Au Tadjikistan, la nouvelle vie des déplacés climatiques

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Djamoliddine Makhmaliev, déplacé climatique, avec ses petits-enfants, dans sa nouvelle maison du district de Khourosson, le 26 mars 2024 au Tadjikistan © AFP

Khourosson (Tadjikistan) (AFP) – « Nous vivions dans la peur, jusqu’au jour où la montagne s’est effondrée et a détruit notre maison », se rappelle Iodgoroï Makhmalieva, déplacée interne au Tadjikistan, le pays d’Asie centrale le plus exposé au changement climatique où se multiplient les catastrophes naturelles.

Depuis, cette retraitée de 61 ans a été relogée avec son mari Djamoliddine et sa famille dans le district de Khourosson, à 70 km au sud de la capitale Douchanbé, dans le cadre d’un programme gouvernemental pour reloger les populations les plus vulnérables aux aléas climatiques.

Dans cette ex-république soviétique de 10 millions d’habitants, le gouvernement estime que des centaines de milliers de personnes vivent dans des régions où coulées de boue, glissements de terrain, avalanches, inondations et tremblements de terre sont monnaie courante, touchant jusqu’à la capitale de ce pays parmi les plus montagneux au monde.

Rien qu’en 2023, le Tadjikistan a fait face à 557 « situations d’urgence » liées à des catastrophes naturelles, qui ont tué 51 personnes, selon les données officielles.

Alors transférer les populations vers des zones plus sûres est une priorité: le concept de « migrants écologiques » figure dans la stratégie gouvernementale sur les migrations internes à l’horizon 2040.

Dans ce cadre, quelque 45.000 Tadjiks ont déjà été relogés entre 2000 et 2017, selon les derniers chiffres du gouvernement. Mais des dizaines de milliers d’autres attendent leur tour.

Terrain gratuit

Pour les Makhmaliev, le temps pressait. Après avoir réussi à « éviter six ou sept fois des coulées de boue », leur maison n’a pas résisté à celle fatidique de mai 2020, raconte à l’AFP Djamoliddine Makhmaliev, professeur de musique de 65 ans.

Ils ont survécu, mais de leur maison, il ne reste plus rien, pas même une photo.

« On ne savait même pas où on allait vivre », explique Mme Makhmalieva.

Un an plus tard, les autorités ont attribué aux Makhmaliev un terrain pour construire une maison dans un village pour déplacés climatiques dans une vallée de la région de Khatlon. De là, ils peuvent encore apercevoir la montagne d’où était partie la coulée de boue ayant détruit leur précèdent logement.

« Il y a toutes les conditions pour une vie confortable » se félicitent les époux Makhmaliev, entourés de leurs six petits-enfants dont ils s’occupent en l’absence de leurs parents, partis gagner leur vie en Russie, comme des millions de Tadjiks.

Le couple remercie régulièrement le « chef de la nation » Emomali Rakhmon, l’inamovible dirigeant tadjik qui tient les rênes du pays depuis 1992, portant le titre officiel de « fondateur de la paix et de l’unité nationale ».

« On a même de l’eau courante maintenant, des routes pavées, un centre médical à proximité et une école », se réjouit Iodgoroï Makhmalieva.

Un avantage pour sa petite-fille Mounissa, 15 ans, qui peut désormais dormir plus longtemps le matin.

« Avant l’école était très loin, je devais me lever tôt pour être à l’heure aux cours. Maintenant, je peux mieux me concentrer sur mes études », dit celle qui aimerait devenir médecin.

Pertes économiques

Tadjikistan déplacés climatiques
Construction d’une maison pour accueillir des déplacés climatiques, dans le district de Khourosson, le 26 mars 2024 au Tadjikistan
© AFP

Dans un champ face à la maison des Makhmaliev, des travaux de construction vont bon train et des ouvriers montent des murs en parpaing.

« C’est une maison pour des futurs déplacés, ils ont reçu du gouvernement 800 mètres carrés de terrain », explique à l’AFP Mourotbek Mourodov, responsable du district de Khourosson pour le ministère tadjik des Situations d’urgence.

« Dans ce village, nous avons déjà construit 67 maisons et relogé environ 900 personnes. A terme, l’objectif est de déplacer tous les habitants des zones à risque vers des endroits plus sûrs », dit l’officier.

Mais la tâche reste immense. Selon M. Mourodov, « il existe plus d’un millier de zones dangereuses au Tadjikistan », pays d’Asie centrale « le plus exposé » aux catastrophes naturelles, selon un rapport de 2024 de l’agence des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes (UNDRR).

D’autant que le Tadjikistan, l’un des pays les plus pauvres au monde, dispose de moyens limités.

Selon la Banque mondiale, « ces catastrophes naturelles constituent une menace sérieuse pour la stabilité économique du Tadjikistan ». Les dégâts causés entre 1992 et 2019 sont estimés à plus d’1,8 milliard de dollars.

Et le président Emomali Rakhmon déplore régulièrement auprès des Nations unies les « énormes dégâts financiers et matériels dus aux catastrophes naturelles subis chaque année par le Tadjikistan ».

© AFP

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