Le changement climatique en cours nécessite d’adapter la société, et donc, par extension, les mécanismes d’assurance. Pour la seule France, le risque climatique est évalué à 2,4 milliards d’euros par an en moyenne entre 2016 et 2022, mais ce chiffre devrait grimper et atteindre 17,5 milliards d’euros par an en moyenne d’ici 2050. Il s’agit de moyennes annuelles, les chiffres variant d’une année sur l’autre en fonction de l’intensité et de l’ampleur des catastrophes survenues.
L’assurance, un enjeu d’adaptation face aux dérèglements climatiques
En 2022, en France, les assurances ont couvert pour près de 10 milliards d’euros de dommages liés aux dérèglements climatiques. La nature des sinistres se révèle variée : inondation, submersion et érosion du littoral, tempête, sécheresse, retrait-gonflement des argiles, fissure…
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Plus d’un Français sur 4 est confronté aux risques climatiques. Les récentes catastrophes naturelles survenues dans le pays, comme les inondations dans le Pas-de-Calais, montrent que le sujet préoccupe autant les professionnels du secteur de l’assurance que le gouvernement. La prise en compte du réchauffement climatique et de ses coûts est un défi à relever. Elle pose aussi la question de l’habitabilité de certaines régions et de la prise en charge des risques surtout que le réchauffement climatique trouve son origine dans les activités humaines.
La France est en train de préparer son 3e plan d’adaptation au dérèglement climatique, qui a fait l’objet, le 8 février dernier, d’une réunion entre le ministre de la Transition Écologique Christophe Bréchu et le ministre de l’Économie Bruno le Maire et les acteurs économiques. Bruno Le Maire a déclaré à cette occasion : « il est indispensable de ralentir le réchauffement climatique. Il est tout aussi indispensable de s’adapter dès maintenant à ses conséquences, que nous constatons déjà : canicules, sécheresses, inondations, fortes tempêtes, submersions marines, etc. Notre transition écologique marche sur deux jambes : l’atténuation d’une part, et l’adaptation d’autre part. C’est le rôle de l’Etat d’anticiper pour protéger. » Le 3ème plan national d’adaptation au changement climatique sera dévoilé en mars pour consultation avant d’être adopté d’ici la rentrée de septembre. Il est probable que la question de l’assurance face aux risques en fasse partie.
De plus, afin de rééquilibrer les comptes du fonds d’indemnisation des catastrophes naturelles en déficit en raison de leur recrudescence, le gouvernement a fait passer, le 28 décembre 2023, un arrêté rehaussant les « taux des primes additionnelles d’assurances dommages finançant le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. ». Ils passeront de 12 % actuellement à 20 % en 2025 sur les contrats d’assurance de dommages aux biens d’habitation et professionnels, « et de 6 à 9% sur les garanties vol et incendie des contrats automobiles », selon le ministère de l’Économie et des Finances.
Du côté des professionnels de l’assurance, de nouvelles approches à développer
Le 16 janvier 2024, l’agéa, qui est la Fédération nationale des syndicats d’agents généraux d’assurance a publié un Livre Blanc sur les enjeux assurantiels liés au climat. L’agéa représente les agents généraux d’assurances, qui proposent les produits élaborés par les assurances. La fédération regroupe 7500 agents, soit les deux tiers de la profession. Elle formule dans son Livre Blanc sur le climat 15 propositions afin de préparer le secteur. France Assureurs, une autre structure professionnelle qui regroupe les assurances, travaille également depuis des années sur l’évaluation du risque climatique et ses impacts économiques.
L’Agéa préconise entre autres de développer la finance verte et l’épargne vertueuse, d’assurer la pérennité financière du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles et de permettre une couverture assurantielle pour tous face aux catastrophes naturelles.
Intervenant lors d’une rencontre en ligne avec la presse organisée le 20 février par l’Association des Journalistes de l’Environnement, Pascal Chapelon, président délégué d’Agéa plaide pour organiser le paysage des assurances face aux risques climatiques grâce à « la création d’un Observatoire sur l’assurabilité des risques climatiques » qui n’existe pas à l’heure actuelle. Il précise : « chaque compagnie d’assurance a son propre zonage, son propre système de localisation et d’évaluation des risques. Ce qui aboutit à des aberrations puisque certains risques sont garantis par des compagnies tandis que d’autres les excluent pour la même adresse de la même commune ». Un observatoire permettrait le partage d’informations sur la sinistralité et l’indemnisation. Si les risques sont aujourd’hui assez bien connus, leur prise en charge reste opaque, dépend du contrat et de la compagnie. Le président délégué d’Agéa prône la création d’un indice de sensibilité climatique. Ce « diagnostic de vulnérabilité aux risques naturels » serait similaire au DPE (diagnostic de performance énergétique), dans le cadre de l’immobilier afin d’éclairer les acquéreurs de biens.
Le vaste chantier du bâtiment
L’Agéa déplore aussi les difficultés à faire assurer certaines technologies de la transition. Elle appelle à « promouvoir l’expérimentation en matière de nouvelles techniques de construction, via l’instauration d’un dialogue permanent entre les professionnels de l’assurance et du bâtiment, les organismes de certification des produits et des procédés de construction, et les pouvoirs publics.». Son président donne l’exemple d’installations de panneaux solaires qu’on refuse d’assurer en raison du risque accru d’incendie ou les difficultés du réemploi de matériaux dans la construction. Alors que cela se fait dans l’automobile. En effet, il est arrivé que dans la construction de nouveaux bâtiments, le réemploi de certains matériaux les prive de la garantie décennale « parce que l’agence garantie construction ne reconnaît pas certaines techniques de réemploi comme des procédés courants ». Pascal Chapelon souligne la nécessité de faire agréer rapidement les matériaux issus du réemploi.
Toujours sur le volet logement, Pascal Chapelon d’Agéa, estime que « le rôle des assurances dans la transition écologique passe par l’insertion d’éléments de prévention tant au niveau de la construction que de la réparation ». Il propose dans cette logique de favoriser la construction de nouveaux bâtis respectueux des principes de durabilité afin de limiter les risques et leur impact. « C’est facile sur les constructions nouvelles », estime Pascal Chapelon avant de rajouter « c’est plus difficile sur le bâti existant. Mais, nous souhaitons qu’en cas de sinistre, il y ait une mise en conformité avec la loi énergie climat. » La plupart des contrats prévoient une reconstruction à l’identique alors que les réparations ou la reconstruction à l’occasion d’un sinistre donnent l’opportunité d’améliorer la performance énergétique en travaillant sur l’isolation et de réduire l’impact climatique d’un bâtiment en végétalisant sa toiture, par exemple. Il appelle à conduire une réflexion pour aller dans ce sens, qui est celui de la prévention. Selon lui, la prévention du risque climatique peut s’envisager de deux manières. Soit « la prévention conditionne l’accès à l’assurance dès lors que j’ai pu la mettre en place, mais ce sera très compliqué sur le bâti existant »,soit, « la prévention donne un avantage tarifaire sur la cotisation ». Il conclut en appelant à « être humble par rapport à ce qu’on peut imaginer sur le champ assurantiel mais à être vraiment dans l’anticipation ».
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Pour aller plus loin
Le Livre Blanc d’agéa Changement climatique : 15 propositions des agents généraux pour adapter l’assurance
L’assurance face aux défis climatiques sur le site de France Assureurs
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