Cotonou (AFP) – Le long du littoral béninois, les vagues grignotent inlassablement les terres. Le pays a consacré ces dernières années des milliards de francs CFA pour sécuriser les populations vulnérables, mais la bataille reste en faveur des eaux.
« La mer avance sérieusement. Il faut faire des dragages ou alors la bloquer sinon elle avancera toujours. J’ai vu combien de fois elle a envahi le quartier », explique, en colère, Doris Alapini en arpentant la longue plage sablonneuse de Cotonou.
Elle vit depuis 27 ans dans le quartier JAK, un des plus anciens et des plus chics de la capitale économique du Bénin. Elle y a même érigé l’un des plus grands restaurants, aujourd’hui très abimé par l’avancée de la mer.
Chaque année, les eaux débordent dans cette localité sous les yeux des habitants impuissants. La ville ne compte plus le nombre d’habitants emportés dans leur sommeil par la mer ou réveillés la nuit par les vagues au milieu de leurs terrains.
Depuis 2002, le Bénin a perdu des kilomètres de côte, reconnait Esquill Outiclissou, cadre de la direction générale de l’environnement et du climat. « L’Etat n’est pas non plus resté les bras croisés, il a érigé des ouvrages de protection et des épis », défend-t-il.
Selon lui, près de cent milliards de franc CFA ont été injectés pour la protection des côtes béninoises ces dernières années et ont permis de freiner l’avancée de la mer.
L’Afrique se retrouve souvent en première ligne face au changement climatique, bien que le continent contribue le moins aux émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial.
Le Bénin et ses voisins du littoral ouest-africain, le Togo et le Ghana, tout comme les îles du Pacifique et les villes côtières d’Asie du Sud, sont menacés par la montée des eaux.
L’érosion côtière sera l’un des sujets abordés lors de la COP28 à Dubaï en décembre.
« La mer avance et détruit »
Raymond Mekpé, pêcheur de 40 ans né à Cotonou, ne croit plus en l’intervention des pouvoirs publics et a ses propres indicateurs pour illustrer l’avancée de la mer.
« Les habitations de mes grands-parents et mes parents se trouvaient à cet emplacement », montre-t-il, pointant du doigt depuis le large un emplacement dans la mer. « Nous jouions quelque part là-bas dans notre enfance », enchaîne-t-il en indiquant un autre point sur lequel une grosse vague vient s’éclater.
Le Bénin perd chaque année trente mètres de sa côte, selon l’océanographe Cossi Georges Dêgbé. « Si rien n’est fait, d’ici quelques années nous allons perdre la route inter-états Cotonou Porto-Novo », prévient-il. « Quand nous mettons les ouvrages de protection, à un endroit donné, nous ne faisons que déplacer le phénomène », soutient-il.
Pour Esquill Outiclissou, le gouvernement doit riposter segment par segment, mais « les segments encore vulnérables sont en étude et seront traités en temps opportun ». Treize ouvrages ont été réalisés à l’est de Cotonou en partant de la lagune côtière, explique-t-il. Depuis, les vagues d’érosion se sont affaiblies, selon lui.
Sous l’effet du changement climatique, les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient, « avec des vagues très hautes qui viennent se déverser sur nos côtes », précise l’océanographe Cossi Georges Dêgbé.
Approche régionale
« Les efforts faits ne sont pas suffisants et les populations n’ont pas encore pris conscience de l’importance du phénomène pour les années à venir », analyse Alain Tossounon, président du réseau des acteurs des médias pour l’eau, l’environnement et le climat.
Mais le Bénin n’est pas le seul pays concerné. Il s’agit d’un phénomène régional qui s’observe tout le long des côtes ouest-africaines, conviennent-ils tous. Pour Tossounon, « il faut envisager une approche régionale pour freiner l’avancée des vagues ».
L’océanographe propose aux pays d’agir de manière concertée. Il cite en exemple le cas du Bénin et du Togo qui ont fini par accorder leurs violons dans le cadre d’un programme sous-régional pour l’érection d’ouvrages. Un épi de protection de 18 kilomètres au Togo et 24 kilomètres au Bénin a permis de freiner les vagues au niveau des villages de pêcheurs de Hillacondji et Aneho.
© AFP
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