Les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) d’origine fossile augmenteront de 1,1 % en 2023, les portant au niveau record de 36,8 milliards de tonnes de CO2. C’est la conclusion du 18e rapport annuel du Global Carbon Project sur l’état du budget carbone mondial, que nous avons publié aujourd’hui.
Le CO2 d’origine fossile comprend les émissions provenant de la combustion et de l’utilisation des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) et de la production de ciment. Si l’on tient également compte des émissions et des retraits de CO2 liés au changement d’affectation des terres, comme la déforestation et la reforestation, les activités humaines devraient même émettre 40,9 milliards de tonnes de CO2 en 2023.
La végétation et les océans continuent d’absorber environ la moitié de toutes les émissions de CO₂, mais le reste s’accumule dans l’atmosphère et provoque un réchauffement croissant de la planète.
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Au niveau actuel des émissions de CO2, le budget carbone restant pour avoir une probabilité de 50 % de limiter le réchauffement à 1,5 °C sera probablement dépassé dans sept ans. Pour 1,7 °C, elle le sera dans 15 ans. Il n’a jamais été aussi urgent de réduire nos émissions.
Toutes les émissions fossiles sont en hausse
Les émissions de CO2 d’origine fossile représentent aujourd’hui environ 90 % de toutes des émissions de CO2 dues aux activités humaines. Les émissions de chaque source fossile ont augmenté cette année par rapport à 2022 :
- charbon (qui représente 41 % des émissions mondiales de CO2) : en hausse de 1,1 %
- pétrole (32 %) : +1,5 %
- gaz naturel (21 %) : +0,5 %.
- le ciment (4 %) : + 0,8 %.
Bien que les émissions mondiales aient augmenté, la situation est assez différente d’un pays à l’autre : il y a quelques signes de progrès vers la décarbonisation.
- Les émissions de la Chine (31 % du total mondial) ont augmenté de 4 %, avec une croissance de toutes les énergies fossiles. La croissance relative la plus élevée a été enregistrée pour les émissions liées au pétrole. Cela s’explique en partie par la reprise du secteur des transports après les arrêts dus à la pandémie de Covid-19.
- Les émissions des États-Unis (14 % des émissions mondiales) ont diminué de 3 %. La mise hors service accélérée des centrales électriques à charbon est à l’origine de la majeure partie de cette baisse. Les émissions de charbon des États-Unis sont les plus faibles depuis 1903.
- Les émissions de l’Inde (8 % du total) ont augmenté de 8,2 %. Les émissions de toutes les énergies fossiles ont augmenté de 5 % ou plus, le charbon étant la plus importante (9,5 %). L’Inde est désormais le troisième plus grand émetteur de CO2 fossile au monde.
- Les émissions de l’Union européenne (7 % des émissions mondiales) ont diminué de 7,4 %. Cette baisse est à la fois liée à la progression des énergies renouvelables et aux conséquences de la guerre en Ukraine sur l’approvisionnement en énergie.
Au cours de la décennie 2013-2022, 26 pays ont vu leurs émissions de CO2 d’origine fossile diminuer alors que leur économie continuait de croître. La liste comprend le Brésil, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, le Portugal, la Roumanie, l’Afrique du Sud, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Le pic des émissions de CO₂ est proche
Alors que les émissions de CO2 d’origine fossile continuent d’augmenter, les émissions nettes dues au changement d’affectation des terres (telles que la déforestation), après déduction de l’effet des puits de carbone, notamment joué par les forêts, semble en baisse. Toutefois, les estimations des émissions dues au changement d’affectation des terres sont très incertaines et moins précises que celles des émissions dues aux énergies fossiles.
Selon notre estimation préliminaire, les émissions nettes dues au changement d’affectation des terres s’élèvent à 4,1 milliards de tonnes de CO2 en 2023. Ces émissions font suite à une baisse légère mais relativement incertaine au cours des deux dernières décennies.
La tendance à la baisse est liée à la diminution de la déforestation et à une légère augmentation de la reforestation. Les plus gros émetteurs sont le Brésil, l’Indonésie et la République démocratique du Congo. Ces trois pays contribuent à 55 % des émissions mondiales nettes de CO2 dues au changement d’affectation des terres.
Lorsque nous combinons toutes les émissions de CO2 provenant des activités humaines (fossiles et utilisation des sols), nous observons que les émissions totales ont très peu évolué au cours de la dernière décennie. Si cela se confirme, cela signifierait que les émissions mondiales de CO2 dues aux activités humaines n’augmentent plus, mais restent à des niveaux records très élevés.
Or, des émissions de CO2 stables, de l’ordre de 41 milliards de tonnes par an, entraîneront une accumulation rapide et continue de CO2 dans l’atmosphère et un réchauffement du climat. Pour stabiliser le climat, les émissions de CO2 provenant des activités humaines doivent atteindre le net zéro. Cela signifie que toute émission résiduelle de CO2 doit être compensée par une élimination équivalente de CO2.
La planète plus efficace que la technologie pour capturer le carbone
La végétation terrestre et les océans absorbent environ la moitié de toutes les émissions de CO2. Cette fraction est restée remarquablement stable pendant six décennies.
Outre les puits naturels de CO2, l’homme élimine également du CO2 de l’atmosphère par des activités délibérées. Nous estimons que la reforestation permanente et l’afforestation au cours de la dernière décennie ont éliminé environ 1,9 milliard de tonnes de CO2 par an.
Cela équivaut à 5 % des émissions annuelles liées aux énergies fossiles.
Les autres stratégies basées sur autre chose que la végétation n’en sont qu’à leurs balbutiements. Elles ont permis d’éliminer 0,01 million de tonnes de CO2.
Les machines de capture et de stockage du carbone dans l’air ont extrait 0,007 million de tonnes de CO2 de l’atmosphère. Les projets d’altération forcée (enhanced weathering), qui accélèrent les processus naturels d’altération grâce à l’épandage de certains minéraux qui fixent le CO2, représentent les 0,004 million de tonnes restantes. Ce chiffre est plus d’un million de fois inférieur aux émissions actuelles des combustibles fossiles.
Le budget carbone restant
À partir de janvier 2024, le budget carbone restant pour avoir 50 % de probabilité de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C a été réduit à 275 milliards de tonnes de CO2. Au niveau d’émission de 2023, ce budget sera épuisé en sept ans.
Le budget carbone pour limiter le réchauffement à 1,7 °C a été ramené à 625 milliards de tonnes de CO2, ce qui laisse 15 ans avant l’échéance au niveau des émissions en 2023. Le budget pour rester en dessous de 2 °C, enfin, est de 1 150 milliards de tonnes de CO2 – soit un délai de 28 ans au niveau actuel des émissions.
Pour atteindre le niveau zéro d’ici à 2050, les émissions totales de CO2 liées aux activités humaines doivent diminuer en moyenne de 1,5 milliard de tonnes de CO2 par an. Ce chiffre est comparable à la baisse des émissions en 2020 résultant des mesures Covid-19, soit environ 2 milliards de tonnes de CO2 en moins.
Sans émissions négatives supplémentaires pour retirer du CO2 de l’atmosphère, une ligne droite qui relierait les émissions de CO2 du niveau actuel jusqu’à l’objectif de 2050 – date à laquelle de nombreux pays aspirent à atteindre la cible de zéro émissions nettes – conduirait malgré tout à une température moyenne à la surface du globe de 1,7 °C, dépassant la limite de 1,5 °C.
La production d’énergie renouvelable a atteint un niveau record et croît rapidement. Pour limiter le changement climatique et le changement d’affectation des terres, les émissions de CO2 doivent être réduites beaucoup plus rapidement et, à terme, atteindre le niveau zéro.
Les émissions de CO₂ d’origine fossile ont atteint un nouveau record en 2023
par Pep Canadell, Chief Research Scientist, CSIRO Environment; Executive Director, Global Carbon Project, CSIRO; Corinne Le Quéré, Royal Society Research Professor of Climate Change Science, University of East Anglia; Glen Peters, Senior Researcher, Center for International Climate and Environment Research – Oslo; Judith Hauck, Helmholtz Young Investigator group leader and deputy head, Marine Biogeosciences section a Alfred Wegener Institute, Universität Bremen; Julia Pongratz, Professor of Physical Geography and Land Use Systems, Department of Geography, Ludwig Maximilian University of Munich; Philippe Ciais, Directeur de recherche au Laboratoire des science du climat et de l’environnement, Institut Pierre-Simon Laplace, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA); Pierre Friedlingstein, Chair, Mathematical Modelling of Climate, University of Exeter; Robbie Andrew, Senior Researcher, Center for International Climate and Environment Research – Oslo et Rob Jackson, Professor, Department of Earth System Science, and Chair of the Global Carbon Project, Stanford University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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