Deux déclarations, concernant le triplement mondial des énergies renouvelables d’ici 2030 et celui du nucléaire d’ici 2050, ont été signées par certains pays lors de la COP28 en décembre dernier. Les signataires reconnaissent que le développement de sources d’énergie décarbonées est nécessaire pour contenir le réchauffement climatique sous les 1.5 °C, cependant les textes présentent certaines limites.
De grands pollueurs manquants à l’appel
La Chine, la Russie, l’Inde, l’Iran ou encore l’Arabie Saoudite n’ont pas signé les déclarations sur l’énergie renouvelable ou le nucléaire de la COP28. Ces pays figurent parmi les plus grands émetteurs de CO2, il faut noter cependant que la déclaration sur les renouvelables a davantage remportée l’adhésion des nations avec 116 signataires contre 22 pour celle sur le nucléaire.
Contribuant ensemble à un peu plus de la moitié des émissions mondiales, leur absence peut peser lourd dans la course urgente à la neutralité carbone en 2050. Les pays signataires sont portés par chacune des déclarations à « passer en revue les progrès accomplis » tous les ans, ce qui peut présenter un nouvel espace de discussion pour aller vers les objectifs fixés.
L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) rappelle dans son rapport de 2018 que le budget mondial des émissions de CO2 liées à l’énergie permettant de maintenir le réchauffement à moins de 2 °C sera épuisé en 2037.
Il faut ainsi que le développement des énergies renouvelables soit au moins six fois plus rapide. Ne pas y retrouver une partie des plus grands contributeurs autour de la table peut compromettre l’efficacité de la démarche.
Par ailleurs, les textes ont une autre faiblesse en commun, propre aux conventions climat : ils ne sont pas contraignants. Reste ainsi à voir si ces déclarations d’engagement se transforment en actions portées par des politiques climatiques ambitieuses.
Des sources d’énergies qui ne font que se superposer
Développer l’éventail des sources d’énergies décarbonées, oui, mais à conditions qu’elles remplacent la dominance des fossiles. Or, depuis le déploiement de nouvelles énergies, elles ne font que se superposer, élargissant l’éventail qui nous échappe toujours un peu plus des mains.
La consommation d’énergies fossiles a été multipliée par 6 en 60 ans sans que celle d’autres types n’aient pour autant diminué. Pour respecter l’objectif de l’Accord de Paris, une augmentation de la capacité énergétique décarbonée ne peut être dissociée d’une réduction drastique de l’approvisionnement en énergie fossile, qui s’élève encore à 80% au niveau mondial.
La consommation de charbon doit ainsi être réduite de 95 %, de 60 % pour le pétrole et de 45 % pour le gaz en 2050 par rapport à l’année 2019 d’après le dernier rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat). Il préconise aussi qu’aucune nouvelle infrastructure de production d’énergies fossiles ne doit être construite, tandis que les investissements dans cette industrie continuent d’augmenter malgré un recul pendant la crise Covid.
Des objectifs quantifiés quant à la « sortie progressive des énergies fossiles afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 » de l’accord final de la COP28 manquent pour consolider la trajectoire vers la neutralité carbone. En ne prenant en compte qu’un seul tenant de la transition énergétique, l’avancée vers la neutralité carbone risque d’être lente et vacillante.
Limites de développement des renouvelables et du nucléaire
Les énergies décarbonées ne sont pas exemptes d’inconvénients. Pour les énergies renouvelables, leur développement se heurte à l’inégalité de leur capacité de mise en place selon la géographie.
L’hydraulique est par exemple à saturation sur le territoire des pays développés, la biomasse et la géothermie ont des potentiels limités tout comme l’hydrolien qui nécessite des moyens conséquents. L’éolien et solaire sont donc les deux modes de production d’énergie renouvelable les plus abondants. Chacun se développe de manière importante dans le monde depuis les dernières décennies, la Chine en tête. Mais ce sont des énergies intermittentes qui limitent leur utilisation.
Le nucléaire quant à lui, pose la question de la gestion des déchets en plus de celle de la sûreté nucléaire.
Le développement de ces énergies décarbonées nécessite des financements considérables qui doivent être doublés selon le Fond Monétaire International (FMI). Pour allier le développement d’énergies décarbonées à la réduction de la consommation mondiale d’énergie, il faut augmenter l’efficacité énergétique mais également revoir en profondeur nos modes de vie, comme le mentionne brièvement le texte concernant les sources renouvelables.
Si le pétrole, le gaz et le charbon ont contribué massivement à l’amélioration du niveau de vie, ce dernier doit désormais pouvoir être maintenu ou rendu accessible en diminuant la demande en énergie des pays développés. Les « objectifs de réduction des facteurs d’émissions ne doivent cependant pas masquer une autre conclusion essentielle : il va falloir réduire notre consommation d’énergie par habitant de manière sensible, notamment dans les pays riches, si l’on veut conserver une chance de rester sous la barre des 2°C » concluait une étude de Carbone 4.
Les habitants des pays développés comme l’Union Européenne, les Etats-Unis ou le Japon devront réduire leur consommation d’énergie de l’ordre de 30 % pour laisser de la marge aux pays moins riches comme l’Inde où une personne pourra l’augmenter de 40 %. Pour rappel, l’objectif d’empreinte carbone annuel pour 2050 est de 2 tonnes par Français – contre 9 tonnes actuellement.
La décarbonation de l’énergie va ainsi de pair avec une sobriété de nos modes de vie qui en constitue une condition nécessaire et trop peu évoquée dans les textes des deux déclarations de la COP28.
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Un commentaire
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Serge Rochain
Il est dommage de devoir rappeler à des « spécialistes » que les renouvelbles ne sont pas plus intermittents que le nucléaire, mais qu’ils sont variables, ce qui est bien différent, car ils sont productifs entre 70 et 80% du temps.
En revanche, aujourd’hui, par exemple, c’est 37,5% des réacteurs de France qui sont à l’arret absolu ! (intermittence) et le reste variable !
Par ailleurs plus les variables seront répandus sur le territoire, moins leur variabilité sera sensible. C’est donc la seule solution, à court, moyen, et long terme pour atteindre le zéro carbone.