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Marche à pied au quotidien, la France peut mieux faire

marcher en ville marche piétons marcheurs © Yann Arthus-Bertrand

Jardin du Luxembourg, 6th arrondissement, Paris, France (48°51’ N, 2°21’ E)

Tout le monde est amené à se déplacer en marchant. Même si la marche à pied semble une évidence, elle demeure le plus ancien et le plus courant des modes de locomotion de l’espèce humaine, les moyens de le faire quotidiennement dans de bonnes conditions en France en 2023 semblent encore loin d’être réunis. Du moins, si on en croit la seconde édition du baromètre des villes et villages maréchales.

Selon ce questionnaire auquel 42 468 personnes ont répondu entre novembre 2022 et mars 2023, les Français estiment que leur ville est moyennement favorable à la marche. Les citoyens ont ainsi pu évaluer la marche au sein de leur commune. Plus de 4600 communes ont fait l’objet d’au moins une évaluation, cependant seulement 236 villes ont pu être classées car ayant reçues assez de réponses.  Vincent Chas de l’association Rues de l’Avenir, membre du collectif « Place aux piétons » explique qu’il existe actuellement peu d’études sur le ressenti des piétons dans notre pays. Il rappelle lors de la présentation du baromètre mi-septembre que « les piétons marchent tous les jours, mais s’expriment peu » et que « ce type de déplacement fait partie du quotidien de nombreuses personnes en France. ». Le baromètre a été élaboré à partir d’un questionnaire en ligne. L’objectif d’une telle approche est « de développer ce mode de déplacement tous territoires confondus et de donner plus de commodités aux piétons » en fonction des remontées de terrain.

« Ce baromètre est issu d’une réflexion des piétons et des collectivités après le confinement. On a alors vu une explosion des mobilités individuelles et l’encombrement des trottoirs. Cela a entraîné des conflits d’usage, ce qui  pose la question du partage de l’espace. Les piétons se sont dit qu’il y avait une place pour la marche à défendre », raconte Françoise Rossignol, maire (PS) de Dainville (62) et présidente du Club des villes et territoires cyclables et marchables, association membre du collectif « Place aux piétons ». Elle rappelle que les mobilités actives doivent se compléter et non pas s’opposer pour rendre les villes agréables à vivre. Elle souligne également que le monde de la marche est pour le moment moins bien organisé et représenté que celui du vélo.

Et les villes les plus favorables aux piétons sont …

Grâce à cette enquête qui attribue une note sur 20 aux communes, le collectif « Place aux piétons » a pu établir un classement des villes jugées les plus favorables aux déplacements pédestres. Il s’agit de Acigné (35), Coudekerque-Branche (59), Dainville (62), Jacou (34), Magny-les-Hameaux (78), Quétigny (21), Vincennes (94). Ces 7 localités obtiennent tous la note de A soit un score supérieur à 13.2 sur 20. En plus de ces dernières, 74 autres communes reçoivent une note supérieure à 10 (elles sont notées B ou C c’est-à-dire favorables ou plutôt favorables aux piétons). Il est à noter que Rennes, Strasbourg et Nantes sont les métropoles de plus de 200 000 habitants les mieux classées, mais leurs scores respectifs dépassent à peine la moyenne de 10 sur 20.  C’est également le cas des villes de 50 000 à 200 000 habitants, à l’exception notable de Vincennes déjà citée plus haut pour son score de A. Ainsi, Le Havre, Dijon, Besançon, Versailles et Asnières-sur-Seine se hissent sur le podium avec une note de C. Les moindres performances des grandes villes peuvent s’expliquer par les distances plus longues en leur sein.

La marche, une activité répandue, malgré un environnement jugé peu propice aux piétons

Deux tiers des Français (66 %) déclarent marcher tous les jours. Ils le font pour des raisons variées. La mobilité pédestre reste avant tout utilitaire sur de petits trajets puisque 4 Français sur 5 disent se déplacer ainsi pour faire leurs courses et autres activités quotidiennes, comme rendre des visites à des proches. 1 sur 2 (52 %) pratique la marche pour se balader ou visiter des lieux (tourisme) et 48 % pour faire de l’exercice physique et entretenir leur santé.

Néanmoins, derrière ces chiffres, la marche reflète aussi la réalité plus complexe des inégalités sociales dans la mobilité.  Vincent Chas affirme : « le baromètre a mis en évidence deux grandes familles de piétons. Les piétons qui subissent et ceux qui pratiquent la marche comme un plaisir. » La marche est vécue comme une contrainte par « les femmes, les personnes à mobilité réduite, dont les personnes âgées, les personnes avec des enfants en bas âge et les personnes les moins avantagées socialement ». Tandis que se déplacer à pied est perçu davantage comme un plaisir pour « les hommes, les personnes dans la force de l’âge et celles sans difficulté de mobilité. »

Que se déplacer à pied soit un choix ou non, les répondants expriment de nombreuses attentes pour améliorer leur situation.  Ils déplorent notamment le manque de confort, de place et de sécurité. Les deux tiers des répondants « se plaignent des empiètements (terrasses, étalages…) et des obstacles (poubelles, poteaux, voitures garées…) sur les trottoirs et espaces destinés aux piétons. ».

Pour favoriser la marche, il ne suffit pas d’avoir des trottoirs.  7 Français sur 10 à pointer un manque « d’aménagements assurant le confort des piétons (toilettes, bancs de repos, abris, distributeurs d’eau potable, lieux de sociabilité, placettes…) ». Ce résultat devrait d’ailleurs nous interpeller sur l’aménagement de l’espace public.

Françoise Rossignol analyse : « il y a une insistance à la fois sur la sécurité et l’agrément ». Elle estime nécessaire de rendre la marche agréable, car elle contribue à la vie sociale des villes. Elle rajoute que : « les personnes âgées, à mobilité réduite et les enfants sont certainement les plus à même de nous dire si nos villes sont marchables ». Leur prise en considération s’avère un critère pour jauger de la qualité (confort, accessibilité, sécurité…) des infrastructures dédiées aux piétons, ce qui au final profite à tout le monde. Selon le baromètre, « 75% des personnes à mobilité réduite trouvent que les espaces destinés aux piétons sont insuffisamment larges, que leurs surfaces sont inadaptées et qu’ils ne facilitent pas les déplacements ».

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Les sondés regrettent en effet que les piétons ne soient pas pris en compte. Une majorité pense ainsi que se déplacer à pied est dangereux. Ils sont ainsi, par exemple, 61 % à penser « que se déplacer à pied est dangereux pour les enfants (à pied et non accompagnés), en âge de se rendre à l’école, au collège, … et également au lycée ou à leurs activités. » Le sentiment d’insécurité ressenti par les piétons, et a fortiori si ceux-ci sont « vulnérables », devrait questionner sur la manière dont les villes sont organisées, la place (et de facto la dépendance) à la voiture, la cohabitation entre les mobilités douces et la capacité des uns et des autres à s’approprier à la fois la marche et l’espace public.

Face à ce constat, le baromètre des villes et villages marchables remonte quelques préconisations. Sécuriser et dégager des trottoirs plus larges est la mesure qui recueille le plus les suffrages des répondants (42 %). Un tiers (34 %) demandent à ce que les trottoirs soient réservés aux déplacements à pied tandis qu’un quart (24 %) demandent à « modérer la vitesse des véhicules motorisés dans les lieux fréquentés par les piétons », sans doute à la fois pour améliorer la sécurité et réduire les nuisances notamment sonores.

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Le baromètre dont c’est la seconde édition devrait revenir tous les deux ans afin de voir si la satisfaction des piétons augmente et quelles sont leurs attentes. Une des remontées fortes de l’enquête de cette année était sur la difficulté de rejoindre une ville à l’autre en marchant. « Il faut continuer à promouvoir la marche et faire comprendre que les itinéraires piétons sont différents de ceux des voitures et des vélos », juge Florence Rossignol. « On s’aperçoit de plus en plus que des itinéraires de loisir et des itinéraires du quotidien se recoupent. Pratiquer la marche pour la santé ou le loisir peut être un facteur déclencheur du changement des habitudes de déplacement au quotidien pour aller vers des mobilités plus actives comme la marche ou le vélo ».

Julien Leprovost

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Pour aller plus loin

Le site du collectif Place aux piétons

Le Baromètre des villes et des villages marchables 2023

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