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Sûreté nucléaire: derrière les manifestations de l’IRSN, la relance des centrales

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Des centaines de salariés de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) manifestent le 28 février à Paris contre le projet du gouvernement de démanteler leur institut © AFP Christophe ARCHAMBAULT

Paris (AFP) – Des centaines de salariés de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ont manifesté mardi à Paris contre le projet du gouvernement de démanteler leur institut, recevant le soutien de députés de l’opposition, de Barbara Pompili, députée Renaissance, et même de salariés d’EDF.

Avec les slogans « Avant d’agir, faut réfléchir » ou « mariage forcé = sécurité menacée », environ 700 salariés (800 selon la CGT), sur les 1.700 que compte l’Institut, s’étaient rassemblés près de l’Assemblée nationale pour s’opposer au projet de fondre les compétences de l’IRSN avec celles de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui décerne les autorisations d’exploitation des centrales, ou du Commissariat à l’energie Atomique (CEA).

Voulant surtout préserver leur indépendance vis-à-vis de l’ASN, gendarme du nucléaire, ainsi que la transparence de la publication de leurs avis techniques sur l’état des centrales françaises gérées par EDF, les manifestants ont jugé injustifié le projet annoncé le 8 février.

Ils ont demandé aux députés de voter contre les amendements déposés par le gouvernement au projet de loi sur l’accélération du nucléaire, qui doivent être discutés au sein de la Commission des Affaires économiques le 6 et le 7 mars.

Plusieurs élus sont venus les soutenir, dont certains sont opposés sur le plan politique sur le nucléaire, mais unis sur le besoin d’une sûreté nucléaire forte, notamment la secrétaire nationale d’EELV Marine Tondelier et le député communiste de Seine-Maritime Sébastien Jumel.

Le président de la Commission des Finances, l’insoumis Eric Coquerel, a dit qu’il s’opposait « totalement et frontalement » à ce projet de fusion « aberrant ». « Il n’y aura jamais assez de sûreté nucléaire » a-t-il dit.

La députée Renaissance Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique du gouvernement Castex de 2020 à 2021, était présente aussi: « Au nom de quoi, lorsque quelque chose fonctionne bien, faudrait-il le supprimer? », s’est-elle interrogée en tribune.

« Inconfort »

Elle a critiqué l’absence de préparation du texte, sorti abruptement pendant les congés scolaires de février. « On ne va pas me faire voter un texte sans étude d’impact, surtout s’il parle de sûreté nucléaire », a-t-elle lancé. La députée du parti présidentiel a par ailleurs indiqué à l’AFP sentir un « inconfort » au sein de la majorité sur le sujet.

L’ancien député LREM, puis Génération écologie, le mathématicien Cédric Villani, a aussi apporté son soutien aux manifestants, pour la plupart ingénieurs, techniciens ou chercheurs.

« Ce qui m’a éclairé pour comprendre pourquoi le gouvernement voulait supprimer l’IRSN, c’est le texte publié par Bernard Accoyer » l’ancien président de l’assemblée nationale qui dirige une association de lobbying pro-nucléaire Patrimoine nucléaire et climat, a souligné François Jeffroy, délégué syndical central de la CFDT.

La note diffusée M. Accoyer, dont l’AFP a obtenu copie, accuse l’IRSN de « dérives » et de « devoiement » de son rôle, l’institut rendant « publiques certaines de ses analyses répondant à des saisines de l’ASN ».

« Il est important que l’ASN dispose de la confidentialité des données jusqu’à ce que sa décision soit donnée, ce qui n’empêche pas la publication des avis des uns et des autres après coup », a-t-il dit à l’AFP.

La publication des avis de l’IRSN est rendue possible depuis 2016 et une ordonnance prise par Segolène Royal, alors ministre de l’environnement et de l’Energie.

« M. Accoyer dit tout haut ce que d’autres ne peuvent pas trop dire: +les avis de l’IRSN nous gênent, si l’IRSN est dans l’ASN il n’y aura plus de publicité, et les problèmes seront réglés+ », a résumé le responsable CFDT.

Bénéficiaire supposé de l’opération: EDF sommé d’accélérer sa production d’électricité nucléaire pour augmenter les revenus du groupe en difficulté financière.

Sans évoquer directement l’IRSN, le PDG d’EDF Luc Rémont, auditionné par l’Assemblée nationale mardi, a d’ailleurs estimé que le projet de loi accélération du nucléaire, qui porte les deux amendements supprimant l’IRSN, « apporte un bon état d’esprit et un certain nombre de solution sur l’accélération des procédures » pour relancer la production.

Plusieurs salariés d’EDF participaient néanmoins à la manifestation. « Pour avoir plus de sûreté nucléaire, il faut tout simplement embaucher plus de gens au lieu de les transférer »; a déclaré Virginie Neumayer qui travaille dans la radioprotection à la centrale EDF du Tricastin.

© AFP

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3 commentaires

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    • Matthias Heilweck

    La fin justifie les moyens. C’est un peu comme confier la gestion des forêts à l’industrie du papier. Effectivement, ça va plus vite.

    • Rochain Serge

    Sur fond de relance du nucléaire ?
    Quel relance ? quel nucléaire ?
    S’il s’agit de l’ancien il se décrepie de plius en plus, 18 reacteur a l’arret depuis 4 jours. Ce n’était « que » 15 il y a 6 jours.
    S’il s’agit du nouveau, à ma connaissance il n’y a pas de nouvelle élection présidentielle en préparation et à laquelle Macron pourrait se représenter donc pas de voix de nucléophiles à piquer à Marine Le Pen, et donc encore pas d’annonce de nouveaux EPR à claironner. L’urgence n’est que de faire croire qu’on fait tout pour accélerer les choses après avoir perdu 5 ans à ne rien faire et tout en sachant que si ça arrive au terme du projet le premier de ces 6 nouveaux réacteurs ne produiront peut être quelque chose que dans 15 ans. Ou donc est l’urgence si ce n’est de faire croire que c’est urgent ?

    • Patrice DESCLAUD

    Comment doit-on faire en France lorsque face à une telle opposition justifiée, « le prince » maintient ses caprices contre l’intérêt général ? L’autocratie présidentielle n’est pas protectrice de l’intérêt de la nation, alors que faire ?