Plus de 66 millions de tonnes de déchets ont été collectés afin d’être recyclés en France en 2020, ce qui a permis d’éviter l’émission de 17 millions de tonnes de CO2. L’année suivante, en 2021, 53 millions de tonnes de matières premières issues du recyclage ont servir à produire de nouveaux matériaux ou objets. Ces chiffres proviennent du Bilan national du recyclage en France 2012-2021 réalisé par l’ADEME (l’Agence de la Transition Écologique) dévoilé en mars 2024. Même si globalement, la récupération et la réutilisation des matières premières progressent, « il n’est pas si simple d’en tirer un bilan », précise Hélène Bortoli-Puig, cheffe du service Écoconception et recyclage à l’ADEME. « C’est compliqué de chercher et compiler les données sur le sujet étant donné le nombre de parties prenantes dans le secteur et sa complexité », ajoute-t-elle, avant d’indiquer que ces éléments sont indispensables pour évaluer les besoins, faire évoluer les comportements et les politiques publiques. Il est donc pour le moment impossible de savoir si le pays est sur la trajectoire des objectifs fixés par l’Union Européenne. Ils prévoient, d’ici 2025, de recycler 55 % des déchets municipaux et 65 % des déchets d’emballage.
Un patchwork de matières recyclées
Le Bilan national du recyclage (BNR) de l’ADEME concerne « 11 filières entre 2012 à 2021 : métaux ferreux, plusieurs métaux non-ferreux (aluminium, cuivre, zinc, plomb), les plastiques, les papiers et cartons, le verre, les inertes du BTP, le bois et les textiles. » Publié depuis 2002, l’édition 2024 du BNR intègre, c’est une nouveauté, une partie consacrée au textile. En effet, ils devront obligatoirement être collectés à partir de 2025. La récupération et le réemploi des tissus et fibres tend aussi à s’améliorer grâce au développement des machines de tri par couleurs et par matière.
La diversité des matières et des filières complexifie l’analyse. Difficile dès lors de dresser un bilan clair. Toutes les matières recyclées ont leurs spécificités qui influent sur la collecte, le recyclage et la réincorporation. Le prix d’une matière première constitue d’ailleurs un facteur clef de la réutilisation des matériaux. Ainsi, le recyclage des métaux est plus développé que celui des plastiques. La récupération des plastiques demeure insuffisante malgré son doublement en une décennie. « La collecte du plastique progresse mais reste assez faible. Des efforts devront être accomplis dans ce sens même si elle a augmenté de 142 % depuis 2012 », détaille Hélène Bortoli-Puig. Seulement 25 % des plastiques sont collectés afin d’être recyclés en 2020 tandis que, pour les métaux ferreux, le chiffre monte à 90 %. Il atteint 82 % pour le papier et le carton.
Le recyclage ne se limite pas aux enjeux environnementaux
La question du réemploi des matières dépasse le cadre strictement écologique parce qu’elle rejoint des considérations économiques et technologiques, voire géopolitiques car il s’agit d’un moyen d’accès aux ressources. « Le recyclage est un enjeu pour produire les biens de consommation et les équipements nécessaires à la transition. C’est aussi un enjeu économique de compétitivité pour les entreprises françaises qui devront faire face à des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement et l’inflation sur les matières premières », souligne la cheffe du service Écoconception et recyclage à l’ADEME. Elle prend l’exemple du cuivre. Les gisements miniers en produisent moins puisque le taux d’extraction du minerai est passé de 2 % à 0.8 %. Or, le cuivre est un composant essentiel de tout ce qui est électrique, et donc de la décarbonation via l’électrification. Sa demande est en hausse constante. La France aura besoin de produire 8 millions de tonnes de cuivre supplémentaires d’ici 15 ans car les besoins vont tripler pour la mobilité électrique, le bâtiment et les câblages.
Le recyclage joue un rôle crucial dans les années à venir pour la transition énergétique, notamment la réutilisation des métaux. Réintégrer des matériaux recyclés pour produire de nouvelles choses permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, recycler et réutiliser une tonne de plastique économise 2.7 tonnes de CO2 par rapport à la production d’une tonne de plastique vierge. Recycler 1 tonne de métaux ferreux, c’est éviter d’émettre 1,6 tonne CO2. Pour le cuivre, il grimpe jusqu’à 2,2 tonnes de CO2 économisées et jusqu’à 6,4 tonnes de CO2 par tonne d’aluminium réemployée. Parvenir à ces résultats impose de nouveaux défis logistiques et techniques : récupérer les matériaux usagés, les traiter, en limiter les pertes lors du retraitement tout en assurant une qualité nécessaire à leur réemploi.
Un secteur confronté à des évolutions
La chaîne de valeur de la filière déchets évolue. L’ADEME note que : « depuis 2018 et la fermeture des frontières de certains pays aux imports de déchets faiblement valorisables, une baisse continue des exports hors Europe pour l’ensemble des filières de recyclage est observée. Les échanges commerciaux de déchets se recentrent intra-Europe, et ont connu une baisse dans leur globalité. L’activité des centres de tri a pu être saturée et les utilisateurs de matières premières de recyclage ont pu se retrouver en situation de pénurie, les producteurs d’emballages par exemple. ». Dans le cadre de la Convection de Bâle qui en règlement le commerce, plusieurs pays d’Asie, dont la Chine, tant pour cesser d’être « la poubelle de l’Occident » que par souci économique, ont mis fin aux importations de certains déchets. Ces derniers étaient surtout plastiques, ce qui change la donne. Dans le même temps, sur des ressources plus valorisées, comme les métaux, les exportations se poursuivent ou augmentent. D’autant plus que les experts de l’ADEME soulignent les faibles capacités de la France à affiner les métaux pour les réemployer.
Enfin, le recyclage n’a de sens que s’il s’inscrit dans une démarche articulée autour de 3 axes. Il s’agit d’abord de la sobriété, c’est-à-dire de réduction des besoins, puis l’efficacité-matière qui consiste à limiter le gaspillage des ressources dans la conception, la fabrication et enfin la production maximale de matières premières de recyclage en quantité et en qualité. Les marges de progression de l’économie circulaire sont donc encore considérables. Mais, elles ne doivent pas dépendre uniquement du bon vouloir des acteurs économiques et des capacités existantes. C’est pourquoi dans le but de favoriser le développement du recyclage le rapport préconise entre autres de fixer des seuils d’intensité carbone pour les matériaux produits et utilisés en France afin d’inciter à recycler plutôt qu’à extraire et produire de nouveaux matériaux.
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