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A la rencontre de Jade Tang, artiste plasticienne


Jade Tang et son œuvre  ©Thierry Le Fouillée

Nous avons posé 4 questions à Jade Tang, à l’occasion d’A la rencontre du vivant, la nouvelle exposition de la Fondation GoodPlanet, dans laquelle l’artiste plasticienne expose son œuvre : 2 Carpothèques avec 140 fioles de borosilicate remplies de graines alimentaires classiques et carbonisées.

Diplômée en 2013 de l’école des arts décoratifs à Strasbourg (Haute Ecole des Arts du Rhin), Jade Tang a ensuite suivi un programme expérimental en art politique à Sciences Po’ Paris pendant un an, en grande partie axé sur l’environnement. L’artiste  plasticienne a développé  sa  pratique  entre  recherches  de  terrain  et  productions  plastiques et s’est  intéressée à la place du végétal qu’il soit vivant ou rescapé de siècles passés.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus de création de la carpothèque ainsi que sur le travail des graines ?

La carpothèque est une œuvre qui émane des fouilles d’archéologie préventive en milieu urbain auxquelles j’ai pu assister.. Auparavant, je travaillais sur des chantiers de particuliers. Ce qui est intéressant sur les chantiers c’est que c’est un espace-temps, où à la fois on révèle les strates du passé mais en se projetant dans un projet futur. Le chantier permet de voir le changement d’état et la transition. Venant du milieu de la sculpture c’était un milieu qui m’intéressait.

J’ai décidé d’aller dans un milieu urbain avec de l’archéologie préventive pour avoir un plus grand espace qu’une maison et plonger dans des strates plus anciennes. Dans un chantier d’archéologie préventive on peut parfois arriver dans des périodes romaines, alors que sur les chantiers d’une maison il est difficile d’aller au-delà des années 1920.

Lorsque que j’étais en résidence à Strasbourg, il y avait 3 fouilles, avec comme point commun les arbres et ça m’a intéressé. Pour certaines fouilles, il n’y avait pas d’arbres, et c’est parce qu’il n’y avait pas d’arbre qu’il y avait une fouille. Le but était de libérer l’espace pour l’emprise au sol de leur racine. Les arbres brillaient par leur absence, et cela montrait à quel point ils pouvaient être des acteurs dans la ville.

Concernant les graines, c’est en post fouille que j’ai découvert les carpologues. Leur métier est d’identifier les prélèvements de terre qui ont été pris sur un site de fouille et après plusieurs étapes)Ils identifient sous binoculaire ce qu’il reste des graines. En général ils trouvent des graines carbonisées car les graines sèches que l’on connait sont des corps organiques qui ne résistent pas dans le temps et quise décomposent.. La base de données des carpologues  est principalement composée de graines sèches classiques et est basée sur la reconnaissance visuelle car il n’y a pas d’analyse biologique ou de prélèvement.  C’est pour ça que cela m’a donné envie de faire cette œuvre-outil à l’usage des carpologues un peu « bi-gout » entre la partie sèche et carbonisée.

 

Comment avez-vous travaillé avec les carpologues ?

Je passe du temps sur le terrain, dans les fouilles et aussi en post fouille et dans les laboratoires. Je discute beaucoup avec les carpologues. Les carpologues, qui sont souvent des femmes, sont peu nombreuses donc elles se connaissent toutes. La première que j’ai rencontrée m’a ensuite mise en contact avec une unité de recherche du CNRS du Muséum national d’histoire naturelle, et j’ai rencontré 2 autres carpologues.

 

 

A travers cette œuvre, quel est le message que vous voulez faire passer, quelle est votre relation avec le vivant ?

La carpothèque est issue du projet « Caresser l’Histoire » et dans ce projet il y a l’envie de montrer  et de placer au cœur du projet les savoirs scientifiques et historiques des archéologues et de pouvoir les mettre en avant à travers les pièces. Chaque pièce vient mettre en avant une thématique, un aspect du projet, une connaissance que je trouve intéressante à questionner. La carpothèque c’est évidemment en lien avec les enjeux de l’agriculture et l’alimentation durable. Le travail des carpologues c’est souvent de comprendre comment on cultivait, on transformait en farine etc.Il y a un lien évident avec la thématique de l’alimentation. Les carpologues travaillent aussi sur tout les usages des végétaux par les humains, par exemple, la médecine, les rituels….

L’avantage d’un artiste c’est qu’il peut parler de tout ça et qu’il a la possibilité de travailler sur n’importe quel format. Au sein du projet il y a des rencontres, des diners, des formats qui laissent place à la parole.

Avant je travaillais beaucoup sur les chantiers donc il y avait une dimension plus sociologique mais depuis que j’ai commencé à travailler sur les chantiers archéologiques en milieu urbain, j’ai fait un focus  sur le végétal. A mon avis, ces personnes du passé avaient plein de savoirs faire autrefois qui étaient forcément moins énergivores et qui peuvent donc être source d’inspiration aujourd’hui. En commençant par faire avec du local..

 

Pour terminer, avez-vous un projet artistique futur ? A-t-il un lien avec l’environnement et le vivant ?

Dans le projet « caresser l’histoire » il y a un projet qui met en avant le processus d’enfouir des cotons dans de la terre, c’est une sorte d’activité de sensibilisation auprès des agriculteurs pour leur montrer qu’il y a du patrimoine vivant dans leur parcelles. J’ai décidé de reprendre le processus pour en faire des pièces avec plusieurs types de tissus naturels dans différents environnements (jardin, champs, potager…). Le projet s’appelle « Sonder le sol », c’est une lecture de la terre mais à travers le tissu, une histoire qui raconte ce qui y habite.

 

Propos recueillis par Luna Camilleri

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