Paris (AFP) – Si les indicateurs d’impact environnemental se multiplient, cela ne se traduit pas encore sur le calcul de la performance financière des entreprises, une méthode qui rebattrait la hiérarchie des multinationales et permettrait de mieux adapter la finance à la lutte contre le dérèglement climatique.
Pour un investisseur sensible aux critères environnementaux, pas facile de se retrouver dans la myriade des indicateurs économiques, sociaux et de gouvernance (ESG) proposés par de multiples agences de notations, a constaté Vincent Auriac, président du cabinet spécialisé en finance Axylia.
« Ça veut dire quoi une note ESG de 5,2/10 alors qu’il y a des centaines de critères? Personne me ne dit +je ne veux pas investir si la note est de moins de 6/10 mais elles expriment des besoins précis, comme +ne pas investir dans les Ephad+ » ou miser sur des entreprises capables de s’adapter à la nouvelle donne climatique, explique-t-il.
En réponse, son cabinet publie tous les ans l’indice « Vérité 40 » avec une méthode simple: soustraire du bénéfice opérationnel d’une société le coût de ses émissions carbone tel qu’il devrait l’être pour le Giec, soit 127 euros la tonne en 2024.
« Un pont »
Appliqué aux 120 plus grosses entreprises françaises cotées en Bourse, le calcul bouleverse la hiérarchie: adieu Airbus, Carrefour, Saint-Gobain ou TotalEnergies, autant de société qui malgré leurs bénéfices en 2022 seraient incapables de payer leur « facture carbone ».
« Et beaucoup ne s’améliorent pas » dans les prochaines années, notamment car le prix de la tonne de carbone augmente dans le scénario du Giec, assure M. Auriac.
LVMH, Sanofi ou encore Thalès passeraient le test sans problème tandis de plus petites entreprises comme Eiffage, Gecina ou encore Ubisoft seraient promues dans l’indice phare CAC 40.
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Cette approche est aujourd’hui peu mise en avant chez les gérants parisiens. Mais le premier gestionnaire d’actifs européen Amundi a aussi commencé à développer sa propre mesure.
Plus complexe, elle inclut toutefois le même principe de soustraire du bénéfice le coût des émissions carbone. Celui-ci est calculé avec un périmètre un peu moins étendu et en appliquant des prix différents selon les secteurs – des données gardées en interne – explique Piergaetano Iaccarino, qui a participé à l’élaboration de la formule.
Cette donnée est ensuite comparée au capital de la société, auquel est ajouté un « capital environnemental », défini comme la contribution supplémentaire nécessaire pour atteindre les objectifs de réduction d’émissions carbone que s’est fixés l’entreprise, explique M. Iaccarino.
Ce calcul réduit de fait le retour sur investissement des actionnaires, avec un impact d’autant plus grand que les efforts nécessaires sont importants.
Ce « capital environnemental » est « un pont entre une notion compréhensible pour des investisseurs et une approche scientifique » deux domaines qui ne parlent habituellement pas le même langage, appuie-t-il.
Il reconnaît qu’il est toutefois encore difficile d’étendre cette recherche au-delà du carbone, par exemple avec l’impact sur la biodiversité, en raison du manque de données fiables et complètes pour couvrir le sujet.
Externalités
Depuis le 1er janvier, les entreprises doivent collecter un nombre bien plus important de données extra-financières en raison d’une loi européenne mais les premières publications seront pour 2025.
Cela permettra d’enfin mieux prendre en compte les « externalités », un concept né dans les années 1920 pour désigner les conséquences de l’activité d’un agent économique sur son environnement mais sans qu’il en paye le coût directement, comme la pollution d’une rivière par une usine explique M. Auriac.
Du point de vue des entreprises, mettre un prix sur tous les impacts environnementaux ou sociaux permet aussi de faire de meilleurs choix, avance Laurence Barrère, directrice de la finance durable de Kering.
Lorsqu’on s’interroge sur quel matériel utiliser pour un sac et où le produire pour limiter son empreinte, « il est plus facile d’échanger sur une composante en euros qu’en mètres cubes d’eau », explique-t-elle.
« C’est une boussole pour unifier le langage », ajoute la dirigeante, qui précise que les différentes variables ont été calculés avec l’aide de scientifiques.
Le compte de résultat environnemental publié depuis plusieurs années par le groupe permet de comparer l’évolution et de se fixer des objectifs, même s’ils ne sont pas conçus pour les investisseurs, souligne-t-elle.
© AFP
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