Un message de paix pour se réconcilier avec la nature

discours paux jane goodall

Matthieu Ricard, Sofia Deriche, Charlotte Jacq et Yann Arthus-Bertrand; @Jane Goodall Institute France

À l’occasion de la Journée Internationale de la Paix de l’ONU (le 21 septembre), nous publions le discours de Sofia Deriche, gagnante du concours d’éloquence pour une paix durable, édition 2023/2023 organisé par le Jane Goodall Institute France . C’est un vibrant appel à réconcilier l’humain avec la nature et avec soi-même. Un discours à regarder ou à lire. Le thème du concours était « Si nous éliminons le sauvage, nous tuons une partie de nos âmes », une citation de Jane Goodall.

 

Vous rappelez-vous les jours où nous rêvions du monde d’après ?
À la frontière de nos fenêtres, nous nous prenions à philosopher
Nous nous émerveillions de voir des animaux s’aventurer
Au-delà de l’espace que nous leur avons assigné
Et nous nous réjouissions ! Que la nature reprenne ses droits
Mais sitôt nos portes ouvertes, qu’en avons-nous fait ?

Quand bien même le décrie-t-on, le dénonce-t-on, le condamne-t-on
Le pouvoir nous éprouve
Dès lors qu’on le tient
Entre les mains
Nous serrons les poings

Nous consentons à y boire
Et nous plaisons à croire
Aux fictions que nous créons
Invoquant la culture ou la tradition
En lieu et place de la raison

La différence est prétexte à la discrimination
Et la couleur, le sexe, ou l’espèce n’en sont que la variation

« Vous reconnecter à la nature », c’est ce à quoi vous invite une récente publicité promouvant la chasse
« Vous reconnecter à la nature », fusil en main, en ôtant la vie, au cerf qui croisera votre chemin
Ou par mégarde, à un être humain
Devant votre écran
Peut-être avez-vous… soupiré
Peut-être avez-vous vainement protesté !
Ou peut-être avez-vous ri !
Il est des jours où le rire prend le relais de la colère
Pour supporter de ce monde l’absurdité, la misère

Mais vous
Vous qui vous rendez
Tout au mystère d’une forêt
Sans arme et sans carnier
Que voyez-vous ?
À cet instant, précis, précieux, où l’animal croise vos yeux ?
À cet instant, comme en suspens dans le temps, que menace de briser le moindre mouvement
Un bruit, et l’animal s’enfuit
Mais vous, de cette rencontre, vous vous sentez grandi

Ce sont vos yeux, que vous avez vus dans les siens
Et vous ne vous êtes jamais senti plus humain
Car l’animal nous renvoie à notre humanité
Humains que nous sommes, ou que nous ne sommes pas assez

Et pour notre défense nous ne pouvons
Plaider l’ignorance car nous savons

Que l’élevage ronge l’Amazonie
Qu’à perte de vue, des palmiers à huile dévorent, et la faune et la flore, au Brésil, en Malaisie, en Indonésie
Et que non loin, sur nos rivages, s’échouent victimes, de nos filets, les corps blessés de cétacés

Nous avons tôt fait d’oublier

Cet orang-outan qui défend son arbre, impuissant
Cet ours blanc, pris au piège de sa banquise qui fond
Et ces animaux sauvages dont la vie ne vaut, que le prix, qu’en retirent leurs bourreaux
Rien que pour leurs cornes
Rien que pour leur ivoire
Rien que pour un cliché
De vacances d’été
Et rien que pour le plaisir
Des princes d’Arabie
Et d’autres monarchies
Font fi de la loi
Et chassent l’outarde
Et la gazelle d’Algérie
Combien d’autres encore
Rien que pour le prestige
Condamnés à la mort
Pour n’être que des trophées
Comme autant de témoins
De ce que n’est pas
Notre humanité

« Se préoccuper de l’Homme – dit Claude Lévi-Strauss – sans se préoccuper (…) de façon solidaire, de toutes les autres manifestations de la vie, c’est (…) conduire l’humanité à s’opprimer elle-même »

Sur votre chemin vers un dessein toujours plus grand
Si vous vous sentez faiblir

Regardez vers la Norvège
Sur le rivage d’une mer, Freya repose éternellement
Regardez vers le Kenya
Jour et nuit, des gardes veillent, sur Fatu et sur Najin, les deux derniers rhinocéros blancs
Regardez vers le Congo
De l’espoir, le temps n’a guère raison, et l’on attend toujours, Hussein, Cézar et Monga !

Et si vous vous pensez seul
Si vous vous pensez près de renoncer

Écoutez
Des humains se font l’écho du vivant, de la terre, de l’air, de l’océan profond
Écoutez
De toute part, en France, en Ouganda, en Tanzanie, des voix se rejoignent pour dire non !

Et lorsque la nuit se dissipe enfin
Vous parvient ce serment
Qu’emporte et sème le vent :
« Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend »

Au nom de notre humanité
Cultivons l’espoir !
Au nom de tous les lendemains, à l’aube desquels, nous pouvons, écrire le monde d’après

Discours de Sofia Deriche, gagnante du concours d’éloquence pour une paix durable, édition 2023/2023 organisé par le Jane Goodall Institute France 
« Si nous éliminons le sauvage, nous tuons une partie de nos âmes », JANE GOODALL – Discours de Sofia Deriche

[Article édité le 21 septembre 2023 afin de respecter la mise en forme de l »auteure]

Pour aller plus loin

Le site InInternet du Jane Goodall Institute France. La seconde édition du concours d’éloquence pour la paix durable est lancée ce jeudi 21 septembre 2023. Toutes les informations sur cette page  si vous voulez y participer ou le suivre.

La Fondation GoodPlanet propose aussi des programmes destinés aux jeunes
Résonances, un parcours créatif qui invite les 15-25 ans à s’exprimer sur le monde de demain à travers un concours créatif, un cycle d’ateliers en ligne et un Festival dédié à l’engagement de la jeunesse (lancement du concours le 16 octobre)
Les Rencontres CAP 2030, évènements de sensibilisation organisés partout en France
Cap Eco-délégués, un programme de sensibilisation des élèves de collèges et lycées

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