Au Yémen, les tortues manquent de mâles à cause du réchauffement climatique

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Une tortue arrive pour nicher sur une plage de la province de Mahra au Yémen, près de la frontière avec le sultanat d'Oman, le 10 juin 2023 © AFP -

Al-Ghayda (Yémen) (AFP) – La nuit tombée, une tortue sort de l’eau et profite du calme pour se hisser sur une plage de sable blanc du sud du Yémen et pondre ses oeufs, dont la plupart seront probablement des femelles à cause du réchauffement climatique.

« Ces dernières années, la plupart des bébés tortues sont des femelles en raison du changement de températures », raconte Hafez Kelshat, un habitant engagé bénévolement dans la protection des tortues marines à Al-Ghayda, chef-lieu de la province d’Al-Mahra (sud-est).

Quand les températures baissent à l’approche de l’hiver, « on a plus de mâles », mais le réchauffement climatique et l’allongement des périodes de fortes chaleurs accentuent chaque année leur raréfaction, explique le jeune homme, installé sur le sable, en chemise bleue et turban sur la tête.

« Le nombre de mâles est faible après avoir considérablement diminué », insiste-t-il, affirmant que « la plupart d’entre eux meurent sur les plages ».

Le sexe des tortues est déterminé par les températures pendant la période d’incubation des oeufs, les mâles se développant dans un environnement plus froid que les femelles.

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Plusieurs études ont révélé ces dernières années que, en raison du réchauffement climatique, les mâles venaient à manquer dans plusieurs régions du monde, des côtes de la Floride à la Grande barrière de corail en Australie.

En 2018, des chercheurs américains avaient observé que la plupart des 200.000 tortues vertes du nord de la Grande barrière étaient des femelles, ce qui pourrait menacer cette population parmi les plus importantes au monde.

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Situé entre la mer Rouge et l’océan Indien, au sud de l’Arabie saoudite, le Yémen abrite une faune et flore riches et diverses. Mais le pays le plus pauvre de la péninsule arabique est largement isolé du reste du monde depuis le déclenchement de la guerre en 2014, avec la prise de la capitale Sanaa par les rebelles Houthis.

Ces derniers, soutenus par l’Iran, combattent les forces du gouvernement, appuyées elles par l’Arabie saoudite, dans un conflit qui a fait des centaines de milliers de morts, des millions de déplacés, et provoqué l’une des pires crises humanitaires au monde.

Les défenseurs de l’environnement au Yémen essaient de donner de la voix pour éviter une autre catastrophe, cette fois-ci écologique, dans ce pays de 30 millions d’habitants.

« Des études menées dans plusieurs régions côtières ont montré que la proportion des femelles par rapport aux mâles dépasse les 90% », alerte Jamal Baouazir, directeur du département de la biodiversité à l’université d’Aden, grande ville du sud où le gouvernement a établi sa capitale provisoire.

D’après ce spécialiste, la baisse des oeufs contenant des mâles va continuer jusqu’à aboutir « dans les années à venir » à leur « extinction », et donc à celle des tortues marines au Yémen.

 « Occupés par la guerre »

Appelant les autorités à agir, le chercheur propose notamment de créer « une équipe technique spécialisée pour surveiller les tortues dans les lieux de nidification et placer les œufs dans des incubateurs appropriés » pour permettre une production plus importante de mâles.

Des experts internationaux suggèrent aussi d’installer des sortes de parasols sur des plages où se trouvent d’importantes pouponnières pour réduire la température des nids.

« Les circonstances actuelles, bien sûr, rendent difficile la réalisation de telles opérations », reconnaît le chercheur.

De leur côté, les autorités yéménites rappellent que la Constitution elle-même impose le devoir de protéger l’environnement.

« Les autorités ont travaillé sur divers plans, notamment des créations de plusieurs réserves », assure Naïf Ali ben Mossaad, sous-secrétaire au sein du ministère de l’Eau et de l’Environnement.

Mais selon le responsable, les financements manquent dans ce pays où plus des trois quarts de la population dépendent d’une aide internationale qui ne cesse de diminuer.

Quant aux dirigeants, trop « occupés par la guerre contre les Houthis et les groupes terroristes », dit-il, ils « n’assument pas leurs responsabilités » en matière de protection de l’environnement.

© AFP

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