Genève (AFP) – Cuirs végétaux, acier fondu dans un four solaire, matériau composite réparable à la chaleur… La start-up suisse ID Genève explore toutes les pistes pour fabriquer des montres aussi durables que possible.
Dans cette micro-entreprise il n’est « pas question d’utiliser des coffrets en bois d’Amazonie qui prennent la poussière dans un placard », prévient Nicolas Freudiger, son co-fondateur, âgé de 35 ans, lors d’un entretien avec l’AFP.
Les montres sont présentées dans des boîtes qui ressemblent à de la fonte mais sont fabriquées à partir d’algues qui se dissolvent dans l’eau et peuvent être réutilisées comme engrais de jardin.
Créée en décembre 2020, la start-up n’a pour l’instant produit que 620 montres, mais a déjà fait beaucoup parler d’elle auprès des horlogers suisses, surtout depuis que l’acteur américain Leonardo DiCaprio a investi dans l’entreprise, en octobre 2023.
L’idée est née lorsque M. Freudiger, recruté chez Coca-Cola à la sortie de l’école hôtelière de Lausanne, démissionne pour aller suivre une formation sur l’économie circulaire.
Il discute avec son copain d’enfance Cédric Mulhauser, horloger formé par la prestigieuse marque Vacheron Constantin, qui lui présente Singal Depéry Mösch, un ami designer.
Alternative au luxe
A la fin d’un concert, le trio jette les bases du projet, avec pour ambition de devenir « une alternative crédible dans le luxe », retrace M. Freudiger, avec ces montres vendues entre 3.600 et 5.000 francs suisses.
Pour leur premier modèle, ils récupèrent de l’acier de haute qualité, recyclé à partir des rebuts de manufactures horlogères et fabricants de matériel médical dans le Jura.
Ils dénichent des mouvements horlogers parmi les invendus de grandes marques, voués à être détruits, et se tournent pour les bracelets vers une entreprise italienne qui fabrique du cuir végétal à partir de marc de raisin et une start-up britannique qui les produit à base de déchets végétaux provenant de parcs londoniens.
Le trio s’interroge ensuite sur l’empreinte énergétique durant la fabrication et part mener des tests dans un four solaire dans les Pyrénées.
Ils reviennent en Suisse avec des lingots d’acier recyclé, fondu sans énergie fossile, utilisés pour leur second modèle.
A terme, ils espèrent passer par un four solaire qui doit voir le jour en Suisse, à la Chaux-de-Fonds.
« Aussi sexy » que l’or rose
En mars 2023, durant le salon de l’innovation ChangeNow à Paris, ils rencontrent des étudiants de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne qui ont mis au point des systèmes de résine permettant de réparer rapidement des matériaux en fibre de carbone à l’aide d’un pistolet thermique, et ont eux aussi créé leur start-up.
Applicable aux matériaux composites dans l’aéronautique, équipements éoliens ou sportifs, leur technologie permet de prolonger la durée de vie de pièces qui sont souvent jetées car « trop longues à réparer », explique Amaël Cohades, co-fondateur de cette entreprise appelée CompPair.
Ensemble, ils décident de fabriquer un matériau à partir de chutes de production d’éoliennes pour réparer facilement les montres en cas de rayure ou de choc.
« On veut montrer que c’est aussi sexy de porter une montre avec la technologie de CompPair qu’une montre en or rose 18 carats », affirme M. Freudiger.
Pour l’heure, ces montres séduisent surtout des chefs d’entreprise et ingénieurs spécialisés dans les métiers de l’environnement, en quête « d’un bijou qui reflète leurs valeurs », explique-t-il.
Selon Jon Cox, analyste chez Kepler Cheuvreux, « une partie du marché est assurément à l’affût de ce type de produits », indique-t-il à l’AFP.
ID Genève a rapidement attiré l’œil de l’enseigne britannique de montres de luxe Watches of Switzerland, « la nouvelle génération d’acheteurs étant plus que jamais consciente des questions d’environnement ».
Les montres « se sont vendues immédiatement après leur lancement », au Royaume-Uni comme aux Etats-Unis, a-t-elle assuré à l’AFP, l’annonce de l’investissement réalisé par Leonardo DiCaprio lui donnant un coup de pouce supplémentaire.
Pour Luca Solca, analyste chez Bernstein, ce concept dans l’ère du temps va probablement attirer de nouveaux concurrents durant les prochaines années.
Mais « ID Genève se sera peut-être taillé une niche » et « ne sera plus aussi petit d’ici là », affirme-t-il.
La marque entend accélérer sa croissance, espérant fabriquer 1.000 montres en 2024.
© AFP
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