Houston (États-Unis) (AFP) – Des manuels scolaires écartés, des livrets climatosceptiques envoyés aux profs… Au Texas comme dans d’autres Etats américains, des conservateurs tentent d’infléchir l’enseignement du changement climatique dans les classes, énième terrain des batailles culturelles qui fracturent les Etats-Unis.
La semaine passée, le Conseil texan de l’éducation a voté pour exclure des manuels de sciences en raison d’une approche jugée trop « partiale » du changement climatique par les élus conservateurs, qui refusent que ces questions fassent « peur » aux élèves.
Les informations de certains manuels scolaires « étaient présentées d’une manière qui apprend à nos futurs scientifiques que les humains ont un impact négatif sur leur environnement », s’indigne auprès de l’AFP Evelyn Brooks, élue républicaine du Conseil.
« C’est cette stratégie de la peur avec laquelle j’ai un problème », dit-elle pour expliquer son vote, balayant d’un revers de la main le consensus scientifique international sur le lien de causalité entre les émissions humaines de CO2, le changement climatique et ses conséquences dévastatrices pour la planète.
Tout ceci « est un mensonge éhonté », assure-t-elle au téléphone, à quelques jours des négociations mondiales sur le climat à la COP28 à Dubaï.
Certains des manuels pour collégiens « ne présentent qu’un côté des choses, ça ne montre pas aux élèves la position des deux côtés », dit encore Evelyn Brooks. « Notre approche doit être fondée sur une science solide, pas sur l’idéologie politique. »
« Perpétuer le problème »
Le manuel de l’éditeur Green Ninja a ainsi été rejeté parce qu’il « inclut le changement climatique », confirme à l’AFP son directeur, Eugene Cordero. Une élue du Conseil, dit-il, a par exemple critiqué l’exercice suivant proposé aux élèves: « Ecrivez une histoire pour prévenir vos amis et votre famille de possibles épisodes météorologiques et climatiques extrêmes. »
Les manuels de huit éditeurs sur 22, dont Green Ninja, ont été évincés par le Conseil de l’éducation (qui compte dix républicains et cinq démocrates), selon le décompte du NCSE, une ONG qui défend l’enseignement du changement climatique.
Certains manuels ont finalement été acceptés après des atténuations d’éléments sur le climat ou sur la théorie de l’évolution, également dans le viseur face au créationnisme religieux.
Sans programmes scolaires nationaux, les Etats-Unis laissent à chaque Etat, district scolaire, voire à chaque établissement, une grande liberté d’enseignement. Mais le fait d’utiliser les livres approuvés par le Conseil texan de l’éducation facilite l’obtention de subventions.
Dans cet Etat du Sud aux 30 millions d’habitants, l’été 2023 fut le second le plus chaud jamais enregistré après 2011, provoquant des conséquences dramatiques en cascade.
« Si les enfants ne comprennent pas ce que tout cela veut dire, ils vont juste perpétuer le problème », souligne auprès de l’AFP Marisa Perez-Diaz, élue démocrate du Conseil. D’après elle et Staci Childs, autre élue démocrate, des contenus pédagogiques ont aussi été critiqués parce qu’ils « reflétaient négativement l’industrie du gaz et du pétrole ».
Deux des 10 élus républicains travaillent directement pour ce secteur, dans un Etat qui domine la production américaine d’hydrocarbures.
L’inclusion de la question climatique dans les manuels du Texas date d’une décision du même conseil en 2021, quand « un consensus pouvait être trouvé entre les partis », selon Marisa Perez-Diaz.
Aujourd’hui, dit-elle, des nouveaux républicains « bien plus conservateurs » ont « réussi à polariser les débats ».
Amélioration
Ailleurs aux Etats-Unis, l’enseignement du changement climatique est aussi un terrain de lutte d’influences, après des combats politiques sur la place du racisme ou de la sexualité dans les salles de classe.
Dans l’Oklahoma (sud), une agence publique entièrement financée par l’industrie pétrolière fait don de matériel pédagogique aux écoles – bien souvent en manque cruel de moyens – dans le but assumé de défendre les énergies fossiles.
Sur internet, une entreprise co-fondée par l’ancien gouverneur républicain de l’Arkansas (sud) Mike Huckabee propose à la vente un mensuel éducatif, dont un numéro est intitulé « La vérité sur le changement climatique ».
« Tout le monde sait que le climat de la planète change constamment et que le développement industriel a fait des dommages à l’environnement », peut-on y lire. « Mais ça ne veut pas dire que notre planète est condamnée. Des gens très intelligents n’ont pas été capables de dire ce qu’il se passera pour la planète. Donc on ne sait vraiment pas. »
Et en début d’année, le Heartland Institute, un groupe d’influence climatosceptique, a envoyé à 8.000 enseignants américains un manuel parsemé d’affirmations trompeuses concernant la science du climat, selon des vérifications de l’AFP.
Mais, tient à rappeler Glenn Branch du NCSE, « l’enseignement du changement climatique aux Etats-Unis s’améliore, globalement » avant de préciser: « C’est aussi parce qu’on part d’un niveau très bas ».
© AFP
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