Le monde a produit 62 millions de tonnes de déchets électroniques en 2022, selon un rapport des Nations Unies publié mercredi 20 mars. Ainsi, entre 2010 et 2022, le volume de déchets électroniques (parfois aussi appelés e-waste en anglais ou D3E pour Déchets d’Équipement Electrique et Electronique) a augmenté de 82 %. À peine un cinquième (22,3 %) de ces déchets aurait été collecté afin d’être recyclé, d’après le Global E-waste Monitor 2024 de l’Institut des Nations unies pour la formation et la recherche (UNITAR) et de l’Union internationale des télécommunications (UIT).
« De la télévision mise au rebut au téléphone usagé jeté, un énorme volume de déchets électroniques est généré dans le monde. Les dernières recherches sur le sujet montrent que le défi de leur traitement prend de l’ampleur. Moins de la moitié des pays du monde ont mis en place des réglementations pour accélérer la collecte et le recyclage des déchets électroniques », déclare Cosmas Luckyson Zavazavl, directeur l’Union internationale des télécommunications (UIT). Moins du quart des DEEE fait officiellement l’objet d’une collecte et d’un retraitement au niveau mondial. Ce taux varie selon le niveau de développement et la réglementation des pays. Les chiffres de la récupération sont toutefois à nuancer car seulement 81 pays dans le monde disposent d’une loi sur le recyclage des D3E. D’autre part, le secteur informel joue un rôle important dans la recollecte et la récupération des métaux dans de nombreux pays, or son action n’est pas comptabilisée dans les chiffres du rapport de l’UNITAR et de l’UIT.
Des déchets électroniques diversifiés
« Malgré le développement rapide des panneaux solaires et d’autres équipements électriques pour combattre la crise climatique et développer le numérique, la très forte hausse des déchets d’équipements électriques et électroniques nécessite une attention urgente », affirme Nikhil Seth, le directeur de l’Institut des Nations unies pour la formation et la recherche (UNITAR). Les auteurs du rapport alertent en effet sur une croissance plus rapide qu’anticipée du volume des déchets électroniques. D’ici à 2030, il devrait croître d’un tiers pour atteindre 82 millions de tonnes. Un volume plus important d’un tiers par rapport à ce qui était prévu jusqu’à présent pour la fin de la décennie. Les panneaux solaires mentionnés plus haut illustrent parfaitement cette recrudescence de la quantité de déchets générés par les transitons énergétiques et numériques. Aujourd’hui, ce sont 600 000 tonnes par an de panneaux photovoltaïques qui arrivent en fin de vie et qu’il faut recycler. Ce chiffre devrait quadrupler d’ici 2030 ; le monde aura alors besoin de collecter et de donner une seconde vie à 2,4 millions de tonnes de panneaux solaires.
La taille de l’objet électrique et électronique influe sur leur retraitement. Plus un objet est gros, plus il sera recyclé. un tiers des DEE est composé de petits appareils comme les jouets, les cigarettes électroniques ou encore les aspirateurs. Ils représentent chaque année 20,4 millions de tonnes de DEEE. Seulement 12 % de ces produits arrivés en fin de vie sont recyclés dans le monde. Quant à eux, les vieux téléphones, ordinateurs portables, smartphones, tablettes et routeurs représentent 4,6 millions de tonnes de D3E. Les produits numériques sont un peu mieux collectés puisque 22 % d’entre deux sont officiellement collectés et recyclés.
Recycler pour réduire l’impact environnemental
Les auteurs du rapport chiffrent également le manque à gagner en raison de la faible récupération des matériaux. Elle est estimée à 62 milliards de dollars au niveau mondial. Ils estiment donc que fixer un objectif de récupération et de recyclage de 60 % au niveau mondial permettrait d’économiser 38 milliards de dollars par an grâce au réemploi des ressources. Ils ajoutent aussi que recycler les DEE a un impact positif sur l’environnement et la santé en limitant localement le risque de pollution par les métaux. Le recyclage par le secteur formel permet d’éviter l’émission de 93 millions de tonnes de CO2 par an.
En France, l’ADEME (agence de la transition écologique) estime que l’empreinte écologique d’un produit numérique provient à 80 % de sa production. C’est pourquoi avant leur nécessaire recyclage, elle appelle les consommateurs à en prolonger au maximum la durée de vie en les utilisant le plus longtemps possible ou les revendant tant qu’ils fonctionnent.
Kees Baldé de l’UNITAR va dans le sens de l’ADEME, il préconise sur les produits électroniques et électriques « d’acheter seulement si on en a vraiment besoin, d’essayer de les réparer quand c’est possible, sinon de s’assurer qu’ils soient bien collectés afin d’être retraités en les rapportant aux points de collecte dédié des villes ou chez les revendeurs ». Elle précise que, au-delà de ces comportements individuels nécessaires, « la plupart des actions devraient être entreprises par les producteurs de biens électriques et électroniques et les gouvernements afin de permettre aux citoyens et aux consommateurs de disposer d’un environnement favorable au recyclage. » Selon ses dires, cela doit se faire par la législation, des politiques en faveur du recyclage qui permettent à cette activité d’avoir lieu de bonnes conditions pour l’environnement et la santé tout en favorisant la récupération dans les DEEE les ressources comme les métaux ».
Les e-wastes, un vivier de ressources insuffisamment exploitées
Aujourd’hui, seulement 1 % de la demande mondiale en éléments rares est satisfaite par le recyclage. Kees Baldé, scientifique au sein de l’UNITAR et auteur du rapport explique : « le recyclage des e-wastes ne répond même pas à 1 % de la demande mondiale pour les terres rares. Ce n’est plus possible de continuer à faire comme avant. Ce nouveau rapport est un appel à immédiatement investir davantage dans le recyclage et la réparation. Il appelle également à en finir avec le commerce illégal de déchets électroniques ».
Le recyclage offre un potentiel pour la production de métaux, mais il ne sera sans doute pas une alternative à l’extraction en raison des volumes limités à récupérer et de sa complexité. Les DEEE représentent aujourd’hui un gisement de 31 millions de tonnes de métaux, 17 millions de tonnes de plastiques et 14 millions d’autres matériaux comme du verre ou des matériaux composites ou des minéraux. Le rapport souligne la valeur économique des ressources et des matières premières présentes dans les DEEE. Elle serait de 91 milliards de dollars, dont 19 milliards de dollars pour le cuivre, 16 milliards pour le fer et 15 pour l’or. Cependant, la complexité des objets électroniques rend leur recyclage très complexe d’autant plus que sur un appareil les quantités de minerai à récupérer peuvent se montrer infimes.
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Pour aller plus loin
Global E-waste Monitor (en anglais)
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