Des scientifiques du CNRS ont établi le premier modèle mathématique du cycle de vie des plastiques et microplastiques. Leurs résultats ont été publiés fin 2022 et ils « appuieront la prochaine évaluation mondiale sur la pollution plastique du Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’établissement d’un nouveau traité mondial », précise le CNRS dans un communiqué. Ces travaux visent à mieux comprendre la circulation des plastiques et des microplastiques issus de leur dégradation dans l’environnement. En effet, ces matériaux dont la production a explosé depuis les années 1950 se retrouvent désormais partout sur Terre, de la surface aux fonds des océans aux sommets enneigés en passant par les sols et même l’air.
Depuis plus de 70 ans, au moins 8 milliards de tonnes de plastiques ont été produites. La fabrication de ces plastiques a été rendue possible en utilisant 4 % des 1 500 milliards de barils de pétrole extraits dans le monde durant cette période. Mieux connaître le cycle du plastique donne des pistes afin de réduire la pollution engendrée par ces matériaux de synthèse. Hélas, réduire drastiquement la production et l’emploi du plastique dans les années qui viennent ne suffira pas à stopper la circulation des microplastiques dans l’environnement. Elle devrait se poursuivre durant des millénaires. Ce qui dresse un parallèle troublant avec le réchauffement climatique. Gaël Le Roux, directeur de recherche au CNRS qui a pris part à l’étude : « le dioxyde de carbone et le plastique sont deux faces du même problème, celui de notre dépendance aux énergies fossiles et de ses effets sur le climat et l’environnement. »
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Des plastiques répartis dans l’environnement pour longtemps
Selon cette étude, les plastiques sont davantage rejetés et présents à la surface des continents que dans les océans. Le CNRS résume ainsi ce fait : « on observe l’importante quantité de plastiques rejetés sur les continents (5000 Tg [NDLR tonnes]) par rapport aux plastiques flottant à la surface des océans (0.3 Tg). On note également que la dispersion des plastiques via les rivières (13 Tg/an) est plus importante que la dispersion par émission terrestre (0.2 Tg/an). »
Les sols soumis à l’activité humaine, que soit par l’urbanisation ou l’agriculture, se retrouvent pollués par des plastiques. Ces derniers ont du mal à se dégrader car ils ne sont pas exposés aux rayons ultraviolets, tandis que dans les fonds marins se forme une couche de plastique, expliquent les scientifiques. Selon Gaël Le Roux, « on ne voit pas les microplastiques dans les sols. Étant moins exposés à la lumière, ils mettent plus de temps pour se dégrader. Les sols sont susceptibles de relarguer les plastiques dans les bassins versants. » Le plastique se disperse aussi dans l’océan via les cours d’eau, puis ils peuvent revenir sous forme microscopique sur les continents en étant portés par les vents. Que ce soit dans les milieux marins, aquatiques ou terrestres, les êtres vivants peuvent ingérer des microplastiques.
Le plastique circule alors dans l’environnement, comme l’eau ou le dioxyde de carbone. Ainsi, les conclusions de l’étude sont sans appel, les impacts de la contamination généralisée par les matériaux de synthèse issus de la pétrochimie dureront des siècles, et ce même si on parvenait à diminuer drastiquement dès à présent leur production. Les quantités de microplastique dans l’environnement devraient ainsi être multiplié par 4 d’ici 2050. Les scientifiques concluent « l’augmentation à venir des plastiques dans l’environnement dépendra des quantités de plastiques libérées par les importants stocks présents dans les sols. Pour limiter de futures disséminations de plastiques dans l’environnement, nous devons en plus de réduire leur utilisation et les déchets, anticiper un remédiation de l’héritage que constituent ces réserves terrestres de plastiques. »
Les meilleurs moments du cycle pour intervenir et réduire la prolifération des plastiques
Le meilleur plastique demeure celui qu’on ne produit pas. Gaël Le Roux estime que « on gère mal nos déchets partout dans le monde, en particulier le plastique à usage unique. Il est d’autant plus inutile qu’on peut faire autrement, on a su faire autrement avant l’arrivée massive des plastiques dans la vie de tous les jours. » Le scientifique plaide donc pour repenser totalement les usages du plastique en mettant fin aux plastiques dont la durée de vie est limitée et pour lesquels il existe des alternatives. Il estime ainsi que l’usage du plastique dans la santé peut se justifier pour des raisons d’hygiène.
« Récupérer des microplastiques dans les océans ou dans les sols, c’est difficile et compliqué », affirme Gaël Le Roux. Il ajoute que bien qu’il soit techniquement possible de retirer du plastique des écosystèmes, cela coûte cher et n’est pas non plus neutre d’un point de vue environnemental. « Ces initiatives sont louables. Mais, le meilleur plastique reste celui qu’on n’utilise pas ».
Le chercheur Gaël Le Roux admet qu’il est compliqué d’agir à l’échelle individuelle car « l’offre précède la demande. De plus, avec l’électrification de la mobilité, les pétrochimistes vont tenter de trouver de nouveaux débouchés industriels au pétrole en proposant plus de produits plastiques. Même si le citoyen agit, les gouvernements peuvent aussi le prendre des mesures. Les études montent aujourd’hui que la pollution plastique ne connaît pas les frontières. Les Nations Unies travaillent sur un traité. On peut espérer une prise de conscience dans les années qui viennent. »
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Julien Leprovost
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