Norvège : quand la montagne accouchera d’un tsunami

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Vue aérienne prise depuis le point de vue de Ljoen, montrant le fjord de Geiranger, en Norvège, le 26 juin 2024 © AFP Olivier FENIET

Stranda (Norvège) (AFP) – Un jour, c’est une certitude, une partie de la montagne finira par s’écrouler dans l’eau en contrebas, provoquant des vagues gigantesques. Pas de quoi inquiéter cependant les habitants qui vivent autour de ce fjord de l’ouest de la Norvège, sereins face à ce tsunami annoncé.

Depuis des décennies, la montagne d’Åkerneset, mastodonte minéral verdi par la mousse et les arbustes, se scinde: son flanc oriental se désolidarise peu à peu, jusqu’à 10 cm par an, et glisse irrémédiablement vers le Sunnylvsfjord à ses pieds.

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« Tout ce versant de la montagne est instable et en mouvement, ce qui peut provoquer un gros éboulement », explique le géologue Lars Harald Blikra au bord de la fissure qu’il surveille depuis une vingtaine d’années pour le compte de la Direction des ressources en eau et de l’énergie (NVE).

Cet effondrement « dévalera jusqu’au fjord et provoquera la formation de grands tsunamis », dit-il, casque orange solidement fiché sur la tête. « Cela peut se produire dans deux ou trois ans ou dans 50 ans, on ne sait pas ».

Selon un rapport d’évaluation des risques publié en 2016 par la Sécurité civile norvégienne, ce sont 54 millions de m3 de roc qui pourraient s’affaisser, d’un bloc ou en plusieurs sections, et générer des vagues de plusieurs dizaines de mètres de haut, susceptibles de toucher une dizaine de villages en bordure du système de fjords en quelques minutes.

S’il a inspiré le film-catastrophe « Bølgen » (« La vague »), ce scénario n’est pas une simple fiction. En 1934, à quelques kilomètres de là, un glissement de terrain avait déclenché un tsunami meurtrier: 40 personnes avaient perdu la vie dans des vagues atteignant jusqu’à 64 mètres.

« On n’est pas ici pour s’amuser », insiste Lars Harald Blikra. « Il y a une forte probabilité qu’un événement majeur se produise, représentant une menace sérieuse pour la société ».

Vagues de 80 mètres ?

Lotis tout au fond du fjord, les villages de Hellesylt et Geiranger sont les plus exposés. Selon les projections les plus alarmistes, ces hauts lieux touristiques pourraient être submergés par des vagues de 70 à 80 mètres.

Olav Arne Merok, septuagénaire qui a vécu toute sa vie à Geiranger, serait aux premières loges.

« Ici, on est à environ 30-40 mètres (d’altitude). C’est sûr que si la vague atteint 90 mètres, on sera sous l’eau », confie-t-il, dans un grand rire, depuis la terrasse de sa maison.

« Mais on ne peut pas vivre constamment avec cette idée en tête. Sinon, on ne vit plus ».

Sur le quai où accostent les navires de croisière, nombreux en été, Geir Gjørva, agent maritime de 69 ans, est lui aussi serein.

La vague? « Personne ne sait quelle sera sa taille, si elle sera comme ci, comme ça ou encore comme ça », dit-il en relevant sa main en guise de toise. « Elle peut arriver lentement (…) ou rapidement. Personne ne sait ».

« Ce n’est pas un sujet dans la vie quotidienne », poursuit-il. « Tout le monde sait que le système d’alerte et les mesures (d’urgence) sont très efficaces ».

 « Scénario cauchemardesque »

Car, en raison du danger qu’elle représente, Åkerneset est sans doute l’une des montagnes les plus surveillées au monde. Toute une batterie d’instruments, GPS et topographiques à sa surface et sondes dans ses entrailles, mesure ses moindres mouvements pour sonner l’alarme si nécessaire.

Selon les géologues, la masse rocheuse ne s’effondrera pas subitement dans le fjord. L’affaissement principal devrait être précédé de signes avant-coureurs qui laisseront suffisamment de temps pour évacuer les populations.

« Devoir évacuer des milliers de personnes d’une petite zone à cause d’un risque de glissement de terrain est un scénario cauchemardesque pour un maire », admet Einar Arve Nordang, nouvellement élu maire de Stranda, la commune qui englobe les villages de Hellesylt et Geiranger.

Mais, assure-t-il, « on est prêt ».

Tous les plans sont en boîte, chaque autorité sait ce qu’elle aura à faire et la population est régulièrement tenue informée des derniers développements.

Le jour venu, « on aura de multiples moyens de communiquer », précise M. Nordang. « On peut utiliser un service de SMS géolocalisés, internet, Facebook, TikTok… ».

Sur les hauteurs d’Åkerneset, les experts cherchent, eux, à repousser l’échéance. Une piste serait de drainer la montagne de son eau qui agit à la fois comme lubrifiant et comme pressuriseur, mais cette solution est complexe et coûteuse, d’autant que les opérations, vu la géographie locale, nécessitent l’emploi d’un hélicoptère.

« On pense que cela ralentirait (le tassement de versant) de manière significative », affirme Sverre Magnus Havig, un haut responsable de NVE. « Au lieu que cela se produise dans 100 ou 200 ans, cela se produirait peut-être plutôt au cours du millier d’années à venir ».

© AFP

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