le monde la connexion à Internet, dont ceux de l’entreprise StarLink d’Elon Musk. L’entreprise prévoit de mettre en service 42 000 satellites dans les 5 années à venir. À chaque fois, plusieurs dizaines de satellites sont lancés d’un coup.
« C’est un fait indéniable que le soleil se reflète sur les panneaux solaires des satellites et que les constellations de satellites se voient à l’œil nu en début et en fin de nuit », confirme Pierre Omaly, expert sur le sujet des débris spatiaux et la manière de concilier les technologies du spatial avec la société au CNES (Centre National d’Études Spatiales). Toutefois, il se montre nuancé sur le chiffre avancé ;1 objet lumineux sur 15 sera un satellite. Il réagit à cette affirmation : « Même si on observe un accroissement sans précédent d’objets en orbite avec le new space porté par les constellations satellitaires des géants d’Internet comme les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) et les start-up, il est difficile de prévoir quel sera le nombre d’objets en orbite dans les années à venir. » Mais, toujours selon l’expert du CNES, « les entreprises ont désormais enfin accès à l’espace pour des coûts raisonnables ». Cependant, il n’est pas certain que cet « eldorado » soit viable économiquement pour toutes les entreprises engagées dans cette nouvelle course à l’espace et à l’accès Internet permanent partout dans le monde.
« Nos modèles envisagent que 65 000 satellites soient mis en orbite par 4 méga-constellations d’entreprises : SpaceX, Starlink et Amazon Kuiper (États-Unis), OneWeb (Royaume-Uni) et StarNet/GW (Chine) », écrit Samantha Lawler. De plus, elle s’inquiète de l’impact environnemental de toute cette débauche de moyens afin de fournir un accès à Internet. Elle appelle donc les gouvernements à agir afin de préserver le ciel et les orbites basses.
Pierre Omaly du CNES explique qu’il existe déjà des solutions comme jouer sur les angles et l’orientation des panneaux solaires afin d’éviter l’effet miroir, en limitant la réflexion de la lumière vers la Terre. Le sujet est étudié et, malgré l’absence de réglementation internationale à l’heure actuelle, « fait l’objet de discussions au niveau international. ». L’activité satellitaire peut perturber les observations astronomiques réalisées depuis le sol terrestre.
En effet, la pollution lumineuse des villes est une perturbation déjà bien connue des astronomes, des défenseurs de la biodiversité. D’un point de vue plus philosophique et anthropologique, la question se pose aussi de savoir si la nuit étoilée fait partie de notre environnement et notre patrimoine et doit être préservée. Pour Pierre Omaly du CNES, « l’aspect psychologique du sujet doit être investigué. Aujourd’hui, voir 60 satellites d’un coup a quelque chose de pas naturel, pourtant peut être que dans le futur cela semblera normal. »
Enfin, l’augmentation des satellites entraîne également un accroissement du nombre de débris spatiaux et questionne sur les coûts en ressources énergétiques et matérielles de ces technologies, notamment celles de l’Internet depuis l’espace, dont la vocation est parfois de seulement gagner quelques millièmes de secondes dans des transactions financières.
Julien Leprovost
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