Paris (AFP) – A quelques jours des vacances d’hiver, la Cour des Comptes alerte sur le modèle économique du ski français « à bout de souffle » et dont les politiques d’adaptation face au changement climatique « restent en deçà des enjeux ».
La France se classe au deuxième rang mondial des destinations de tourisme hivernal derrière les Etats-Unis et le tourisme montagnard représente 22,4% des nuitées touristiques en France, souligne le rapport de la Cour des Comptes publié mardi.
« A compter des années 2000, la diminution de l’activité ski et l’inadaptation croissante du patrimoine immobilier des stations ont commencé à fragiliser l’équilibre financier des remontées mécaniques et l’économie locale qui en découle pour partie« , écrit la Cour des Comptes.
« Un phénomène accentué par le changement climatique« , selon la Cour. « Toutes les stations de ski seront plus ou moins touchées à l’horizon de 2050 » et seules « quelques stations pourraient espérer poursuivre une exploitation au-delà de cette échéance« , prévient-elle.
Or, déplore la Cour des comptes, « les politiques d’adaptation menées par les acteurs de la montagne reposent essentiellement sur la production de neige » qui a « un effet à court terme » car « son coût est important et son efficacité tend à se réduire avec la hausse des températures« .
Sans oublier « l’impact de la production de neige sur les ressources en eau » qui paraît « sous-estimé dans de nombreux territoires« , souligne le rapport qui estime qu' »il serait nécessaire que les autorisations de prélèvement d’eau destinées à la production de neige tiennent davantage compte des prospectives climatiques« .
« Réagir au plus vite«
« Il faut que les stations passent à un autre schéma qui consiste à avoir de vrais projets et se projeter sur les 20, 30 années futures, ce n’est pas évident. A ce titre, la production de neige reste une solution à courte période mais pas sur une longue durée », a expliqué à la presse Bernard Lejeune, président de la Chambre Régionale des Comptes Auvergne-Rhône-Alpes.
Quant aux actions de diversifications d’activités, elles « sont rarement adossées à un véritable projet« , juge la Cour des Comptes. « Réalisées au fil de l’eau, elles tendent souvent à reproduire le modèle du ski, fondé sur des investissements importants et une forte fréquentation sans plan d’affaires permettant d’établir leur pertinence économique » et « les initiatives des collectivités territoriales, sont peu coordonnées entre elles« .
Le rapport épingle aussi « la planification écologique de l’Etat, peu opérationnelle pour le secteur touristique en montagne« , qui « ne permet pas d’impulser une réelle dynamique de changement » et estime qu’il en est de même pour les régions.
« Une réorientation fondamentale de la dépense publique en fonction de la réalité climatique et économique de chaque territoire doit être envisagée« , estime-t-elle.
« Il faut très clairement changer de vision, mettre en place une nouvelle gouvernance, élargir la focale, trouver des ressources – car il faut quelque 92 millions par an d’investissement qui ne sont pas tous des investissements dans la production de neige – pour arriver à un modèle plus diversifié, qui soit un modèle +quatre saisons+ et pour tout type de station« , a expliqué à la presse le président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici.
Parmi les possibilités de « ressources supplémentaires », le président de la Cour évoque les prix des remontées mécaniques qui « sont chers mais moins chers que dans d’autres grands pays de ski » et les taxes qui « sont assez basses ».
« Il ne s’agit pas de condamner, il s’agit de connaître la situation pour pouvoir réagir plus vite« , a-t-il ajouté, rappelant que le rapport « est soumis à contradiction, nous sommes bien conscients de la réaction que cela peut provoquer« .
Dans leur réponse publiée dans le rapport, les domaines skiables de France (DSF) accusent la Cour de « formulations généralistes » qui « renvoient à une formulation grossière voire tapageuse de l’analyse« . Si les DSF reconnaissent que le changement climatique « assombrit » l’avenir de stations de montagne, elles jugent aussi qu' »il en existe de nombreuses autres dont les marchés, la santé financière, les perspectives d’enneigement et les stratégies donnent confiance en l’avenir« .
© AFP
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2 commentaires
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Rose-May
Je suis accompagnatrice en montagne, il n’y a plus de neige en ce moment dans le Jura, quelques pistes artificiellement ouvertes à coût de transports de neige par camion, tracteurs, venant de la montagne pour la mettre sur la piste. Il fait trop chaud pour faire fonctionner les canons. C’est déplorable mais il y a encore des gens sur les pistes. Mon activité se réduit à néant, les gens annulent, les scolaires aussi, alors même que je propose des sorties hors neige, avec des thématiques variées. Le touriste comme les locaux, veulent la carte postale des épicéas enneigés, ils mettent la pression pour avoir la neige et on peut présenter tout ce qu’on veut comme alternative, le client veut de la neige, parce que dans sa tête, il y a de la neige en hiver. Nous sommes des indépendants, sans aucune aide, ni droit au chômage. Nous sommes silencieux, on a pas de tracteur pour manifester. Mais si, en plus d’un changement des politiques publiques, le consommateur de la montagne ne change pas son imaginaire, nous ne pourrons plus continuer à faire notre métier de sensibilisation à la nature, de découverte de la montagne, et d’éducation à l’environnement.
anne brunet
Vous avez une vision claire et juste… il faut éduquer les touristes et les locaux à d’autres perspectives et que ceux-ci acceptent ces changement climatiques. Ils doivent revoir leur croyances.