Kinver (Royaume-Uni) (AFP) – Depuis la fin du XVIIIème siècle, des canaux sillonnent toute l’Angleterre, il y en aurait même plus à Birmingham qu’à Venise. Dans ces paysages pittoresques, de nouvelles embarcations font leur apparition: des péniches électriques, bien plus respectueuses de l’environnement que celles au diesel.
Navigant sur le canal Staffordshire & Worcestershire dans le centre de l’Angleterre, le bateau de Neil Cocksedge ressemble à première vue aux autres. Mais il a une particularité: sa discrétion.
« Ce que les gens remarquent avec le bateau électrique, c’est qu’il est tellement plus silencieux », raconte-t-il fièrement à l’AFP.
Il a baptisé son bateau « Eau de Folles », du nom d’un restaurant à Toulouse, dans le sud-ouest de la France, aujourd’hui fermé, où il a demandé son épouse en mariage il y a plusieurs décennies.
Les batteries qui alimentent le moteur et les appareils de bord (four, réfrigérateur et bouilloire) sont rechargées par des panneaux solaires sur le toit, des bornes de recharge au bord du canal et un générateur alimenté par du carburant. Il consomme quatre fois moins de diesel que les bateaux traditionnels.
Neil Cocksedge, un cadre retraité de l’industrie sidérurgique, fait partie des pionniers de la transition vers des péniches respectueuses de l’environnement, après plus d’un siècle de bateaux à moteur diesel.
« Nous voulions être aussi écologiques que possible », explique ce septuagénaire, qui a acheté son bateau de plaisance fait sur mesure en mai 2022. Il y en a très peu d’électriques pour le moment, mais ils gagnent en popularité ».
Permis moins chers
L’essor des canaux en Grande-Bretagne remonte à la fin du XVIIIème siècle. Ils étaient alors utilisés pour transporter des marchandises, contribuant à la révolution industrielle. Au siècle suivant, ils ont été supplantés par les chemins de fer.
Mais l’Angleterre et le Pays de Galles comptent encore plus de 3.200 kilomètres de canaux navigables et de rivières. La région de Birmingham est l’épicentre de ce réseau de canaux.
Une grande partie ne fait souvent qu’un mètre de large. C’est pourquoi ces péniches sont appelées en anglais « narrowboats » (bateaux étroits).
Naviguant aussi bien dans des campagnes idylliques que dans des zones urbaines, elles ont connu un regain d’intérêt au cours des dernières décennies. Mais les fumées de diesel qui s’en dégagent font mauvais genre alors que le Royaume-Uni essaie de décarboner ses transports.
Les bateaux sont généralement équipés de « vieux moteurs de type agricole modernisés », explique M. Cocksenge.
Mais le gouvernement veut que tous ces bateaux soient capables, dès l’an prochain, d’expliquer comment ils peuvent être transformés pour atteindre l’objectif de zéro émission fixé par le pays pour 2050.
Pour encourager les moteurs électriques, le Canal & River Trust (CRT), l’organisation qui s’occupe des voies navigables, offre aux propriétaires de bateaux « verts » des réductions de 25% sur les permis annuels obligatoires.
Il délivre actuellement des permis à environ 35.000 bateaux en Angleterre et au Pays de Galles, mais seulement 1% d’entre eux bénéficient de la réduction, ce qui montre l’étendue des progrès à accomplir.
Blogueurs
Ortomarine, l’entreprise créée en 2015 qui a construit le bateau de Neil Cocksedge, a décidé il y a trois ans de se concentrer exclusivement sur les péniches électriques.
Elle produit jusqu’à six bateaux par an et a un carnet de commandes rempli jusqu’en 2027, explique Caroline Badger, la directrice financière, depuis le petit atelier de l’entreprise situé sur un ancien site militaire au sud-ouest de Birmingham.
Ses bateaux coûtent au moins 150.000 livres sterling (176.000 euros), soit environ 25.000 livres sterling de plus que de nombreux bateaux à moteur diesel.
Ces « narrowboats » sont « idéaux » pour la propulsion électrique, affirme-t-elle, car ils disposent de suffisamment de place pour les panneaux solaires et ils naviguent lentement.
Des blogueurs diffusant des images de la vie sur les canaux ont largement contribué à l’intérêt pour les bateaux électriques, en particulier après la pandémie quand certains ont abandonné leurs appartements urbains au profit de ces embarcations, raconte Caroline Badger.
Cela intéresse partout dans le monde, affirme la responsable, évoquant des clients venus d’Australie, d’Afrique du Sud, d’Amérique du Nord.
Mais le potentiel n’est pas forcément le même: « Il n’y a nulle part ailleurs autant de canaux qu’au Royaume-Uni (…) traversant des paysages parmi les plus beaux du monde ».
© AFP
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