Paris (AFP) – Elle est robuste, a vu passer révolutions et tempêtes, mais la forêt française est aujourd’hui face au défi inédit du changement climatique, qui va plus vite que la capacité des arbres à se renouveler et change son visage.
Une forêt qui s’étend mais souffre.
La forêt française est extrêmement diverse, tropicale ou tempérée, littorale, de plaine ou de montagne, et couvre près de 26 millions d’hectares.
En France métropolitaine, la forêt représente 17,1 millions d’hectares, soit 31% du territoire: elle continue de grandir mais a vu sa mortalité augmenter de 54% ces dix dernières années, selon l’Institut national de l’information géographique et forestière.
La forêt est victime de la sécheresse et d’attaques virulentes d’insectes xylophages comme les scolytes dans les massifs d’épicéas du Grand Est. Elle est aussi plus vulnérable aux incendies.
La France se situe au 4e rang des Etats européens les plus boisés, derrière la Suède, la Finlande et l’Espagne. Elle compte le 3e stock de bois européen derrière l’Allemagne et la Suède, avec un volume de bois sur pied d’environ 2,8 milliards de m3, selon l’Office national des forêts (ONF).
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Elle est la plus diversifiée, avec 190 essences d’arbres, dont plus de 65% de feuillus (majoritairement du chêne) et le reste de résineux (pins, épicéas).
Tous les arbres souffrent. Les plus touchés sont l’épicéa, mangé par les scolytes; le hêtre et le frêne, qui dépérissent faute d’eau; et le pin sylvestre.
Cette forêt est détenue à 75% par 3,4 millions de propriétaires privés, les 25% de forêt publique étant gérés par l’ONF.
Le choc en Outre-mer aussi
Les départements d’Outre-mer comptent 8,7 millions d’hectares de forêt, essentiellement situés en Guyane où la forêt tropicale humide – publique – constitue la plus grande réserve de biodiversité française.
Son renouvellement est amené à ralentir face à la baisse des précipitations, qui accélèrera l’évolution de certaines zones en forêt tropicale sèche.
D’ici la fin du siècle, elle sera aussi menacée par la montée des eaux dans certaines zones littorales, affectant notamment les mangroves.
Un puits de carbone en péril ?
Les forêts, deuxième puits de carbone après les océans, atténuent le changement climatique.
Comment? Lors de la photosynthèse, l’arbre capture du carbone gazeux (CO2) présent dans l’atmosphère grâce aux stomates, des pores situés à la surface des feuilles.
L’énergie solaire, le CO2 et l’eau captée par l’arbre vont permettre de fabriquer du glucose et de l’oxygène, relâché dans l’atmosphère.
En résumé, il stocke comme il respire. C’est son épuisement qui est à l’origine du ralentissement de sa capacité de séquestration. Le relâchement du carbone est brutal en cas d’incendie, la combustion libérant immédiatement le stock, et plus progressif en cas de dépérissement.
Selon le rapport « Objectif forêt » du Conseil spécialisé en gestion durable des forêts publié mercredi par le gouvernement, la capacité d’absorption des gaz à effet de serre du puits forestier a été « divisée par deux depuis 2010 », passant de 58 à 30 millions de tonnes équivalent CO2 du fait des effets du changement climatique.
Le Citepa, organisme mandaté pour réaliser l’inventaire français des émissions, a constaté entre 2019 et 2022 une baisse moyenne du stockage « de 2,1% par an ». Une tendance qui va s’accélérer avec une trajectoire de réduction de -4% par an entre 2029 et 2033, selon une anticipation de la Stratégie nationale bas carbone.
La forêt est donc toujours un puits net de carbone mais qui fonctionne moins bien. Un tiers de sa surface est déjà considéré en « inconfort climatique » et la « sensibilité au feu » concernera la moitié du territoire en 2050, selon l’ONF.
Tout un écosystème à protéger
La forêt rend de nombreux services: elle abrite 80% de la biodiversité terrestre, filtre l’air et l’eau, stocke le carbone, atténue l’érosion des sols, donne du bois pour la construction, l’industrie du papier et le chauffage.
L’ONF estime que « d’ici 50 ans, la moitié de la forêt française pourrait avoir changé de visage ». Ses mécanismes d’adaptation naturelle « sont en moyenne 10 fois trop lents au regard de la rapidité prévisible d’évolution du climat »: on ne peut donc plus compter sur la régénération naturelle, qui permet aujourd’hui près de 80% des peuplements en forêt publique.
Les plantations vont donc augmenter, en privilégiant « la diversification des essences »: en assistant les « migrations » d’arbres plus adaptés à un climat sec, du sud vers le nord (comme le chêne pubescent ou le pin maritime), et en important des espèces, comme le cèdre de l’Atlas.
© AFP
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