Bruxelles (AFP) – Les Vingt-Sept se prononcent vendredi sur la proposition de Bruxelles de reconduire pour dix ans l’autorisation du glyphosate dans l’UE, sur fond de divergences concernant le sort de l’herbicide controversé.
La Commission européenne a proposé en septembre de renouveler son feu vert jusqu’à décembre 2033, sous conditions, après le rapport d’un régulateur européen estimant que le niveau de risque ne justifiait pas d’interdire la substance.
Cette proposition est discutée depuis jeudi dans le cadre d’un comité technique réunissant des représentants des Etats membres, qui votent vendredi pour l’approuver ou non.
« De nombreux Etats membres ont salué la proposition » et si certains pays ont « préconisé des restrictions supplémentaires spécifiques », cette idée n’est pas soutenue par « une grande majorité », a assuré la semaine dernière la commissaire à la Santé, Stella Kyriakides.
Pour autant, les divergences affichées par les Européens pourraient compliquer l’obtention de la majorité qualifiée requise — soit 15 Etats sur 27, représentant au moins 65% de la population européenne.
L’Autriche a annoncé s’opposer à la reconduction de l’autorisation et le Luxembourg avait signalé fin septembre son intention de voter contre après avoir déjà momentanément banni la commercialisation du glyphosate sur son territoire.
La Belgique va s’abstenir, en raison de divergences dans sa coalition gouvernementale, a indiqué à l’AFP le ministère de l’Agriculture. Abstention aussi des Pays-Bas, qui jugent qu' »un vote pour ou contre ne rendrait pas justice » à leur « position nuancée », selon le ministre de l’Agriculture sortant Piet Adema.
Enfin, conséquence des divisions de la coalition au pouvoir à Berlin, « l’Allemagne n’acceptera pas une prolongation de l’autorisation », a indiqué jeudi une porte-parole du ministère allemand de l’Agriculture.
Une incertitude demeure sur l’attitude de la France, première puissance agricole de l’UE, mais dans ce contexte elle pourrait s’avérer décisive.
Jugeant insatisfaisante la proposition de Bruxelles, Paris a dit vouloir peser pour en modifier les termes.
Ainsi, la France s’oppose à « toute interdiction sans solution » pour les agriculteurs, mais prône une approche selon laquelle le glyphosate est restreint aux seuls usages pour lesquels il n’existe aucune option alternative viable, démarche qu’il entend « harmoniser au niveau européen », selon le ministère de l’Agriculture.
Le glyphosate, substance active de plusieurs herbicides — dont le Roundup de Monsanto, très largement utilisé dans le monde — avait été classé en 2015 comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé. Des conclusions confirmées en 2021 en France par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
A l’inverse, en juillet, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a indiqué ne pas avoir identifié de « domaine de préoccupation critique » chez les humains, les animaux et l’environnement susceptible d’empêcher l’autorisation de l’herbicide.
Elle a seulement relevé « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié des usages proposés et reconnu qu’un manque de données empêchait toute analyse définitive.
Pour en tenir compte, Bruxelles propose quelques garde-fous, notamment avec l’établissement « par défaut » de « bandes-tampons » de cinq à dix mètres et des équipements réduisant drastiquement les « dérives de pulvérisation », tandis que l’usage pour la dessiccation (épandage pour sécher une culture avant récolte) serait interdit.
Si la substance active est approuvée au niveau de l’UE, chaque Etat reste chargé d’autoriser les produits contenant du glyphosate, en fixant les règles d’utilisation selon les cultures, conditions climatiques et spécificités géographiques.
Bruxelles leur demande d’évaluer les effets potentiels sur l’environnement et la biodiversité, les « co-formulants » (composants des herbicides) et l’exposition des consommateurs aux « résidus », tout en veillant à la protection des eaux souterraines ou de surface: les Etats pourraient ainsi restreindre l’usage du glyphosate, mais seulement dans le cadre des critères fixés par l’UE.
L’autorisation actuelle du glyphosate dans l’UE, renouvelée en 2017 pour cinq ans puis étendue d’une année supplémentaire, expire le 15 décembre.
Si aucune majorité qualifiée en faveur du texte se dégage vendredi, un autre vote interviendra courant novembre. S’il n’y a toujours pas de majorité suffisante pour soutenir la proposition, la Commission pourra alors décider seule de prolonger l’autorisation — seule une majorité qualifiée d’Etats opposés au texte pouvant permettre de le bloquer.
© AFP
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