New York (AFP) – New York met en place progressivement le ramassage des déchets organiques dans toute la ville, un tournant pour la métropole, mais la méthode crispe les acteurs locaux historiques du compost, dont les financements sont coupés.
John Surico s’est mis à séparer ses restes alimentaires il y a sept ans. A l’époque, ce résident de l’arrondissement du Queens devait traverser tout le quartier pour trouver un site de collecte de ses déchets organiques, congelés sur plusieurs jours dans son frigo.
« Il fallait être motivé » se souvient-il. « Mais maintenant, je n’ai qu’à descendre en bas de chez moi. »
Après le Queens et Brooklyn, la municipalité prévoit d’équiper toute la ville de ces nouvelles poubelles marron et orange d’ici la fin de l’année. L’an prochain, le tri deviendra obligatoire et passible d’amende.
L’enjeu est de taille pour une cité qui génère quotidiennement 11.000 tonnes d’ordures, dont un tiers de déchets alimentaires. L’an dernier, la collecte des déchets organiques ne représentait que 3% du total ramassé, selon les chiffres de services de propreté (DSNY).
« C’est une réalisation incroyable », a lancé, début janvier, le maire Eric Adams, lors de l’inauguration en grande pompe d’une extension du plus grand site de compost de la ville, dans le quartier de Staten Island.
Grâce à une nouvelle méthode accélérée, celle du tas statique aéré par tuyaux qui permet de réduire de plus de moitié le temps de transformation, il va pouvoir désormais traiter quelque 95.000 tonnes de déchets organiques par an.
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« New York est en train de devenir un modèle national sur les questions d’environnement », a affirmé Jenifer Rajkumar, élue du Queens à l’assemblée de l’Etat de New York.
La ville va également renforcer le réseau de « smart bins », des poubelles « intelligentes » sur les trottoirs dans lesquelles les New-Yorkais peuvent déposer leurs déchets organiques à toute heure.
« Dimension humaine »
Pour autant, la communauté historique du compost, acteurs associatifs et bénévoles, a accueilli ce tournant avec réserve.
D’une part, parce qu’une partie considérable des déchets ramassés n’est pas transformée en compost, mais alimente un digesteur situé à Brooklyn, qui produit du gaz de ville par méthanisation.
L’autre raison tient à la suppression concomitante des subventions accordées aux associations existantes, dans le cadre d’un plan d’économies de la municipalité, qui met en péril l’ensemble du milieu.
Big Reuse, la plus importante d’entre elles, a dû se séparer de 16 de ses 19 employés, explique Gil Lopez, membre de l’organisation, et risque de perdre son principal site, situé dans le Queens.
Plusieurs membres du conseil municipal ont plaidé pour un rétablissement des financements municipaux, mais « le maire n’a pas cédé », regrette Gil Lopez.
La start-up Mill a fait un don de 350.000 dollars, qui n’a fait que repousser l’échéance d’une poignée de mois.
« Personne ne veut financer du compostage de proximité si la ville ne s’engage pas », avance Marisa DeDominicis, co-fondatrice de l’association Earth Matter NY, qui permet à l’île de Governors Island, dans la baie de New York, de composter ses propres déchets organiques.
« Je sais que quand on est à la tête d’une ville, il faut surveiller ses finances, (…) mais il faut prendre en compte la dimension humaine », argue Andrea Lieske, d’Earth Matter NY. « L’idée, c’est de se rassembler autour du compostage et d’un système durable. »
Au-delà des sites eux-mêmes et de leur gestion, le compostage de proximité implique de nombreux jardins communautaires et autres lieux qui s’appuient sur la logistique des associations et leurs connaissances techniques.
Les historiques du compostage à New York soulignent, en outre, que le bilan carbone d’activités de proximité est sensiblement meilleur que celui du ramassage collectif, dont les camions parcourent parfois plusieurs dizaines de kilomètres jusqu’à leur destination finale.
Big Reuse, comme d’autres, travaille aussi avec des écoliers, lycéens, étudiants, entreprises, lors d’actions de sensibilisation à la valorisation des déchets organiques.
Pour Gil Lopez, « c’est tout un mouvement à New York que l’on prive de service ».
© AFP
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